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A-44-20

2021 CAF 154

Seedlings Life Science Ventures, LLC (appelante)

c.

Pfizer Canada ULC/Pfizer Canada SRI (intimées)

Répertorié : Seedlings Life Science Ventures, LLC c. Pfizer Canada ULC

Cour d’appel fédérale, juges Gleason, Laskin et Locke, J.C.A.—Par vidéoconférence, 6 mai; Ottawa, 28 juillet 2021.

Brevets — Contrefaçon –– Appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale qui a conclu que l’intimée Pfizer Canada ULC (l’intimée) n’avait pas contrefait le brevet canadien no 2486935 (le brevet ′935) de l’appelante et que les revendications en litige étaient invalides — Le brevet ʹ935 en litige et le produit censément contrefait de l’intimée (EpiPen) sont des auto‑injecteurs de médicaments — La Cour fédérale a conclu que les revendications du brevet ʹ935 en litige étaient invalides pour cause de portée excessive, d’antériorité ou d’évidence — Elle a conclu que, bien qu’il y ait eu contrefaçon, la remise des profits aurait été inappropriée dans la présente affaire — L’appelante a affirmé que toutes les revendications en litige étaient valides et contrefaites — Plus particulièrement, elle a soutenu que l’interprétation des revendications faite par la Cour fédérale était absurde et contradictoire, elle s’est opposée à ce que la Cour fédérale ait eu recours au principe de différenciation des revendications, et elle a affirmé que la portée excessive ne constituait pas un motif valable d’invalidité — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur dans son interprétation des revendications et en concluant que celles‑ci étaient invalides et non contrefaites — La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de certaines expressions — Il n’y avait aucune erreur dans le fait d’appliquer le principe de différenciation des revendications pour comparer des segments similaires de deux revendications — Le renvoi aux réalisations antérieures dans l’interprétation d’une expression ne constituait pas une interprétation inadmissible du terme en fonction des réalisations antérieures — Le fait de tenir compte des connaissances générales courantes dont l’inventeur disposait au moment de la rédaction du brevet ne constitue pas une erreur — La Cour fédérale n’a commis aucune erreur dans son application du droit aux faits à l’égard de la portée excessive — La portée excessive est un motif valable d’invalidité par l’effet combiné des art. 27(3) et (4) de la Loi sur les brevets — La portée des revendications ne peut pas outrepasser celle de la divulgation — Dans la présente affaire, pour établir qu’une caractéristique était essentielle, il fallait renvoyer à la divulgation, et non aux revendications — Il s’agit d’une difficulté, car ce sont les revendications qui définissent la portée du monopole que revendique l’inventeur — Le recours à la divulgation pour interpréter les revendications n’est approprié que dans certaines situations — Le fait qu’il y ait incertitude quant à la façon d’appliquer la portée excessive n’est pas un motif suffisant pour annuler un principe du droit des brevets qui est largement reconnu — L’on ne peut dire qu’un élément qui est décrit dans la divulgation d’un brevet, mais qui n’est pas revendiqué, ne pourrait jamais être considéré comme étant un élément essentiel qui est au cœur de l’invention — La Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le fait que l’intimée ait reconnu qu’une personne versée dans l’art pouvait fabriquer les réalisations préférentielles en se basant sur la divulgation suffisait pour qu’il soit satisfait à l’exigence de suffisance — La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention — La Cour fédérale aurait dû conclure que les revendications en litige étaient invalides pour cause d’insuffisance — Bien qu’en raison de cette conclusion sur l’invalidité, il n’ait pas été nécessaire d’examiner la question des mesures de réparation, il convenait de formuler quelques observations concernant l’examen fait par la Cour fédérale de l’option de la remise des profits à titre de mesure de réparation pour la contrefaçon de brevet — Aucune des décisions mentionnées par la Cour fédérale n’apportait de fondement ferme au principe général selon lequel le breveté qui réalise des profits en vendant des licences sur son brevet ne devrait pas avoir le droit de choisir la remise des profits — Le principe largement défini ainsi obligerait ces inventeurs à choisir entre l’efficacité commerciale et un recours potentiel en cas de violation de leurs droits découlant du brevet — Il n’y a aucune raison de les obliger à faire ce choix — La remise des profits est censée avoir un effet dissuasif — Les préoccupations relatives à l’indemnisation excessive du breveté ne devraient pas être un facteur déterminant — Appel rejeté.

Il s’agissait d’un appel interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale, qui a conclu que l’intimée Pfizer Canada ULC (ci‑après l’intimée) n’avait pas contrefait le brevet canadien no 2486935 (le brevet ′935) de l’appelante et que les revendications en litige étaient invalides.

Le brevet ′935 en litige est intitulé « Appareil et procédé d’injection automatique rapide d’un médicament » et le produit censément contrefait de l’intimée est un auto‑injecteur appelé EpiPen. La Cour fédérale a conclu que l’intimée n’avait pas contrefait le brevet ′935 et que les revendications en litige étaient invalides. Plus particulièrement, elle a conclu que les diverses revendications étaient invalides pour cause de portée excessive, d’antériorité ou d’évidence. La Cour fédérale a conclu que, bien qu’il y ait eu contrefaçon, la remise des profits aurait été inappropriée.

L’appelante a affirmé que toutes les revendications en litige auraient dû être jugées valides et contrefaites. Plus particulièrement, l’appelante a soutenu que l’interprétation des revendications faite par la Cour fédérale était absurde et contradictoire, elle s’est opposée à ce que la Cour fédérale ait eu recours au principe de différenciation des revendications pour comparer deux revendications qui ne sont pas identiques par ailleurs, et elle a affirmé que la portée excessive ne constituait pas un motif valable d’invalidité et que, même si c’était le cas, la Cour fédérale a commis une erreur en l’examinant en l’espèce.

Il s’agissait principalement de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur dans son interprétation des revendications et en concluant que celles‑ci étaient invalides et non contrefaites.

Arrêt : l’appel doit être rejeté.

