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2019 CF 766

T-940-18

Recours collectif envisagé

Geraldine Shier LaLiberte, Eileen Rheindel LaLiberte et Robert Doucette (demandeurs)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

T-1251-18

Recours collectif envisagé

Annette McComb (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

T-1904-18

Recours collectif envisagé

Randy Darren Ouellette (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine (défenderesse)

T-2166-18

Recours collectif envisagé

Brian Day (demandeur)

c.

Le procureur général du Canada (défendeur)

Répertorié  : LaLiberte c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale, juge Phelan—Vancouver, 6 et 7 mars; Ottawa, 31 mai 2019.

Pratique — Recours collectifs — Requêtes en conduite de l’instance relativement à un recours collectif envisagé pour le compte des Métis et des Indiens non-inscrits (INI) touchés par la « rafle des années soixante »Les affaires concernaient des personnes qui ne faisaient pas partie de l’instance et du règlement intervenu dans les affaires Riddle c. Canada et Brown c. Canada (Procureur général) — Les « requêtes en conduite de l’instance » visaient à faire déterminer lequel des recours collectifs intentés par les représentants demandeurs devrait être retenu pour la poursuite de l’instance — L’une des requêtes en conduite de l’instance a été présentée relativement à l’affaire Day c. Canada (Procureur général) (T-2166-18) (l’action de M. Day) — L’autre requête en conduite de l’instance a été présentée par les demandeurs relativement à trois instances, dont on a demandé la réunion (l’action des demandeurs LMO) — Il s’agissait de savoir quelle instance il y aurait lieu de poursuivre pour le compte du groupe — L’art. 50 de la Loi sur les Cours fédérales et l’art. 105b) des Règles des Cours fédérales suffisent pour permettre à la Cour de trancher les requêtes en conduite de l’instance — L’intérêt supérieur du groupe était primordial — La qualité des représentants du demandeur envisagé militait en faveur de l’action de M. Day en raison de l’expérience et de l’intérêt que ses avocats ont démontré envers la collectivité des INI — L’intérêt et l’attention démontrés envers les INI et leur collectivité étaient importants — La qualité, les compétences et la conduite des avocats ont joué en faveur de l’action de M. Day — La conduite de l’instance relative au recours collectif envisagé a été confiée au demandeur dans l’action de M. Day.

Il s’agissait de deux requêtes en conduite de l’instance relativement à un recours collectif envisagé pour le compte des Métis et des Indiens non-inscrits (INI) touchés par la « rafle des années soixante ».

La rafle des années soixante était un programme fédéral dans le cadre duquel les enfants indiens inscrits, métis et ceux qui étaient des INI ont été enlevés à leurs parents et placés dans des foyers d’accueil non autochtones ou donnés en adoption. Les requêtes visaient des poursuites intentées pour le compte de personnes qui ne faisaient pas partie de l’instance relative à la rafle des années soixante et du règlement intervenu dans les affaires Riddle c. Canada et Brown c. Canada (Procureur général). Les « requêtes en conduite de l’instance » en cause visaient à faire déterminer lequel des recours collectifs intentés par les représentants demandeurs, désignés par leur propre groupe de cabinets d’avocats, serait retenu pour la poursuite de l’instance, et lesquels seraient suspendus. L’une des requêtes en conduite de l’instance a été présentée relativement à l’instance visée dans l’affaire Day c. Canada (Procureur général) (T-2166-18) (l’action de M. Day), et on y demandait de confier la conduite de l’action de M. Day aux avocats de ce dernier, les cabinets Koskie Minsky LLP (KM) et Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP (PR) (collectivement, les cabinets KM/PR). L’autre requête en conduite de l’instance a été présentée par les demandeurs relativement à trois instances, dont on a demandé la réunion  : LaLiberte c. Canada (Procureur général), McComb c. Canada et Ouellette c. Canada (l’action des demandeurs LMO). Les avocats dans cette action ont constitué un consortium formé de cinq cabinets.

Il s’agissait de savoir quelle instance il y avait lieu de poursuivre pour le compte du groupe.

Jugement : la conduite de l’instance relative au recours collectif envisagé est confiée à l’action de M. Day.

Les règles des Cours fédérales relatives aux recours collectifs ne comportent aucune disposition particulière applicable aux contestations concernant la conduite d’une instance. Toutefois, l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, qui confère le pouvoir de suspendre une affaire et, plus particulièrement, l’alinéa 105b) des Règles des Cours fédérales (les Règles), qui confère le pouvoir de suspendre une instance jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard d’une autre instance, suffisent pour permettre à la Cour, conformément à la règle 3, de trancher les requêtes en conduite de l’instance. Conformément à la décision VitaPharm Canada Ltd. v. F. Hoffmann-La Roche Ltd., l’intérêt supérieur du groupe a été jugé primordial. Cet intérêt porte plus particulièrement sur le meilleur représentant demandeur, les qualités de l’affaire ainsi que les connaissances et l’expérience des avocats. Parmi les facteurs examinés, la qualité des représentants du demandeur envisagé militait en faveur de l’action de M. Day en raison de l’expérience et de l’intérêt que ses avocats ont démontré envers la collectivité des INI. Les représentants demandeurs LMO n’ont pas présenté d’éléments au soutien de leur représentation du volet du litige qui touchent les INI. L’intérêt et l’attention démontrés envers les INI et leur collectivité étaient importants en l’espèce. Les mesures préparatoires au recours collectif et son état d’avancement ont favorisé l’action des demandeurs LMO parce que les avocats ont examiné des documents d’archives et ont au moins un rapport d’expert. Les facteurs de la définition du groupe et de l’étendue des causes d’action étaient en grande partie neutres. La qualité, les compétences et la conduite des avocats ont joué en faveur de l’action de M. Day. L’importance de ce facteur dépend des circonstances. Dans le contexte des présentes actions, les deux groupes de cabinets d’avocats possédaient une vaste expérience des recours collectifs. Les deux cabinets avaient également déjà agi pour le compte des Métis, bien que les membres des cabinets KM/PR aient aussi également agi pour le compte des INI. Le consortium a été avare de détails sur son organisation, sa division du travail ou sa direction, éléments qui lui permettraient d’établir qu’il était beaucoup plus en mesure de représenter les Métis et les INI partout au pays. La Cour n’a pu compter que sur un historique de résultats antérieurs et sur quelques hypothèses pour établir une distinction qualitative entre les deux groupes. Aucune différence qualitative n’existait entre les groupes concurrents en ce qui a trait à la question de la représentation géographique. Les allégations faites contre plusieurs membres du consortium relativement à un comportement préjudiciable ne constituaient pas un motif pour refuser de confier la conduite de l’instance au consortium.

 

La conduite de l’instance relative au recours collectif envisagé a été confiée au demandeur dans l’action de M. Day. Il a été sursis sine die aux actions intentées dans les affaires LaLiberte c. Canada (Procureur général), McComb c. Canada et Ouellette c. Canada.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code of Professional Conduct for British Columbia, 1er janvier 2013.