La Cour fédérale n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de certaines expressions. Il n’y avait aucune erreur dans le fait d’appliquer le principe de différenciation des revendications pour comparer des segments similaires de deux revendications, même si ces deux revendications présentent d’autres différences. Bien que, dans certaines circonstances, l’existence d’autres différences puisse limiter l’application de ce principe, ce ne sera pas toujours le cas. L’interprétation des revendications vise à établir ce que la personne versée dans l’art penserait de l’intention de l’inventeur. L’existence d’autres différences entre les deux revendications peut ou non avoir une incidence sur ce que comprendra la personne versée dans l’art. Bien que la Cour fédérale ait renvoyé aux réalisations antérieures lorsqu’elle a interprété l’une des expressions, son raisonnement ne constituait pas une interprétation inadmissible du terme en fonction des réalisations antérieures. Il est interdit aux cours d’interpréter des revendications en se fondant sur la question de savoir si leur interprétation mènera à une conclusion d’invalidité ou de contrefaçon. Cependant, les cours ne commettent pas d’erreur si elles tiennent compte des connaissances générales courantes dont l’inventeur disposait au moment de la rédaction du brevet.  

La Cour fédérale n’a commis aucune erreur manifeste et dominante dans son application du droit aux faits à l’égard de la portée excessive. La portée excessive demeure un motif valable d’invalidité par l’effet combiné des paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets. L’invention doit être décrite de façon complète et les revendications doivent définir les éléments de l’invention dont l’inventeur revendique la propriété exclusive. Il s’ensuit que la portée des revendications ne peut pas outrepasser celle de la divulgation. Le chevauchement avec d’autres motifs d’invalidité complique la tâche de définir les circonstances dans lesquelles les revendications d’un brevet seraient invalides pour cause de portée excessive sans l’être pour d’autres motifs. Dans la présente affaire, pour établir qu’une caractéristique était essentielle, il fallait renvoyer à la divulgation, et non aux revendications. Il s’agit d’une difficulté, car ce sont les revendications qui définissent la portée du monopole que revendique l’inventeur et ce sont elles qui sont généralement examinées pour établir les caractéristiques essentielles de l’invention aux fins d’interprétation des revendications. Le recours à la divulgation pour interpréter les revendications n’est approprié que dans certaines situations. En ce qui concerne la portée excessive, il n’est pas important de savoir si le fait d’omettre ou de modifier la caractéristique contourne la revendication (comme c’est le cas pour l’interprétation des revendications), mais plutôt de savoir si cette caractéristique est si essentielle à l’invention décrite dans la divulgation qu’une revendication qui l’omettrait viserait des réalisations qui n’étaient pas envisagées dans la divulgation. Le fait qu’il y ait incertitude quant à la façon d’appliquer la portée excessive n’est pas un motif suffisant pour annuler un principe du droit des brevets qui est largement reconnu depuis de nombreuses décennies. L’on ne peut dire qu’un élément qui est décrit dans la divulgation d’un brevet, mais qui n’est pas revendiqué, ne pourrait jamais être considéré comme étant un élément essentiel qui est au cœur de l’invention.

La Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le fait que l’intimée ait reconnu qu’une personne versée dans l’art pouvait fabriquer les réalisations préférentielles en se basant sur la divulgation suffisait pour qu’il soit satisfait à l’exigence de suffisance. Le fait que la divulgation enseigne comment fabriquer la réalisation préférentielle ne suffit pas. La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention, et ce sans devoir procéder à une expérimentation excessive ni faire preuve d’ingéniosité inventive. La Cour fédérale aurait dû conclure que les revendications en litige étaient invalides pour cause d’insuffisance.

Il n’était pas nécessaire dans la présente affaire de trancher la question de la contrefaçon. Il ne peut y avoir contrefaçon d’une revendication invalide. Bien qu’en raison de cette conclusion sur l’invalidité des revendications en litige, il n’ait pas été nécessaire d’examiner la question des mesures de réparation, il convenait de formuler quelques observations concernant l’examen fait par la Cour fédérale de l’option de la remise des profits à titre de mesure de réparation pour la contrefaçon de brevet. La Cour fédérale a renvoyé à plusieurs décisions, rendues au fil de plusieurs décennies, étayant l’observation selon laquelle, « si le breveté a réalisé ses bénéfices en vendant des licences, il ne devrait pas avoir droit à une indemnité allant au‑delà d’une redevance raisonnable ». Aucune des décisions mentionnées n’apportait de fondement ferme au principe général selon lequel le breveté qui réalise des profits (ou a l’intention de le faire) en vendant des licences sur son brevet ne devrait pas avoir le droit de choisir la remise des profits. Le principe largement défini ainsi obligerait ces inventeurs à choisir entre l’efficacité commerciale et un recours potentiel en cas de violation de leurs droits découlant du brevet. La valeur d’un brevet diminuerait donc pour les inventeurs spécialistes. Il n’y a aucune raison de les obliger à faire ce choix. L’efficacité commerciale devrait être encouragée. La remise des profits ne vise pas à indemniser le breveté pour les pertes subies. Elle vise plutôt à priver le contrefacteur du fruit de ses activités répréhensibles. Cette mesure est censée avoir un effet dissuasif. Par conséquent, les préoccupations relatives à l’indemnisation excessive du breveté ne devraient pas être un facteur déterminant. La décision du breveté d’accorder des licences sur son invention est un facteur que peut prendre en compte la cour qui juge si le breveté a le droit de choisir la remise des profits. Cependant, si le breveté choisit d’accorder des licences, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il n’a pas le droit de choisir la remise des profits.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, art. 27(3),(4).

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Western Oilfield Equipment Rentals Ltd. c. M-I L.L.C., 2021 CAF 24, [2021] 2 R.C.F. 582, 2021 CarswellNat 7303; Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, 1981 CanLII 15.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CF 559, [2012] A.C.F no 621 (QL); Amfac Foods Inc. c. Irving Pulp & Paper Ltd., [1986] A.C.F. no 659 (QL) (C.A.); AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36, [2017] 1 R.C.S. 943; Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024.

DÉCISIONS mentionnÉES :

Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067; Tearlab Corporation c. I-MED Pharma Inc., 2019 CAF 179, [2019] A.C.F. no 693 (QL); Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, [2017] 2 R.C.F. 280; Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning v. Commissioner of Patents, [1966] R.C. de l’É. 91, (1965), 50 C.P.R. 220; conf. par [1966] R.C.S. 604; Teva Canada Ltd. c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625; Colonial Fastener Co. Ltd. v. Lightning Fastener Co. Ltd., [1937] R.C.S. 36, [1937] 1 D.L.R. 21; Alliedsignal Inc. c. du Pont Canada Inc., [1998] A.C.F. no 190 (QL) (1re inst.), conf. par [1999] A.C.F. no 38 (QL) (C.A.); JAY-LOR International Inc. c. Penta Farm Systems Ltd., 2007 CF 358, [2007] A.C.F. no 688 (QL), [2007] 4 R.C.F. F-1; Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemicals Company, 2020 CAF 141, [2021] 1 R.C.F. 551, [2020] A.C.F. no 928 (QL).