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(24).

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 50.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 3, 105b), 334.1–334.4.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 13 septembre 2007, Rés. A.G. A/61/295.

JURISPRUDENCE CITÉE

décisions appliquées :

VitaPharm Canada Ltd. v. F. Hoffmann-La Roche Ltd., [2000] O.J. No. 4594, 101 A.C.W.S. (3d) 472 (C.S.); David v. Loblaw; Breckon v. Loblaw, 2018 ONSC 1298, 289 A.C.W.S. (3d) 253.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Heyder c. Canada (Procureur général), 2018 CF 432; Kowalyshyn v. Valeant Pharmaceuticals International Inc., 2016 ONSC 3819, 268 A.C.W.S. (3d) 519; Strohmaier v. British Columbia (Attorney General), 2018 BCSC 1613, 296 A.C.W.S. (3d) 699; Quenneville v. Audi AG, 2018 ONSC 1530, 290 A.C.W.S. (3d) 30.

DÉCISIONS CITÉES :

Riddle c. Canada, 2018 CF 641, [2018] 4 R.C.F. 491; Brown v. Canada (Attorney General), 2013 ONSC 5637, 233 A.C.W.S. (3d) 296; Daniels c. Canada (Affaires Indiennes et du Nord canadien), 2013 CF 6, [2013] 2 R.C.F. 268, conf. par 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99; Anderson v. Canada (Attorney General), 2016 NLTD(G) 179, 273 A.C.W.S. (3d) 251; R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207; Whiting v. Menu Foods Operating Limited Partnership, [2007] O.J. No. 3996 (QL), 160 A.C.W.S. (3d) 947 (C.S.); Duzan v. Glaxosmithkline, Inc., 2011 SKQB 118, 372 Sask. R. 108; Chudy v. Merchant Law Group, 2008 BCCA 484, 171 A.C.W.S. (3d) 953, motifs supplémentaires 2009 BCCA 93, 175 A.C.W.S. (3d) 677; Setterington v. Merck Frosst Canada Ltd., [2006] O.J. No. 376 (QL), 145 A.C.W.S. (3d) 566 (C.S.); Grasby v. Merck Frosst Canada Ltd., 2007 MBQB 42, 155 A.C.W.S. (3d) 1035; Drover v. BCE Inc., 2013 BCSC 50, 225 A.C.W.S. (3d) 35; McCallum-Boxe v. Sony Corp., 2015 ONSC 6896, 260 A.C.W.S. (3d) 24; Hardy c. Canada (Procureur général) (1er juin 2018), T-143-18 (C.F.); Murphy c. Compagnie Amway Canada, 2015 CF 958; Manuge c. Canada, 2008 CF 624, [2009] 1 R.C.F. 416; Moscowitz v. Attorney General of Quebec, 2017 QCCS 3961, 2017 CarswellQue 7560; Mancinelli v. Barrick Gold Corp., 2016 ONCA 571, 268 A.C.W.S. (3d) 729; Ross River Dena Council v. Canada (Attorney General), 2017 YKSC 59, 285 A.C.W.S. (3d) 226; Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623.

DOCTRINE CITÉE

The Law Society of British Columbia. Code of Professional Conduct for British Columbia, 1er janvier 2013.

REQUÊTES en conduite de l’instance relativement à un recours collectif envisagé pour le compte des Métis et des Indiens non-inscrits touchés par la « rafle des années soixante ». La conduite de l’instance a été confiée au demandeur dans l’affaire Day c. Canada (Procureur général) (T-2166-18).

ONT COMPARU :

Ken McEwan, c.r., Eileen M. Patel et David Klein pour les demandeurs Geraldine Shier LaLiberte, Eileen Rheindel LaLiberte et Robert Doucette; Annette McComb; et Randy Darren Ouellette.

Michael A. Eizenga, LSM et Harnimrit Sian pour le demandeur Brian Day.

Catharine Moore et David Culleton pour le défendeur.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Aboriginal Law Group, Saskatoon, Strosberg Sasso Sutts LLP, Windsor, et DD West LLP, Calgary et Winnipeg, pour les demandeurs Geraldine Shier LaLiberte, Eileen Rheindel LaLiberte et Robert Doucette.

Klein Lawyers LLP, Vancouver, pour la demanderesse Annette McComb.

Merchant Law Group LLP, Régina, pour le demandeur Randy Darren Ouellette.

McEwan Cooper Dennis LLP, Vancouver, pour les demandeurs Geraldine Shier LaLiberte, Eileen Rheindel LaLiberte et Robert Doucette; Annette McComb; et Randy Darren Ouellette, dans la demande.

Koskie Minsky LLP et Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP, Toronto, pour le demandeur Brian Day.

Bennett Jones LLP, Toronto, pour le demandeur Brian Day, dans la demande.

La sous-procureure générale du Canada pour le défendeur.

 

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et l’ordonnance rendus par

            Le juge Phelan :

I.          Introduction

[1]        La Cour est saisie de deux requêtes en conduite de l’instance relativement à un recours collectif envisagé pour le compte des Métis et des Indiens non-inscrits (INI) touchés par ce qu’on appelle généralement la « rafle des années soixante » (ou simplement, la « rafle »). La rafle des années soixante est un programme fédéral dans le cadre duquel les enfants indiens inscrits, métis et ceux qui sont des INI ont été enlevés à leurs parents et placés dans des foyers d’accueil non autochtones ou donnés en adoption. On en donne une description dans la décision Riddle c. Canada, 2018 CF 641, [2018] 4 R.C.F. 491, 296 A.C.W.S. (3d) 36 (Riddle).

[2]        Les membres du groupe visé dans l’affaire Riddle étaient des Indiens inscrits. Les présentes requêtes visent plusieurs poursuites intentées pour le compte de personnes qui ne faisaient pas partie de l’instance relative à la rafle des années soixante et du règlement intervenu, tant dans l’affaire Riddle portée devant notre Cour que dans l’affaire Brown v. Canada (Attorney General), 2013 ONSC 5637, 233 A.C.W.S. (3d) 296 (Brown), portée devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

[3]        Les « requêtes en conduite de l’instance » que la Cour est appelée à examiner visent à faire déterminer lequel des recours collectifs intentés par les représentants demandeurs, désignés par leur propre groupe de cabinets d’avocats qui agissent pour leur compte, sera retenu pour la poursuite de l’instance, et lesquels seront suspendus.

II.         Le contexte

[4]        Les demandeurs des recours collectifs envisagés en cause cherchent à obtenir une réparation pour la perte d’identité et les souffrances morales, émotionnelles, spirituelles et physiques infligées aux enfants métis et à ceux qui sont des INI dans le cadre du programme de la rafle des années soixante.