DOCTRINE CITÉE

Fox, Harold G. The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. Toronto : Carswell, 1969.

APPEL interjeté à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2020 CF 1) qui a conclu que l’intimée Pfizer Canada ULC n’avait pas contrefait le brevet canadien no 2486935 de l’appelante et que les revendications en litige étaient invalides. Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Christopher C. Van Barr, Michael Crichton, William Boyer, Benjamin Pearson et Charlotte Dong pour l’appelante.

Peter Wilcox, Stephanie Anderson, Benjamin K. Reingold et Michael Schwartz pour l’intimée.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l., Ottawa, pour l’appelante.

Belmore Neidrauer LLP, Toronto, pour les intimées.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Locke, J.C.A. :

I.     Les faits

[1]        Le 6 mai 2021, notre Cour a entendu le présent appel (dossier de la Cour no A-44-20), ainsi qu’un appel connexe (dossier de la Cour no A-431-19). L’appel connexe fait l’objet d’une décision distincte.

[2]        Le présent appel découle d’un procès de trois semaines lors duquel l’appelante, Seedlings Life Science Ventures, LLC (Seedlings), a soutenu que l’intimée, Pfizer Canada SRI (Pfizer), avait contrefait certaines revendications de son brevet canadien no 2486935 (le brevet ′935) et lors duquel Pfizer a déposé une demande reconventionnelle où elle soutenait que les revendications en litige du brevet ′935 étaient invalides.

[3]        Le brevet ′935 en litige est intitulé « Appareil et procédé d’injection automatique rapide d’un médicament » et le produit censément contrefait de Pfizer est un auto-injecteur appelé EpiPen. La conception de l’EpiPen ayant évolué depuis sa mise en marché dans les années 1980, le produit censément contrefait est appelé auto-injecteur EpiPen de nouvelle génération ou EpiPen NGA.

[4]        La Cour fédérale (motifs du juge Sébastien Grammond, 2020 CF 1) a conclu que Pfizer n’avait pas contrefait le brevet ′935 et que les revendications en litige étaient effectivement invalides. Les revendications qui demeurent en litige sont les revendications 40, 44 à 47, 57 à 60 et 62. La Cour fédérale a conclu que toutes ces revendications sont invalides au motif qu’elles sont d’une portée excessive, que les revendications 44 à 47 et 57 sont également invalides pour cause d’antériorité et que la revendication 58 est aussi invalide pour cause d’évidence. Mises à part les questions d’invalidité, la Cour fédérale a conclu qu’aucune des revendications en litige n’a été contrefaite. Malgré ses conclusions selon lesquelles le brevet ′935 n’était ni valide ni contrefait, la Cour fédérale a également examiné les questions liées aux réparations, au cas où ces conclusions se verraient infirmées.

[5]        L’appel connexe porte sur une décision rendue pendant l’instance à l’égard de l’admissibilité en preuve de certains documents produits par Pfizer au cours de l’interrogatoire préalable concernant des plans d’affaires. Étant donné les observations de la Cour fédérale au paragraphe 235 des motifs de la décision de première instance (les motifs de la C.F.) selon lesquelles elle n’avait pas besoin de se fonder sur ces documents, je conclus que la décision tranchant l’appel connexe n’aura pas d’incidence sur le présent appel.

[6]        Seedlings affirme que toutes les revendications en litige auraient dû être jugées valides et contrefaites. La seule exception est la revendication 40, à l’égard de laquelle Seedlings ne conteste pas la conclusion d’absence de contrefaçon, bien qu’elle conteste celle d’invalidité. Pfizer soutient que la Cour fédérale a eu raison de conclure que toutes les revendications en litige étaient invalides et qu’il n’y avait pas contrefaçon de celles-ci. Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que le présent appel devrait être rejeté et que la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les revendications en litige étaient invalides et qu’elles n’étaient pas contrefaites devrait être confirmée.

II.    Le brevet ′935

[7]        Avant d’examiner les questions en litige, je vais préciser quelques détails au sujet du brevet ′935. Dans la description de la technique antérieure, il est fait mention de deux principaux défauts d’auto-injecteurs antérieurs qui seraient corrigés : (i) la forme tubulaire, qui les rendait volumineux et qui rendait difficiles à lire les instructions imprimées sur le dispositif et (ii) le fait que l’aiguille demeurait exposée après utilisation.

[8]        La solution fournie dans le brevet ′935 est un dispositif relativement plat qui comporte trois étapes. La première étape est une position de rangement rentrée dans laquelle l’aiguille est prête à être utilisée (voir la figure 17 du brevet ′935 reproduite à l’annexe A ci-jointe). Une seringue inversée contenant le médicament est maintenue en place, à l’intérieur du boîtier du dispositif, par un porte-seringue, à son extrémité arrière. L’aiguille commence à l’extrémité avant de la seringue inversée, mais demeure recouverte par un protecteur. Le protecteur d’aiguille se trouve à l’extrémité avant du dispositif, mais il comprend des bras qui s’étendent vers l’arrière du dispositif, de chaque côté de la seringue inversée, et qui enclenchent le porte-seringue qui permet de maintenir en place l’aiguille. Un ressort comprimé se trouve entre l’arrière du porte-seringue et l’arrière du boîtier. Le protecteur d’aiguille et ses bras sont maintenus en place par un mécanisme de verrouillage comportant des pattes fixées sur le boîtier, des deux côtés, qui font saillie dans les fentes présentes dans les bras.

[9]        Une fois qu’on retire le couvercle de sécurité du protecteur d’aiguille, le dispositif peut être mis en position d’injection en apposant son extrémité avant contre l’endroit du corps qui doit recevoir l’injection. Le protecteur d’aiguille et l’aiguille sont ainsi poussés vers l’arrière par rapport au reste du dispositif (voir la figure 18 tirée du brevet ′935, à l’annexe A). À un certain point, la partie arrière des bras du protecteur d’aiguille relâche le porte-seringue. Cela permet au ressort derrière le porte-seringue de pousser la seringue inversée et l’aiguille vers l’avant et dans le corps (voir la figure 19 tirée du brevet ′935, à l’annexe A), puis de comprimer la seringue inversée afin de faire passer le médicament dans l’aiguille puis dans le corps (voir la figure 21 tirée du brevet ′935, à l’annexe A).

[10]      Après l’injection, deux autres ressorts (situés de chaque côté du dispositif) poussent le protecteur d’aiguille vers l’avant pour qu’il couvre l’aiguille à mesure qu’elle est retirée du corps (voir la figure 22 tirée du brevet ′935, à l’annexe A). L’utilisation du dispositif se termine donc dans une position déployée (également appelée position après l’injection). Dans cette position, le protecteur d’aiguille est maintenu en place par un autre mécanisme de verrouillage, qui utilise les mêmes pattes que celles du premier mécanisme de verrouillage, lesquelles cette fois-ci font saillie dans d’autres fentes des bras du protecteur d’aiguille.

III.   Les questions en litige

[11]      La discussion ci-après porte sur les questions en litige suivantes :

A.    La norme de contrôle

B.    L’interprétation des revendications

i.        [traduction] « vers l’arrière »

ii.       [traduction] « ensemble d’actionnement »

iii.      [traduction] « relié à »

iv.      [traduction] « fixé de façon mobile »

C.   La validité

v.       L’antériorité et l’évidence

vi.      La portée excessive et l’insuffisance

D.   La contrefaçon

E.    Les mesures de réparation

[12]      Compte tenu de ma conclusion concernant certaines de ces questions, j’ai conclu qu’il n’était pas nécessaire d’en examiner d’autres.

IV.   Discussion

A.    La norme de contrôle

[13]      Les parties soutiennent toutes deux, à juste titre, que la norme de contrôle qui s’applique dans le présent appel est celle énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen). La norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte (Housen, au paragraphe 8), alors que les conclusions de fait ou les conclusions mixtes de fait et de droit — à moins qu’il n’existe une question de droit isolable — ne sont infirmées que si la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante (Housen, aux paragraphes 10 et 36).

[14]      La norme de contrôle applicable aux questions d’interprétation des revendications est complexe. Seedlings soutient que l’interprétation des revendications est une question de droit (Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067 (Whirlpool), au paragraphe 61) et que la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte. Cependant, la question n’est pas aussi simple. Les revendications sont interprétées du point de vue de la personne versée dans l’art à qui le brevet est destiné à la date de sa publication et on établit généralement ce point de vue en se fondant sur la preuve d’expert. L’appréciation de cette preuve d’expert est une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante : Tearlab Corporation c. I-MED Pharma Inc., 2019 CAF 179, [2019] A.C.F. no 693 (QL), au paragraphe 29.

B.    L’interprétation des revendications

[15]      Seedlings met en doute l’interprétation qu’a faite la Cour fédérale de plusieurs termes utilisés dans les revendications en litige.

1)    Principes juridiques

[16]      Bien que Seedlings n’attaque pas expressément le résumé fait par la Cour fédérale des principes juridiques applicables à l’interprétation des revendications, elle insiste sur deux principes : (i) le libellé des revendications, et non la divulgation, prime lorsqu’il s’agit de définir l’objet d’une invention; (ii) il ne faut pas interpréter les revendications littéralement ou d’une manière axée sur les résultats.

[17]      Pfizer ne conteste pas les principes que Seedlings souligne. Je suis du même avis. Pfizer ajoute, à juste titre, que les revendications reçoivent une seule et même interprétation à toutes les fins (c’est-à-dire à la fois dans l’examen de la validité et dans celui de la contrefaçon) : Whirlpool, au paragraphe 49b).

2)    [traduction] « vers l’arrière »

[18]      L’expression [traduction] « vers l’arrière » figure dans le segment suivant de la revendication 48 : [traduction] « la disposition et le maintien du corps de la seringue et de l’aiguille vers l’arrière du boîtier dans une position de rangement rentrée, prêtes à être utilisées ». L’expression [traduction] « vers l’arrière » constitue la seule différence importante par rapport à un segment similaire figurant dans la revendication 47. Bien que la revendication 48 ne fasse pas partie des revendications en litige, les revendications 57 à 60 et 62, qui sont en litige, dépendent toutes indirectement de la revendication 48 et contiennent donc tous les éléments de cette dernière, y compris les mots [traduction] « vers l’arrière ».

[19]      La Cour fédérale a conclu que l’ajout de l’expression [traduction] « vers l’arrière » dans la revendication 48 servait à faire une distinction entre le dispositif et des dispositifs bien connus antérieurs où la seringue et le corps de celle-ci se trouvaient dans la moitié avant (motifs de la C.F., au paragraphe 82). En revanche, la seringue et l’aiguille du dispositif qui sont décrites dans le brevet ′935 occupent presque toute la longueur du dispositif. Par conséquent, comparativement aux réalisations antérieures, la seringue et l’aiguille sont disposées et maintenues vers l’arrière.

[20]      Seedlings conteste cette interprétation de l’expression [traduction] « vers l’arrière ». Elle fait observer qu’au procès, l’interprétation de cette expression n’était pas en litige et qu’aucune preuve d’expert n’étaye l’interprétation faite par la Cour fédérale. Seedlings s’oppose également à ce que la Cour fédérale ait eu recours au principe de différenciation des revendications pour comparer deux revendications qui ne sont pas identiques par ailleurs. En outre, Seedlings soutient que l’interprétation faite par la Cour fédérale est absurde, car la réalisation préférentielle de l’invention montre que l’aiguille et la seringue sont situées plus près de l’avant du dispositif que de sa partie arrière. Enfin, Seedlings fait valoir que la Cour fédérale a incorrectement interprété l’expression [traduction] « vers l’arrière » parce qu’elle l’a fait au regard de l’antériorité. Seedlings fait valoir qu’il aurait fallu interpréter l’expression [traduction] « vers l’arrière » simplement comme désignant le sens dans lequel la seringue et l’aiguille sont retenues avant l’utilisation. Seedlings avance que, n’eût été l’erreur commise par la Cour fédérale à cet égard, cette dernière aurait conclu que l’EpiPen NGA de Pfizer contrefaisait les revendications 58 à 60 et 62 du brevet ′935.