[5]        L’une des requêtes en conduite de l’instance est présentée relativement à l’instance visée dans l’affaire Day c. Canada (Procureur général) (dossier no T-2166-18) (l’action de M. Day). On y demande de confier la conduite de l’instance aux avocats de M. Day, les cabinets Koskie Minsky LLP (KM) et Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP (PR) (collectivement, les cabinets KM/PR) et de suspendre quatre autres instances, qui se chevauchent, actuellement devant la Cour.

[6]        L’autre requête en conduite de l’instance est présentée par les demandeurs relativement aux trois instances, dont on demande aussi la réunion, visées dans les affaires LaLiberte c. Canada (Procureur général) (dossier no T-940-18) (LaLiberte), McComb c. Canada (dossier no T-1251-18) (McComb), et Ouellette c. Canada (dossier no T-1904-18) (Ouellette) (collectivement, l’action des demandeurs LMO). Issus de cinq cabinets, les avocats qui représentent les demandeurs LMO ont constitué un consortium : Strosberg Sasso Sutts LLP, Klein Lawyers LLP (Klein), Aboriginal Law Group (ALG), DD West LLP (DDW) et Merchant Law Group (MLG), appelés ci-après le consortium.

[7]        La Cour est saisie d’une cinquième instance semblable, dans l’affaire Chief c. Canada (Procureur général) (dossier no T-1616-18) (Chief); toutefois, rien n’indique que le cabinet d’avocats agissant dans cette affaire demande à la Cour de lui conférer la conduite de l’instance et de suspendre les instances connexes. L’action de M. Chief n’a pas été autorisée comme recours collectif et toute autre mesure prise dans cette affaire sera traitée dans le cadre de la gestion des instances.

[8]        Les cinq recours collectifs ont été introduits à des dates relativement rapprochées : dans l’affaire LaLiberte, le 18 mai 2018; dans l’affaire McComb, le 27 juin 2018; (dans l’affaire Chief, le 4 septembre 2018); dans l’affaire Ouellette, le 30 octobre 2018; et dans l’affaire Day, le 20 décembre 2018.

[9]        Les cabinets KM/PR ont consenti à la demande du Canada portant que la décision de notre Cour relativement à la conduite de l’instance s’appliquerait aux cabinets d’avocats dans des poursuites intentées devant les cours supérieures provinciales, contrairement au consortium. Nous aborderons plus loin ce point qui concerne l’« engagement ».

[10]      Le 24 janvier 2019, la Cour a ordonné qu’aucun autre recours collectif envisagé dans lequel seront allégués la même cause d’action et les mêmes faits ne pourra être intenté devant la Cour fédérale sans son autorisation.

III.        Résumé des instances

A.        L’action des demandeurs LMO

[11]      Trois représentants demandeurs sont proposés pour l’action des demandeurs LMO : Robert Doucette, Annette McComb et Randy Ouellette, tous des survivants du programme de la rafle des années soixante.

[12]      Monsieur Doucette est un Métis qui a été placé en famille d’accueil; il est devenu un pupille permanent à l’âge d’environ six mois. Par la suite, il a entrepris d’informer les gens sur la rafle des années soixante et a occupé des postes de direction au sein d’organisations métisses.

[13]      Madame McComb est une Métisse qui a été placée dans une famille adoptive non autochtone lorsqu’elle avait environ six mois. Elle n’a découvert ses origines métisses que plus tard au cours de sa vie. Elle travaille auprès de jeunes Autochtones à risque et a œuvré au sein d’organisations autochtones et métisses.

[14]      Monsieur Ouellette est également un Métis qui a été placé dans une famille non autochtone, qu’il a quittée à l’âge de 13 ans. Il a d’abord sombré dans l’alcool, mais a ensuite repris sa vie en main. Il entretient des liens avec les collectivités autochtones et assiste aux réunions des Métis. Il favorise le consortium parce qu’à son avis, comme les Métis habitent dans l’Ouest canadien, il serait bizarre que des cabinets d’avocats de Toronto les représentent.

[15]      Chacun des représentants de l’action des demandeurs LMO a démontré sa connaissance des fonctions de représentant demandeur et son engagement à cet égard. En outre, tous sont profondément enracinés dans leur collectivité métisse. Ils n’ont fait part d’aucun lien particulier avec les collectivités d’INI.

B.        L’action de M. Day

[16]      Brian Day est aussi un Métis. Il n’a pas déposé d’affidavit et les renseignements le concernant proviennent de sa déclaration modifiée et de la preuve par affidavit produite par les avocats du cabinet KM. Il s’agit d’une lacune dans la documentation produite par les avocats de M. Day, et bien qu’elle joue contre ce représentant proposé, comme le soutiennent les demandeurs LMO, ces documents permettent à la Cour de rendre sa décision et établissent qu’il peut agir à titre de représentant demandeur.

[17]      Tout comme les représentants proposés dans l’action des demandeurs LMO, M. Day a été enlevé à sa famille et placé dans une famille non autochtone. Il ignorait ses origines, sa culture et ses coutumes métisses. Il a été retiré de son foyer adoptif et est devenu pupille de la Couronne. Monsieur Day allègue qu’il a perdu son identité culturelle métisse et qu’il ne participe pas aux activités des Métis. Il n’a aucun lien d’appartenance sur les plans émotif, spirituel et culturel, et il a perdu ses liens avec sa famille, sa collectivité, sa langue et sa culture métisses.

[18]      En résumé, contrairement aux représentants demandeurs LMO qui ont réussi à rétablir des liens dans la collectivité métisse et s’y faire une place au prix de maints efforts et en défiant l’adversité, M. Day a un vécu qui témoigne des conséquences parmi les pires de l’aliénation produite par la rafle et qui est à l’origine même des questions soulevées dans le cadre des poursuites auxquelles prennent part les victimes de la rafle qui sont des Métis et des INI.

[19]      Il est frappant de constater que dans chacune des déclarations, il est fait état soit des liens entretenus avec les Métis soit de l’absence de ces liens, alors qu’on y traite à peu près pas, voire pas du tout, des collectivités des INI (sauf pour ce qui est des connaissances et des compétences des avocats des cabinets KM/PR en la matière, particulièrement celles des avocats du cabinet PR). On s’en étonne parce que les tribunaux ont reconnu que la collectivité des INI (voir Daniels c. Canada (Affaires Indiennes et du Nord canadien), 2013 CF 6, [2013] 2 R.C.F. 268, au paragraphe 108, conf. par 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99 (Daniels)) avait une taille pratiquement deux fois plus importante que celle de la collectivité métisse et qu’elle était établie un peu partout sur l’ensemble du territoire canadien. On peut s’attendre à ce que les communications avec cette collectivité soient plus difficiles, étant donné qu’elle est moins organisée que la collectivité métisse. Le consortium a pratiquement ignoré les INI jusqu’à tout récemment.