[21]      Je dois rejeter toutes les observations de Seedlings concernant l’interprétation de l’expression [traduction] « vers l’arrière ». L’absence de différend entre les parties quant au sens de l’expression [traduction] « vers l’arrière » ne pouvait pas empêcher la Cour fédérale de conclure que l’expression avait un sens. En outre, je ne constate aucune erreur dans le fait d’appliquer le principe de différenciation des revendications pour comparer des segments similaires de deux revendications, même si ces deux revendications présentent d’autres différences. Bien que, dans certaines circonstances, l’existence d’autres différences puisse limiter l’application de ce principe, ce ne sera pas toujours le cas. L’interprétation des revendications vise à établir ce que la personne versée dans l’art penserait de l’intention de l’inventeur. L’existence d’autres différences entre les deux revendications peut ou non avoir une incidence sur ce que comprendra la personne versée dans l’art.

[22]      Bien qu’il puisse être difficile de reconnaître qu’une seringue et une aiguille puissent être disposées et maintenues vers l’arrière du boîtier alors qu’elles sont en réalité situées le plus près possible de l’extrémité avant, il ne s’agit pas, à mon avis, d’une absurdité. La Cour fédérale a expliqué que, selon elle, l’expression [traduction] « vers l’arrière » servait à établir une distinction avec les réalisations antérieures et à illustrer le fait que la seringue et l’aiguille allaient plus loin vers l’arrière du dispositif. Bien que la Cour fédérale ait renvoyé aux réalisations antérieures lorsqu’elle a interprété l’expression, son raisonnement ne constituait pas une interprétation inadmissible du terme en fonction des réalisations antérieures. Il est interdit aux cours d’interpréter des revendications en se fondant sur la question de savoir si leur interprétation mènera à une conclusion d’invalidité ou de contrefaçon. Cependant, les cours ne commettent pas d’erreur si elles tiennent compte des connaissances générales courantes dont l’inventeur disposait au moment de la rédaction du brevet. Le renvoi par la Cour fédérale à la réalisation antérieure pour établir l’intention de l’inventeur était admissible.

[23]      L’interprétation de l’expression [traduction] « vers l’arrière » que propose Seedlings est raisonnable, mais il ne s’agit pas là du critère. L’interprétation faite par la Cour fédérale était étayée par la preuve d’expert qu’elle avait le droit de préférer. Je ne constate aucune erreur à cet égard. De plus, même si je devais retenir la thèse de Seedlings, elle serait loin de démontrer la contrefaçon des revendications 57 à 60 et 62. La revendication 57 a été jugée invalide pour cause de portée excessive et d’antériorité. La revendication 58 a été jugée invalide pour cause de portée excessive et d’évidence. Enfin, les revendications 59, 60 et 62 ont été jugées invalides pour cause de portée excessive et jugées non contrefaites pour un autre motif (pour qu’il y ait contrefaçon, le protecteur d’aiguille devait être [traduction] « relié » à la source d’énergie et non simplement être [traduction] « en liaison fonctionnelle » avec celle-ci. Toutes ces questions supplémentaires sont examinées plus loin dans les présents motifs).

3)    [traduction] « ensemble d’actionnement »

[24]      L’expression [traduction] « ensemble d’actionnement » figure dans le segment suivant de la revendication 59 : [traduction] « un ensemble d’actionnement qui inclut le protecteur d’aiguille, grâce auquel ce dernier est relié à la source d’énergie ». Cette expression se trouve dans les revendications 60 et 62 du fait de leur dépendance à la revendication 59.

[25]      La Cour fédérale a conclu que cette expression désignait « une pièce complexe ou [...] plusieurs pièces assemblées de façon fixe ou mobile » (motifs de la C.F., au paragraphe 93), puis a ajouté qu’« à l’inverse, des pièces indépendantes ne constituent pas un ensemble si elles ne font que se toucher sans être assemblées ». La Cour fédérale a expliqué qu’« [i]l semble difficile d’évoquer un ensemble dont les pièces ne sont pas assemblées » (motifs de la C.F., au paragraphe 91). Seedlings conteste l’exigence selon laquelle les pièces doivent être assemblées. J’examine plusieurs observations à ce sujet dans les paragraphes ci-dessous.

[26]      Seedlings soutient que l’interprétation faite par la Cour fédérale est intrinsèquement incompatible, puisqu’avant de conclure que les pièces d’un ensemble pouvaient être assemblées de façon mobile, elle a affirmé qu’elles ne bougeaient pas par rapport aux autres pièces du groupe. Cette observation est sans fondement. Elle est fondée sur le passage du paragraphe 89 des motifs dans lequel la Cour fédérale décrivait l’opinion d’un des témoins experts. La Cour fédérale n’a pas retenu cette opinion.

[27]      Seedlings allègue une autre contradiction de la Cour fédérale, notant que l’annexe A des motifs, qui décrit le fonctionnement de l’EpiPen NGA de Pfizer, comprend une description de [traduction] « [l’]enveloppe intérieure de l’ensemble de déclenchement / collet / ressort de l’ensemble de déclenchement » en tant qu’ensemble, bien que le collet ne soit pas relié à l’enveloppe intérieure de l’ensemble de déclenchement. J’estime qu’il ne s’agit pas d’une contradiction dans les motifs. Au paragraphe 35 des motifs, il est indiqué que l’annexe A est une série de schémas préparés par Meridian Medical Technologies, Inc. (l’entreprise qui a mis au point l’EpiPen NGA) et montrant les principales étapes du fonctionnement de l’EpiPen NGA. Par conséquent, l’emploi du terme [traduction] « ensemble » dans l’annexe est le choix de Meridian et non de la Cour fédérale. Le simple fait que le terme « ensemble » ait été utilisé d’une manière différente dans le document de Meridian ne rend pas l’interprétation faite par le juge de première instance contradictoire ou inappropriée.

[28]      Seedlings renvoie aussi à un prototype réalisé par les inventeurs du brevet ′935 sur lequel on se fondait pour établir l’utilité. Seedlings affirme que les composants de [traduction] « l’ensemble d’actionnement » de ce prototype n’étaient pas assemblés, mais qu’il avait toutefois été conclu qu’il était visé par les revendications. Cependant, les paragraphes 158 et 159 des motifs, que Seedlings a invoqués à l’appui de cette conclusion, semblent reposer principalement sur le fait que les experts étaient tous d’avis que le prototype était visé par les revendications. En conséquence, je ne suis pas disposé à admettre que cette conclusion montre une contradiction dans les motifs qui constitue soit une erreur de droit, soit une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou sur une question mixte de fait et de droit.

[29]      Enfin, Seedlings critique le raisonnement de la Cour fédérale [au paragraphe 91] selon lequel, « s’il suffisait à des pièces de se toucher de façon directe ou indirecte pour constituer un ensemble, toutes les pièces de chacun des autoinjecteurs examinés formeraient un seul ensemble, auquel cas le terme n’aurait plus aucune utilité réelle ». Seedlings affirme que la Cour fédérale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve décrivant des auto-injecteurs complets comme étant des ensembles. À mon avis, cette observation ne suffit pas à justifier l’intervention de notre Cour. La Cour fédérale n’était pas tenue d’appliquer la terminologie employée en lien avec d’autres auto-injecteurs et je ne constate aucune erreur dans le fait qu’elle ne se soit pas prononcée à cet égard.

4)    [traduction] « relié à »

[30]      Au même titre que l’expression [traduction] « ensemble d’actionnement », l’expression [traduction] « relié à » figure dans la revendication 59 et se trouve dans les revendications 60 et 62 du fait de leur dépendance à la revendication 59. Le segment pertinent, qui est déjà cité au paragraphe 24 ci-dessus, concerne un ensemble d’actionnement dans lequel [traduction] « le protecteur d’aiguille […] est relié à la source d’énergie ».

[31]      La Cour fédérale a conclu que les composants sont reliés s’ils sont liés (s’ils se touchent), directement ou indirectement, d’une façon qui assure la transmission d’une force ou d’un mouvement (motifs de la C.F., aux paragraphes 97 et 98). La Cour fédérale a également pris note de la distinction existant entre l’expression [traduction] « relié à », dans la revendication 59, et l’expression [traduction] « en liaison fonctionnelle avec », dans la revendication 58, et elle a conclu que les composants qui ne se touchent pas, directement ou indirectement, peuvent se trouver en liaison fonctionnelle, mais qu’ils ne sont pas reliés.

[32]      Seedlings reproche à la Cour fédérale d’avoir établi l’exigence selon laquelle, pour être [traduction] « reliés », les composants doivent se toucher sur le fondement d’une différenciation devant être faite avec l’expression [traduction] « en liaison fonctionnelle avec » figurant dans la revendication 58. Seedlings fait valoir des observations concernant le principe de différenciation des revendications qui s’apparentent à celles invoquées en lien avec l’expression [traduction] « vers l’arrière ». À cet égard, je demeure du même avis qu’au paragraphe 21 ci-dessus, c’est-à-dire que la différenciation des revendications peut être utilisée même si les revendications comportent plusieurs différences. En outre, il était tout à fait loisible à la Cour fédérale de conclure que l’expression [traduction] « relié à », employée dans la revendication 59, définit plus restrictivement le lien entre le protecteur d’aiguille et la source d’énergie que l’expression [traduction] « en liaison fonctionnelle avec » figurant dans la revendication 58.

[33]      Seedlings soutient également que l’interprétation faite par la Cour fédérale de l’expression [traduction] « relié à » est absurde, car la réalisation préférentielle décrite dans le brevet ′935 n’est pas visée par la revendication. Je ne suis pas de cet avis. Bien que le protecteur d’aiguille et la source d’énergie décrits dans la réalisation préférentielle, à la figure 8, ne soient pas en contact direct, ils se touchent indirectement (comme le prévoit l’interprétation faite par la Cour fédérale) par l’intermédiaire du porte-seringue. En conséquence, la réalisation préférentielle est visée par la revendication.

[34]      Enfin, Seedlings soutient qu’il y a contradiction dans les motifs lorsque, dans son examen de la question de la contrefaçon des revendications 59, 60 et 62 (au paragraphe 211 des motifs de la C.F.), la Cour fédérale a ajouté l’exigence selon laquelle les composants reliés devaient « en tout temps » être en contact, alors que cette exigence n’avait pas été mentionnée auparavant. Je n’estime pas qu’il s’agit d’une contradiction. J’estime plutôt qu’il s’agit d’une explication plus détaillée de la définition de l’expression [traduction] « relié à » déjà fournie. Cette explication détaillée cadre aussi avec l’exemple que la Cour fédérale avait fourni au paragraphe 98 de ses motifs, à savoir que, « si j’appuie du doigt sur un bouton, mon doigt peut être “en liaison fonctionnelle” avec le bouton, mais il n’est pas “relié” au bouton ». Plus précisément, l’explication supplémentaire semble préciser qu’il doit s’agir d’un contact constant, c’est-à-dire qu’il doit y avoir un contact avant l’utilisation (comme le montre la figure 8), et non uniquement au moment de l’utilisation (comme c’est le cas avec l’EpiPen NGA). La Cour fédérale semble reconnaître que le contact qui existe dans l’EpiPen NGA est visé par la définition de l’expression [traduction] « en liaison fonctionnelle avec », mais non par celle de l’expression [traduction] « relié à ».

5)    [traduction] « fixé de façon mobile »

[35]      La Cour fédérale a noté plusieurs occurrences dans les revendications en litige des expressions [traduction] « fixé de façon mobile », [traduction] « disposé et maintenu dans » et [traduction] « disposé de façon mobile dans ». Pour les besoins du présent appel, il faut noter la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l’expression [traduction] « fixé de façon mobile » exige que les composants en question soient en contact direct, contrairement aux expressions [traduction] « disposé et maintenu dans » et « disposé de façon mobile dans ».

[36]      Seedlings affirme que l’expression [traduction] « fixé de façon mobile » devrait aussi inclure le contact indirect. Seedlings fait valoir que, selon le brevet ′935, le contact direct n’est pas nécessaire et qu’un contact indirect n’a aucune incidence importante sur la façon dont l’invention fonctionne. Elle fait observer que cette interprétation contestée était le seul fondement qui permettait de conclure à l’absence de contrefaçon des revendications 44 à 47.

[37]      Premièrement, je note que la Cour fédérale a également conclu que les revendications 44 à 47 étaient invalides pour cause de portée excessive et d’antériorité. Par conséquent, cette analyse est sans importance, à moins que Seedlings ne réussisse à faire annuler ces deux motifs d’invalidité.