C.        Les avocats et les moyens qu’ils ont pris pour faire avancer l’instance

[20]      Le consortium est formé de cinq cabinets d’avocats dont les bureaux sont situés de Montréal à Vancouver. Voici une présentation résumée de chaque cabinet :

•           Doug Racine, un Métis de Saskatoon, est l’avocat principal d’ALG responsable de l’instance. Il a agi pour le compte de survivants ― métis et issus d’autres collectivités autochtones ― des pensionnats indiens, et pour le compte de particuliers métis dans d’autres affaires.

•           L’équipe DDW est dirigée par Paul Chartrand, également Métis. Il est professeur et a rédigé des ouvrages sur des questions de droit autochtone. Il a été commissaire à la Commission royale sur les peuples autochtones et ambassadeur des Métis aux Nations-Unies.

•           L’équipe SS est dirigée par Harvey Strosberg, bien connu en matière de recours collectifs dans ce domaine. Maître Strosberg et son cabinet ont participé à de nombreux recours collectifs et sont des chefs de file en la matière.

•           Maître Klein a participé à plusieurs recours collectifs et il était l’un des avocats agissant dans l’affaire Riddle (concernant la rafle des années soixante).

•           MLG possède de l’expérience en matière de recours collectifs et de droit autochtone, ayant représenté des milliers de clients dans le processus de règlement relatif aux pensionnats applicable aux demandes individuelles, et il était l’un des cabinets d’avocats inscrits au dossier dans l’affaire Riddle. Le cabinet et son avocat principal, Tony Merchant, ont eu des rapports « tendus » avec divers barreaux et tribunaux. Les avocats du consortium ont utilisé un euphémisme pour décrire les agissements de Me Merchant, les qualifiant de « colorés ».

[21]      Le consortium a précisé comme suit sa définition du groupe visé par le recours collectif envisagé dans sa déclaration modifiée :

[traduction] […] Les Métis et les Indiens non inscrits qui ont été retirés de leur foyer au Canada pendant la période visée par les recours collectifs et placés sous la garde de parents adoptifs ou de parents de familles d’accueil non autochtones.

À cet égard, les différences entre les définitions du groupe proposées par les cabinets concurrents ne sont pas significatives; toutefois, la définition du consortium présente une modification depuis le dépôt de l’action de M. Day.

[22]      Le consortium a fait avancer l’affaire en obtenant un rapport d’expert (le rapport Stevenson), qui porte sur le vécu des enfants métis pendant la rafle des années soixante en Saskatchewan. En outre, il a mené d’autres recherches de documents d’archives.

[23]      Voici une brève présentation des avocats de M. Day :

•           Le cabinet KM possède de l’expérience en matière de recours collectifs relativement à des domaines variés. Le fait qu’il ait agi pour le compte des peuples autochtones dans les recours collectifs relatifs aux pensionnats et qu’il ait été l’un des cabinets d’avocats agissant dans l’affaire Riddle relative à la rafle des années soixante est pertinent pour la présente instance. Il a également agi pour le compte des Inuits et des Indiens non inscrits dans l’affaire Anderson v. Canada (Attorney General), 2016 NLTD(G) 179, 273 A.C.W.S. (3d) 251.

•           Le cabinet PR est reconnu comme un cabinet de premier plan en droit public ayant une vaste expérience des recours collectifs. Sa participation à l’affaire Daniels à tous les niveaux, dans lesquelles étaient concernés des Métis et des INI, est pertinente pour la présente instance. Il a déjà eu l’occasion de s’intéresser aux questions relatives aux INI et aux collectivités d’INI ainsi qu’à la question constitutionnelle consistant à savoir si ces deux groupes étaient des « Indiens » visés par la Constitution.

[24]      La définition du groupe visé par le recours collectif envisagé relativement à l’action de M. Day est semblable à celle qui concerne l’action des demandeurs LMO. La voici :

[traduction] […] [T]ous les Métis et les Indiens non inscrits au Canada qui ont été pris en charge et placés sous la garde de parents de familles d’accueil ou adoptifs non autochtones qui n’ont pas élevé les enfants conformément aux coutumes, traditions et pratiques autochtones.

[25]      Les cabinets KM/PR ont retenu les services de Gwynneth Jones et de Raven Sinclair à titre d’experts. Madame Jones a été un témoin important dans l’affaire Daniels ainsi que dans l’affaire R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207. Ses services ont été retenus en raison de ses connaissances relatives à la rafle des années soixante. Les cabinets KM/PR ont également retenu les services d’un actuaire-conseil.

[26]      En outre, les avocats des cabinets KM se sont entretenus avec des dizaines de Métis et INI survivants de la rafle des années soixante au sujet de la présente instance afin d’élargir leurs propres connaissances et pour inciter les survivants à y participer.

D.        Les rapports entre le consortium et les cabinets KM/PR

[27]      La Cour fédérale n’est pas habituellement saisie d’une requête comme celle de l’espèce. La pratique habituelle veut que tous les avocats des demandeurs s’entendent sur une forme quelconque d’entreprise commune pour mener à bien le recours collectif principal qui à leur avis permet le mieux de faire avancer l’affaire.

[28]      La brouille survenue entre ces cabinets d’avocats et le fait qu’ils aient constitué les regroupements actuels semble découler du premier litige relatif à la rafle des années soixante et de leurs rapports mutuels. Il ne fait aucun doute que du « ressentiment » demeure à la suite de ces événements. Les cabinets KM/PR ont également soulevé des préoccupations au sujet des commentaires défavorables faits par les tribunaux, en particulier au sujet de la conduite de MLG.

[29]      Ce « ressentiment » est peu pertinent pour la Cour à l’heure actuelle. Toutefois, la crainte quant au rôle de MLG revêt une certaine importance. Les préoccupations exprimées par les tribunaux au sujet de la conduite de MLG sont consignées dans au moins les affaires suivantes citées dans les documents provenant des cabinets KM/PR :

•           Whiting v. Menu Foods Operating Limited Partnership, [2007] O.J. no 3996 (QL), 160 A.C.W.S. (3d) 947 (C.S.) (Whiting), au paragraphe 17;

•           Duzan v GlaxoSmithKline Inc., 2011 SKQB 118, 372 Sask. R. 108, aux paragraphes 36 et 37;

•           Chudy v. Merchant Law Group, 2008 BCCA 484, 171 A.C.W.S. (3d) 953, aux paragraphes 17, 99 et 100, motifs supplémentaires 2009 BCCA 93, 175 A.C.W.S. (3d) 677, au paragraphe 10;

•           Setterington v. Merck Frosst Canada Ltd., [2006] O.J. no 376 (QL), 145 A.C.W.S. (3d) 566 (C.S.), aux paragraphes 25 et 26;

•           Grasby v. Merck Frosst Canada Ltd., 2007 MBQB 42, 155 A.C.W.S. (3d) 1035, aux paragraphes 2 et 8;

•           Drover v. BCE Inc., 2013 BCSC 50, 225 A.C.W.S. (3d) 35, au paragraphe 62;

•           McCallum-Boxe v. Sony Corp., 2015 ONSC 6896, 260 A.C.W.S. (3d) 24, aux paragraphes 12 et 13.

IV.       La question en litige

[30]      La question que la Cour doit trancher est celle de savoir quelle instance il y a lieu de poursuivre pour le compte du groupe. S’éloignant de l’approche par laquelle les cabinets d’avocats concurrents cherchent en vantant leurs produits et services à se montrer sous leur meilleur jour, la jurisprudence moderne a plutôt retenu l’approche plus directe consistant à découvrir quel recours collectif envisagé permet le mieux d’avancer l’affaire et de servir l’intérêt supérieur des parties. L’expérience et les compétences des avocats ne constituent qu’une partie de cette approche.

[31]      Bien que les deux camps aient évité de présenter des observations ne servant qu’à faire ressortir leur meilleur jour, ils ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à se mettre en valeur. Ces observations ont eu une certaine incidence sur la décision de la Cour, mais elles ont également nécessité que la Cour sépare « le bon grain de l’ivraie ».

V.        L’analyse

[32]      Le juge Fothergill et le juge Favel de notre Cour ont eu à examiner des situations où ils devaient choisir de confier à un camp la conduite d’une instance, mais seulement dans le contexte d’ordonnances sur consentement comportant une interdiction d’intenter d’autres recours collectifs relativement au même objet (voir Heyder c. Canada (Procureur général), 2018 CF 432 (Heyder), aux paragraphes 7 et 8, et Hardy c. Canada (Procureur général) (1er juin 2018), Ottawa, dossier no T-143-18 (C.F.)).

[33]      C’est la première fois que la Cour est saisie d’une requête contestée en conduite de l’instance. Par conséquent, les éléments dont elle doit tenir compte sont quelque peu différents dans ce contexte de contestation. Malgré le règlement afférent à la rafle dans les affaires Riddle et Brown, la Cour doit, aux fins de la requête, évaluer l’affaire en tenant pour acquis que l’affaire sera instruite.

[34]      Le demandeur Day s’appuie sur les quatre éléments examinés par le juge Fothergill dans la décision Heyder :

•           L’ordonnance est-elle dans l’intérêt supérieur des demandeurs, des membres du groupe et du défendeur?

•           L’ordonnance va-t-elle dans le sens de l’engagement pris par la Cour fédérale d’assurer une gestion solide de l’instance?

•           L’ordonnance est-elle le reflet de la compétence nationale unique de la Cour fédérale?

•           L’ordonnance favorise-t-elle la réalisation des objectifs d’économie des ressources judiciaires et permet-elle d’éviter la multiplicité des instances?

[35]      À l’exception du premier élément, qui est le critère général que les tribunaux appliquent pour décider à qui ils confient la conduite de l’instance dans la plupart des juridictions de common law, ces éléments n’ont pas fait l’objet de débats dans le cadre de la présente requête. Le juge Fothergill n’a jamais été appelé à déterminer laquelle des deux instances devait être poursuivie et avoir préséance sur l’autre. Le fait que le demandeur Day se soit appuyé sur cette décision n’est pas pertinent et il n’est pas équitable de l’appliquer à des faits différents de ceux qui ont été pris en compte dans la décision du juge Fothergill.

[36]      Les règles des Cours fédérales relatives aux recours collectifs ne comportent aucune disposition particulière applicable aux contestations concernant la conduite d’une instance. Toutefois, l’article 50 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, qui confère à la Cour le pouvoir de suspendre une affaire et, plus particulièrement, l’alinéa 105b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), qui lui confère le pouvoir de suspendre une instance jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard d’une autre instance, suffisent pour permettre à la Cour, conformément à la règle 3, de trancher les requêtes en conduite de l’instance. Les objectifs qui sous-tendent les recours collectifs, notamment ceux régis par la partie 5.1 [règles 334.1 à 334.4] des Règles, sont l’économie des ressources judiciaires, un meilleur accès à la justice et la modification du comportement (voir Murphy c. Compagnie Amway Canada, 2015 CF 958, au paragraphe 34. Ces objectifs étayent davantage le pouvoir de la Cour de trancher les requêtes en conduite de l’instance.

[37]      Bien que, selon les parties, la présente requête constitue le moyen par lequel la Cour décide directement à quel cabinet d’avocats il permet de poursuivre son recours, ce n’est pas réellement ce que la Cour fait dans le cadre d’une requête en conduite de l’instance. La Cour autorise plutôt l’instruction d’une affaire et ordonne la suspension d’une autre, ce qui a pour effet d’arrêter le choix des avocats qui agiront pour le compte du groupe visé par le recours collectif envisagé.

[38]      Par souci d’équité envers les avocats qui représentent M. Day, je dois préciser que ceux-ci invitent la Cour à adopter le critère multifactoriel énoncé par les tribunaux ontariens, en plus de tenir compte des éléments énoncés dans la décision Heyder, comme l’ont fait les avocats des demandeurs LMO.

[39]      Les tribunaux de l’Ontario ont élaboré une liste non exhaustive de facteurs à prendre en considération dans le cas des requêtes en conduite de l’instance. Dans la décision Kowalyshyn v. Valeant Pharmaceuticals International Inc., 2016 ONSC 3819, 268 A.C.W.S. (3d) 519, au paragraphe 143, le tribunal a résumé comme suit la liste non exhaustive comportant 16 facteurs :

1)         la qualité des représentants demandeurs proposés

2)         le financement

3)         les ententes d’honoraires et les ententes conclues par les consortiums

4)         la qualité des avocats proposés du recours collectif

5)         les conflits d’intérêt entraînant inhabilité

6)         les mesures préparatoires au recours collectif et son état d’avancement

7)         la priorité relative en fonction de la date où le recours collectif a été intenté

8)         la théorie de la cause

9)         l’étendue des causes d’action

10)      la sélection des défendeurs

11)      la corrélation entre les demandeurs et les défendeurs

12)      la définition du groupe

13)      la période visée par le recours collectif

14)      les chances que l’instance soit autorisée comme recours collectif

15)      les chances que l’action soit accueillie (et les défendeurs condamnés)

16)      l’interrelation des recours collectifs déposés devant plus d’un tribunal

[40]      La Cour s’est penchée sur la jurisprudence de common law (voir Manuge c. Canada, 2008 CF 624, [2009] 1 R.C.F. 416, au paragraphe 24) étant donné qu’historiquement, le Québec a appliqué la règle singulière dite du « premier qui dépose » selon laquelle la conduite de l’instance est confiée au déposant du recours collectif intenté en premier. Bien que cette règle soit vraisemblablement encore en pratique au Québec, les tribunaux du Québec ont indiqué dernièrement que la conduite de l’instance ne sera pas confiée au déposant de l’instance intentée en premier s’il est démontré que cela n’est pas dans l’intérêt supérieur du groupe (voir, p. ex., Moscowitz v. Attorney General of Quebec, 2017 QCCS 3961, 2017 CarswellQue 7560, aux paragraphes 14 à 16). Suivant l’approche multifactorielle adoptée dans les provinces de common law, le moment où les actions sont déposées ne représente qu’un facteur parmi d’autres dont on tient compte lors de l’analyse.