[38]      Quoi qu’il en soit, l’interprétation des revendications faite par la Cour fédérale était fondée sur la preuve d’expert qu’elle a préférée après avoir examiné les thèses des deux parties. Dans son raisonnement, la Cour fédérale a établi une distinction entre l’expression [traduction] « fixé de façon mobile » et « l’expression plus générale » [traduction] « disposé et maintenu dans », qui n’exige pas de contact direct. À mon avis, il n’y avait pas d’erreur dans la conclusion de la Cour fédérale à cet égard. Seedlings renvoie à un scénario hypothétique où un contact direct serait bloqué au moyen d’une feuille de papier placée entre les deux composants qui sinon seraient en contact direct. Cependant, à mon avis, ce scénario hypothétique est ne justifie pas que l’appréciation par la Cour fédérale de la preuve d’expert soit annulée ni que son interprétation soit qualifiée d’erronée.

[39]      Enfin, je ne souscris pas à l’affirmation de Seedlings selon laquelle la Cour fédérale a établi une distinction entre l’expression [traduction] « fixé de façon mobile à » et les expressions [traduction] « fixé de façon mobile dans » et [traduction] « fixé de façon mobile à l’intérieur ». Comme je l’ai indiqué, la Cour fédérale a établi une distinction entre l’expression [traduction] « fixé de façon mobile » et les expressions [traduction] « disposé et maintenu dans » et [traduction] « disposé de façon mobile dans ».

C.   La validité

1)    L’antériorité et l’évidence

[40]      Comme il est indiqué plus haut, la Cour fédérale a conclu que les revendications 44 à 47 et 57 étaient invalides pour cause d’antériorité et que la revendication 58 était invalide pour cause d’évidence. La conclusion d’antériorité relative aux réclamations 44 à 47 est fondée sur le brevet américain no 5295965 (le brevet américain ʹ965) et sur les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art lors de la période en cause. La conclusion d’antériorité relative à la revendication 57 et celle d’évidence relative à la revendication 58 sont fondées sur le brevet américain no 6210369 et sur les connaissances générales courantes.

[41]      Seedlings conteste les conclusions de la Cour fédérale sur l’antériorité et l’évidence, pour deux principaux motifs. Premièrement, Seedlings soutient que la Cour fédérale n’a pas bien compris la théorie de l’obligation d’opter. Cette théorie s’applique dans les situations où, lors d’un procès, une partie défend une thèse qui va à l’encontre de celle qu’elle défendait auparavant, c’est-à-dire lorsqu’une partie cherche à « avoir le beurre et l’argent du beurre » (voir la décision Apotex Inc. c. AstraZeneca Canada Inc., 2012 CF 559, [2012] A.C.F no 621 (QL), aux paragraphes 137 et 138).

[42]      Seedlings fait valoir que Pfizer (ou son prédécesseur) a défendu une thèse lorsqu’elle a déposé et défendu une demande de brevet américain relativement à l’EpiPen NGA qui, à ses dires, présentait un caractère de nouveauté par rapport au brevet américain ′965. Seedlings soutient que Pfizer a ensuite défendu le contraire lorsqu’au procès, elle a fait valoir que le brevet américain ′965 était visé par la revendication 1 du brevet qui découlait de cette demande de brevet américain (et donc qu’il y avait antériorité à l’égard de cette revendication 1).

[43]      Je suis d’accord avec la Cour fédérale et Pfizer pour dire que la théorie de l’obligation d’opter ne s’applique pas en l’espèce. Je ne suis pas d’avis que Pfizer a fait valoir au procès que le brevet américain ʹ965 était visé par la revendication 1 de son brevet américain. L’élément de preuve sur lequel se fonde Seedlings provient du contre-interrogatoire qu’elle a mené auprès de l’un des témoins des faits de Pfizer. Seedlings n’invoque aucun élément de preuve montrant que Pfizer a adopté le point de vue exprimé par le témoin. En outre, je ne vois aucune raison de ne pas être d’accord avec la Cour fédérale lorsqu’elle a conclu que le scénario hypothétique présenté par l’expert de Pfizer, Neil Sheehan, qui concernait un manchon extérieur supplémentaire sur le dispositif décrit dans le brevet américain ʹ965, ne suffit pas à établir qu’il y a eu défense d’une thèse contraire.

[44]      Le deuxième motif invoqué par Seedlings à l’encontre des conclusions sur l’antériorité et l’évidence est que la Cour fédérale a commis une erreur en procédant à une interprétation alambiquée du brevet américain ʹ965 pour conclure qu’il décrit les trois positions du protecteur d’aiguille qui sont définies dans les revendications 44 à 47 du brevet ′935. Seedlings affirme que le brevet américain ʹ965 décrit uniquement deux positions du protecteur d’aiguille et que la conclusion de la Cour fédérale comportait des erreurs manifestes et dominantes. Seedlings soutient que le passage tiré de la colonne 10 du brevet américain ʹ965 cité par la Cour fédérale ne pouvait pas étayer le scénario hypothétique mentionné dans le paragraphe précédent, que la Cour fédérale a retenu pour tirer sa conclusion.

[45]      Seedlings a présenté des observations semblables à la Cour fédérale, que cette dernière a examinées et rejetées avec motifs à l’appui. Elle a pris note des points de vue divergents des parties quant au sens du passage cité de la colonne 10 et elle a conclu que l’interprétation de Seedlings était trop étroite et que le protecteur d’aiguille sur un dispositif modifié de la façon prévue dans le passage aurait trois positions. Je suis d’avis qu’il était loisible à la Cour fédérale de tirer cette conclusion. Seedlings ne m’a pas convaincu que cette conclusion comporte une erreur manifeste et dominante.

2)    La portée excessive et l’insuffisance

[46]      Comme il est indiqué plus haut, la Cour fédérale a conclu que toutes les revendications en litige étaient invalides pour cause de portée excessive (la revendication a une portée plus large que l’invention créée ou l’invention décrite dans la divulgation). Par ailleurs, la Cour fédérale a rejeté les allégations d’insuffisance de Pfizer (le mémoire descriptif du brevet ne décrit pas l’invention revendiquée avec suffisamment de détails pour permettre à la personne versée dans l’art de la mettre en pratique sans faire preuve d’ingéniosité ou sans expérimentation déraisonnable). Comme il en a été question dans la section précédente, certaines des revendications en litige ont également été jugées invalides pour cause d’antériorité ou d’évidence et ces conclusions ont résisté à l’examen. Cependant, ces conclusions ne s’appliquaient pas aux revendications 40, 59, 60 et 62. Ces revendications ont été jugées invalides uniquement au motif de leur portée excessive et sont donc pertinentes à cet égard.