[41]      À mon avis, et conformément à la décision VitaPharm Canada Ltd. v. F. Hoffmann-La Roche Ltd., [2000] O.J.  no 4594, 101 A.C.W.S. (3d) 472 (C.S.), au paragraphe 48, l’intérêt supérieur du groupe est primordial. L’analyse multifactorielle accorde à la Cour la souplesse nécessaire lui permettant de déterminer l’intérêt supérieur du groupe. Cette analyse portera plus particulièrement sur le meilleur représentant demandeur, les qualités de l’affaire ainsi que les connaissances et l’expérience des avocats ― ce dernier élément devant être soigneusement examiné afin de ne pas exclure les nouveaux avocats du domaine visé par le recours collectif et ainsi donner lieu à la création d’un « club » officieux.

[42]      Les facteurs suivants, qui concordent avec les questions débattues, sont les plus pertinents en l’espèce :

•           la qualité des représentants demandeurs proposés – facteur déterminant;

•           les mesures préparatoires au recours collectif et son état d’avancement;

•           la définition du groupe;

•           l’étendue des causes d’action;

•           le moment du dépôt du recours collectif;

•           la qualité, la compétence et la conduite des avocats;

•           la pertinence des recours collectifs déposés devant plus d’un tribunal.

[43]      Ces facteurs n’ont pas tous le même poids et ne constituent pas une liste exhaustive qui permettrait de trancher les questions qui pourraient se poser dans d’autres affaires. Le juge Morgan l’a bien exprimé dans la décision David v. Loblaw; Breckon v. Loblaw, 2018 ONSC 1298, 289 A.C.W.S. (3d) 253, au paragraphe 4 :

     [traduction] Comme l’a indiqué mon collègue, le juge Perell […] : « Bien que l’issue d’une requête en conduite de l’instance tranche la question de savoir quel avocat représentera le demandeur, la tâche du tribunal ne consiste pas à choisir entre différents avocats, en fonction de leurs ressources et de leurs compétences relatives. » Il est certain qu’en l’espèce, où certains des avocats les plus qualifiés en matière de recours collectif au pays se disputent la conduite de l’instance, le but de l’exercice consiste non pas à évaluer les avocats ou les cabinets d’avocats eux-mêmes, mais les dossiers qu’ils ont montés-- c.àd. à procéder à une « analyse qualitative de tous les facteurs » des actions concurrentes et des avantages que présentent les mesures prises dans le cadre de chacune d’entre elles […] [Renvois omis.]

[44]      À mon avis, cette approche est celle qu’il convient d’appliquer devant la Cour. Les facteurs pertinents sont propres à chaque affaire et l’analyse n’est pas fondée sur la compétence ou l’expérience en général, mais sur ce qui être plus significatif pour l’affaire en question. En définitive, il ne s’agit pas de l’application mathématique de points attribués spécifiquement à chaque facteur, mais plutôt d’une évaluation plus globale et d’un exercice du jugement judiciaire visant à prévoir le mieux possible comment l’affaire évoluera.

A.        Les représentants demandeurs

[45]      Ce facteur pèse de façon presque équivalente pour chacun des camps, mais il milite en faveur de l’action de M. Day en raison de l’expérience et de l’intérêt que ses avocats démontrent envers la collectivité des INI.

[46]      Les représentants demandeurs LMO représentent convenablement le groupe en termes d’engagement et d’expérience. Ils entretiennent des liens avec la collectivité métisse, ce qui facilitera leurs obligations en tant que représentants demandeurs. Leur expérience est axée sur les Métis. Toutefois, ils n’ont pas présenté d’éléments au soutien de leur représentation du volet du litige qui touchent les INI.

[47]      Par contre, M. Day n’entretient pas de tels liens avec les collectivités. Il symbolise toutefois le type de circonstances et de préjudices communément vécus par les Métis et les INI, à l’extrémité la plus grave de la fourchette des préjudices. Il est théoriquement le demandeur parfait et il reflète les deux volets autochtones du litige.

[48]      Les efforts déployés par les avocats pour interagir avec les Métis et les INI ainsi que l’expérience pratique pertinente des avocats RP à l’égard des deux collectivités compensent l’absence de liens existant entre M. Day et la collectivité des Métis et des INI attribuable à son vécu. L’intérêt et l’attention démontrés envers les INI et leur collectivité sont importants en l’espèce.

B.        Les mesures préparatoires au recours collectif et son état d’avancement

[49]      Ce facteur favorise légèrement l’action des demandeurs LMO parce que les avocats ont examiné des documents d’archives et ont au moins un rapport d’expert. Dans l’action de M. Day, des experts renommés ont été retenus et les avocats ont parlé à des dizaines de Métis et d’INI, survivants de la rafle. Les connaissances acquises dans le cadre de la décision Daniels, bien qu’elles soient pertinentes pour le déroulement l’instance, ne constituent pas une preuve des mesures préparatoires et de l’état d’avancement du dossier.

[50]      Toutefois, en l’espèce, les parties en sont à un stade très précoce dans les étapes de l’instance. L’écart dans la préparation démontrée dans les deux actions n’est donc pas important. Il n’existe aucune raison de conclure que l’écart ne peut pas être comblé facilement et qu’il n’aura pas d’incidence importante sur la conduite de l’instance.

C.        La définition du groupe

[51]      Ce facteur est en grande partie neutre, sinon il favorise légèrement l’action de M. Day. Les parties ont généralement reconnu qu’il existe peu de différence de fond entre elles sur ce point et que toute modification de la définition du groupe s’inscrit dans le « peaufinage » des définitions respectives.

[52]      Bien que la définition du groupe qui figure dans l’action des demandeurs LMO soit plus objective que celle dans l’action de M. Day (ce qui est conforme à la définition énoncée dans la décision Brown), l’action des demandeurs LMO n’incluait pas au départ les INI ― une omission importante étant donné que l’action des demandeurs LMO était censée inclure les parties autochtones qui ne faisaient pas partie du règlement Brown/Riddle. Cette omission confirme la prépondérance de la collectivité métisse dans l’action des demandeurs LMO.

[53]      L’omission des demandeurs LMO concorde avec le peu d’intérêt qu’ils démontrent envers la collectivité des INI. Cette omission a été corrigée le 6 février 2019 dans la déclaration déposée par leur camp pour la réunion d’actions proposée. Toutefois, la Cour ne peut ignorer ce qui semble être une [traduction] « surenchère » de la part des demandeurs LMO avant que la Cour ait pu statuer sur la requête en conduite de l’instance. Le recours à une telle surenchère est déconseillé dans le cadre de requêtes en conduite de l’instance, suivant la décision Whiting, aux paragraphes 21 à 26; et l’arrêt Mancinelli v. Barrick Gold Corp., 2016 ONCA 571, 268 A.C.W.S. (3d) 729, au paragraphe 61.

[54]      Les deux actions nécessiteront des modifications afin qu’y soient mieux définies les périodes pertinentes visées par le recours collectif; il s’agit toutefois d’une modeste formalité qui n’avantage ni l’une ni l’autre des parties.

D.        L’étendue des causes d’action

[55]      Ce facteur est essentiellement neutre, car les deux actions sont fondées principalement sur un manquement à l’obligation fiduciaire de la part du défendeur et aux obligations que la common law lui impose. Chacun des groupes invoque d’autres arguments fondés, par exemple, sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 13 septembre 2007, Rés. G.A. 61/295, Doc. off., 61e session, Suppl. n° 49, vol. III, Doc. de l’ONU A/61/49 (2007) (DNUDPA), et l’honneur de la Couronne.

[56]      Toutefois, en ce qui concerne la DNUDPA invoquée par les demandeurs LMO, il s’agit d’une déclaration qui n’est pas encore incorporée dans le droit interne canadien, et bien qu’elle puisse éclairer le droit canadien, la DNUDPA n’entraîne aucune obligation pour le Canada (voir Ross River Dena Council v. Canada (Attorney General), 2017 YKSC 59, 285 A.C.W.S. (3d) 226, aux paragraphes 303 à 307). Ce fondement est douteux pour un argument de cette nature.

[57]      Dans l’action de M. Day, les avocats invoquent le principe de l’honneur de la Couronne quant aux obligations de fiduciaire de la Couronne envers les demandeurs potentiels. Toutefois, l’honneur de la Couronne n’est pas une cause d’action distincte, mais un principe décrivant la façon dont le Canada doit s’acquitter de ses obligations envers les peuples autochtones (Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623, au paragraphe 73). Les avocats de M. Day ont simplement fait valoir que l’honneur de la Couronne est en jeu, sans plus de détails, ce qui n’est pas particulièrement utile.

[58]      Dans le même ordre d’idées, on fait référence, dans l’action des demandeurs LMO, au programme AIM [Adopt Indian Metis] de la Saskatchewan, sans toutefois fournir de détails expliquant si la façon dont le Canada aurait manqué aux obligations que lui impose ce programme différait sensiblement des allégations générales exposées dans l’action de M. Day.

[59]      Aucun des arguments supplémentaires qu’invoque une partie ne confère à l’un ou l’autre groupe un avantage sur la conduite de l’instance.

E.        La priorité en fonction de la date où le recours collectif a été intenté

[60]      Ce facteur doit être examiné d’un point de vue qualitatif. Les trois demandes réunies dans l’action des demandeurs LMO ont été déposées avant le dépôt de l’action de M. Day; par conséquent, ce facteur favorise légèrement l’action des demandeurs LMO.

[61]      Toutefois, comme nous l’avons vu précédemment, il ne revêt pas une grande importance dans le cadre global du litige, car le l’écart temporel ne semble pas avoir d’incidence importante sur l’état d’avancement des instances respectives.

[62]      Il est important de souligner que, bien que l’action de M. Day ait été intentée à une date plus tardive, elle est plus inclusive, en ce sens qu’elle a toujours inclus les INI, contrairement à l’action des demandeurs LMO. Rien ne laisse croire que les avocats de M. Day aient tenté de faire [traduction] « surenchère » par rapport à l’action des demandeurs LMO en incluant les INI. D’autres recherches devaient être nécessaires pour élaborer la composante concernant les INI, et il semble donc qu’il ait fallu plus de temps pour adapter adéquatement les allégations.

F.         La qualité, la compétence et la conduite des avocats

[63]      Beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à ce facteur, même si chaque camp a affirmé qu’ils ne cherchaient pas à se montrer sur leur meilleur jour dans le cadre de la présente requête en conduite de l’instance. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un facteur pertinent, mais pas aussi déterminant que certains auraient pu le croire.

[64]      Ce facteur favorise les cabinets KM/PR pour un certain nombre de raisons, en particulier en ce qui a trait à la compétence sur un aspect du litige, à savoir les questions non résolues dans la décision Daniels concernant les droits accordés aux Métis et aux INI et la question de savoir qui ils sont exactement.

[65]      Conformément à la décision Strohmaier v. British Columbia (Attorney General), 2018 BCSC 1613, 296 A.C.W.S. (3d) 699 (Strohmaier), aux paragraphes 55 à 58, la Cour doit évaluer la qualité des avocats du groupe pour veiller à la protection des membres absents. Les tribunaux ont maintes fois mis en garde contre le recours abusif à cet élément afin d’éviter les effets pervers de camps qui se disputent « leur meilleur jour ». Suivant la décision Quenneville v. Audi AG, 2018 ONSC 1530, 290 A.C.W.S. (3d) 30, aux paragraphes 78 à 83, la qualité des avocats ne devrait pas être un facteur important, car normalement, n’importe quel cabinet d’avocats peut représenter des membres du groupe. Les tribunaux devraient généralement accorder une importance moindre à ce facteur afin d’éviter de donner lieu à la création d’un « club », comme nous l’avons souligné plus haut.

[66]      Par conséquent, je ne puis souscrire à l’argument invoqué de M. Day selon lequel la Cour devrait principalement tenir compte de ce facteur. Ce n’est qu’un facteur parmi d’autres et son importance dépend des circonstances.

[67]      Dans le contexte des présentes actions, les deux groupes de cabinets d’avocats possèdent une vaste expérience des recours collectifs. L’avocat principal de chaque groupe est un avocat expérimenté et respecté dans ce domaine. Les membres des deux groupes de cabinets d’avocats possèdent de l’expérience par rapport à la rafle des années soixante et aux recours collectifs contre les pensionnats. Les deux cabinets ont également déjà agi pour le compte des Métis, bien que les membres des cabinets KM/PR aient aussi également agi pour le compte des INI.

[68]      Les cabinets KM/PR (le cabinet PR plus particulièrement) comptent une grande expérience de la question des Métis et des INI en ce qui a trait à la situation du groupe des demandeurs et certaines des questions non résolues de la décision Daniels, qui seront probablement soulevées dans la présente instance.

[69]      S’agissant de la décision Daniels, la Cour suprême du Canada a laissé en suspens certaines questions relatives à la définition des Métis et des INI visés par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], afin qu’elles soient reprises à une date ultérieure; peut-être le moment est-il venu d’aborder ces définitions (ou certaines autres). Certaines obligations découleraient de la réponse à la question de savoir, du point de vue constitutionnel, si les Métis et les INI sont des « Indiens » visés par la Constitution. PR possède des antécédents et une expérience uniques en ce qui concerne cet aspect du litige. Il s’agit d’un facteur favorisant la conduite de l’instance par les cabinets KM/PR.

[70]      Le consortium possède un avantage géographique par rapport aux cabinets KM/PR, en ce sens que le consortium a ses quartiers dans l’Ouest canadien (sauf pour ses bureaux principaux, situés en Ontario) et que certains de ses membres (MLG et Klein) ont des bureaux à la fois dans l’Ouest canadien et dans l’Est canadien.

[71]      Or, malgré cet avantage apparent, le consortium a été avare de détails sur son organisation, sa division du travail ou sa direction, éléments qui lui permettraient d’établir qu’il est beaucoup plus en mesure de représenter les Métis et les INI partout au pays. Le fait que le consortium compte davantage de cabinets ne garantit pas qu’il peut gérer l’affaire mieux que les cabinets KM/PR, qui présentent une structure plus simple, du moins en termes de nombre de bureaux.

[72]      La Cour est bien consciente qu’il peut y avoir des limites sur ce qu’un groupe de cabinets peut divulguer publiquement quant à ses plans qu’il élabore pour la gestion des litiges. Aucun avocat ne veut divulguer son « plan de match »; toutefois, il devrait à tout le moins fournir des renseignements de qualité. Ni l’une ni l’autre des parties n’a fait preuve de transparence en ce sens.

[73]      Bref, la Cour ne peut compter que sur un historique de résultats antérieurs et sur quelques hypothèses pour établir une distinction qualitative entre les deux groupes. Étant donné que les cabinets KM/PR ont également eu gain de cause dans des recours collectifs nationaux, aucune différence qualitative n’existe entre les groupes concurrents en ce qui a trait à la question de la représentation géographique.

[74]      Selon les cabinets KM/PR, plusieurs membres du consortium, en particulier MLG, auraient tendance à adopter des comportements préjudiciables. La participation de MLG à diverses actions a donné du fil à retordre à plusieurs tribunaux. Dernièrement, dans la décision Strohmaier, MLG s’est vu refuser la conduite de l’instance en raison de ces préoccupations. Dans cette affaire, MLG agissait seul sans être assujetti à la discipline d’un consortium, comme c’est peut-être le cas en l’espèce.

[75]      À mon avis, la participation de MLG ne constitue pas un motif pour refuser de confier la conduite de l’instance au consortium. Cependant, la réputation de MLG n’avantage pas le consortium relativement à l’évaluation de la « qualité, des compétences et de la conduite » des avocats. Le consortium doit être évalué dans son ensemble, notamment en ce qui a trait aux compétences et à l’expérience de certains de ses membres les plus en vue.

[76]      Pour d’autres motifs, ce facteur joue en faveur des cabinets KM/PR.

G.        L’interrelation des recours collectifs déposés devant plus d’un tribunal

[77]      La Cour examine maintenant la demande du Canada exigeant que les parties à la présente requête s’engagent à ne pas intenter devant d’autres tribunaux de recours semblables, peu importe si l’issue de la présente requête en conduite de l’instance leur est favorable ou non. Cette préoccupation du Canada survient en raison du problème non résolu des recours collectifs multijuridictionnels, nécessitant qu’un même défendeur soit tenu de présenter une défense dans la même instance devant de nombreux tribunaux.

[78]      Les cabinets KM/PR sont prêts à prendre un tel engagement, le consortium ne l’est pas. Le consortium s’y oppose parce qu’un tel engagement va à l’encontre du Code de déontologie de la Colombie-Britannique [Code of Professional Conduct for British Columbia] et du [traduction] « droit d’exercer ».

[79]      Le consortium n’a présenté aucun fait ou argument convaincant selon lequel l’engagement aurait un tel effet. Le barreau n’a jamais déclaré de façon précise qu’il y aurait manquement au Code de déontologie de la part d’un cabinet d’avocats si celui-ci s’engageait à ne pas intenter à répétition des recours collectifs qui se chevauchent après qu’un tribunal se prononce sur la conduite de l’instance relativement à un recours collectif national. En outre, la question de savoir comment la répétition d’instances ne constituerait pas un abus de procédure n’est pas abordée.

[80]      L’engagement est une garantie donnée à la Cour que la conduite de l’instance, dans le cadre du recours collectif qu’elle est appelée à trancher, sera menée avec vigueur et détermination plutôt que d’être un simple pion sur l’échiquier des recours collectifs.

[81]      Bien qu’il soit rassurant, l’engagement ne constitue pas une exigence dans les circonstances actuelles. Les recours collectifs intentés devant notre Cour font l’objet d’une gestion de l’instance serrée. La Cour peut, avec l’apport du défendeur, veiller à l’atteinte des objectifs des recours collectifs, et du présent recours collectif en particulier, en intervenant dans l’instance et même en retirant l’autorisation, si elle l’estime nécessaire, par laquelle elle a reconnu le recours collectif.

[82]      Par conséquent, la Cour ne fondera pas sa décision sur la conduite de l’instance sur la prise de cet engagement.

[83]      Les questions touchant aux problèmes de nature plus systémique que posent les instances multijuridictionnelles dans les recours collectifs nationaux, aux craintes d’abus de procédure et au risque que les demandeurs jouent sur tous les fronts judiciaires ne peuvent être résolues dans la cadre de la présente requête en conduite de l’instance.

[84]      En l’espèce, la question est théorique puisque la Cour ne confie pas la conduite de l’instance au consortium. Les cabinets KM/PR seront tenus de respecter l’engagement qu’ils ont pris envers la Cour.

VI.       Conclusion

[85]      Pour les motifs qui précèdent, la conduite de l’instance relative au recours collectif envisagé est confiée au demandeur dans l’action de M. Day. Il sera sursis sine die aux actions intentées dans les affaires LaLiberte c. Canada (Procureur général), McComb c. Canada et Ouellette c. Canada.

[86]      L’ordonnance précédente du 24 janvier 2019 empêche le dépôt de tout autre recours collectif semblable devant la Cour fédérale sans autorisation.

[87]      Aucuns dépens ne seront adjugés pour la présente requête, les dépens n’ayant pas été demandés et chaque cabinet faisant valoir ses propres intérêts commerciaux.


ORDONNANCE dans les dossiers nos T-940-18, T-1251-18, T-1904-18 et T-2166-18

LA COUR ORDONNE :

1.         La conduite de l’instance dans le cadre du recours collectif envisagé est confiée au demandeur dans l’affaire Day c. Canada (Procureur général) (dossier no T-2166-18).

2.         Il sera sursis sine die aux actions intentées dans les affaires LaLiberte c. Canada (Procureur général) (dossier no T-940-18), McComb c. Canada (dossier no T-1251-18) et Ouellette c. Canada (dossier no T-1904-18).

3.         Aucuns dépens ne sont adjugés relativement à la présente requête.

 

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