[47]      Seedlings fait valoir deux motifs à l’encontre de la conclusion de portée excessive tirée par la Cour fédérale. Premièrement, elle soutient que la portée excessive ne constitue pas un motif valable d’invalidité. Deuxièmement, elle affirme que, même si la portée excessive constituait un motif valable d’invalidité, la Cour fédérale aurait commis une erreur en l’examinant en l’espèce.

[48]      Pfizer s’oppose à la thèse de Seedlings. Elle soutient aussi que, indépendamment de la conclusion de notre Cour sur la question de la portée excessive, les revendications en litige auraient dû avoir été jugées invalides pour cause d’insuffisance.

a)    La portée excessive constitue-t-elle un motif valable d’invalidité?

[49]      Seedlings soutient qu’il n’existe aucun fondement juridique établissant que la portée excessive est un motif d’invalidité. Elle fait observer que les exigences auxquelles il faut satisfaire pour établir la validité d’un brevet sont énoncées dans la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4, et que rien dans cette loi ne se rapporte à la portée excessive. Seedlings note également qu’il n’existe qu’une seule autre affaire dans laquelle la revendication d’un brevet canadien a été jugée invalide au seul motif de la portée excessive : Amfac Foods Inc. c. Irving Pulp & Paper Ltd., [1986] A.C.F. no 659 (QL) (C.A.F.) (Amfac). Elle soutient que l’arrêt Amfac est erroné. Elle soutient également qu’en l’espèce, la conclusion de portée excessive tirée par la Cour fédérale constitue une réapparition injustifiée de la doctrine de la promesse que la Cour suprême du Canada a rejetée dans l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Apotex Inc., 2017 CSC 36, [2017] 1 R.C.S. 943 (AstraZeneca). Selon la doctrine de la promesse, un brevet était invalide pour absence d’utilité lorsque le mémoire descriptif promettait plus qu’il ne pouvait offrir. La Cour suprême l’a rejetée au motif que cette interprétation de l’exigence d’utilité n’était pas compatible avec la Loi sur les brevets.

[50]      À mon avis, la portée excessive demeure un motif valable d’invalidité. Je me suis récemment prononcé sur la question de la portée excessive, bien que ce fût dans une affaire où l’existence de la portée excessive comme motif d’invalidité n’était pas remise en question : Western Oilfield Equipment Rentals Ltd. c. M-I L.L.C., 2021 CAF 24, [2021] 2 R.C.F. 582, 2021 CarswellNat 7303 (Western Oilfield). Bien que j’aie examiné les observations de Seedlings, l’opinion que j’ai exprimée aux paragraphes 128 à 130 des motifs du jugement n’a pas changé :

Il existe deux cas où la revendication d’un brevet peut être jugée non valide pour cause de portée excessive (ou de revendication excessive) : sa portée peut être plus large que l’invention divulguée dans le mémoire descriptif ou sa portée peut être plus étendue que l’invention créée par l’inventeur : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Santé), 2007 CAF 209, au paragraphe 115.

La notion de non-validité d’une revendication pour cause de portée excessive (ou de revendication excessive) découle de la combinaison des exigences selon lesquelles le mémoire descriptif d’un brevet (i) doit décrire d’une façon exacte et complète l’invention (voir le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets) et (ii) doit comprendre des « revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif » (voir le paragraphe 27(4)). On pourrait aussi considérer qu’une revendication excessive est une conséquence naturelle de la théorie d’un marché en droit des brevets décrite dans l’arrêt Free World Trust [c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024], au paragraphe 13 : « [e]n contrepartie de la divulgation de l’invention, l’inventeur obtient, pour un certain laps de temps, le droit exclusif de l’exploiter ». Si une revendication réclame plus que ce qu’elle décrit ou plus que ce que l’inventeur a créé, elle accorde au breveté plus de droits que ce que le marché lui confère. Une telle revendication contrevient au marché et est donc non valide.

La portée excessive chevauche souvent d’autres motifs de non-validité. Par exemple, une revendication qui est non valide pour cause d’antériorité, du fait qu’elle comprend des réalisations qui sont décrites dans les antériorités, pourrait aussi être jugée excessive du fait qu’elle réclame plus que ce que l’inventeur a véritablement inventé. En outre, la portée excessive pourrait être considérée comme l’opposé de l’insuffisance. Si la portée d’une revendication est plus étendue que la description, elle pourrait être non valide pour cause de portée excessive, mais elle pourrait aussi être non valide parce que la description quant à sa mise en pratique n’est pas adéquate. Malgré ce chevauchement possible, la portée excessive est un motif d’invalidité distinct qui doit être examiné séparément.

[51]      Ces paragraphes répondent aux observations de Seedlings concernant le fondement juridique de la portée excessive. Le dernier paragraphe porte également sur une autre observation de Seedlings, celle selon laquelle la portée excessive serait un motif d’invalidité redondant. Je demeure convaincu que la portée excessive est un motif d’invalidité possible par l’effet conjugué des paragraphes 27(3) et 27(4) de la Loi sur les brevets. L’invention doit être décrite de façon complète et les revendications doivent définir les éléments de l’invention dont l’inventeur revendique la propriété exclusive. Il s’ensuit que la portée des revendications ne peut pas outrepasser celle de la divulgation.

[52]      Je reconnais que le chevauchement avec d’autres motifs d’invalidité complique la tâche de définir les circonstances dans lesquelles les revendications d’un brevet seraient invalides pour cause de portée excessive sans l’être pour d’autres motifs. À cet égard, il pourrait être utile d’examiner l’arrêt Amfac. Dans cet arrêt, notre Cour a confirmé une décision de première instance où il avait été conclu que les revendications d’un brevet concernant un dispositif servant à couper des pommes de terre en vue de produire des frites étaient invalides pour cause de portée excessive, car elles omettaient une caractéristique du dispositif qui était essentielle au fonctionnement de l’invention décrite. La difficulté dans l’arrêt Amfac et dans la présente affaire est que, pour établir qu’une caractéristique est essentielle, il faut renvoyer à la divulgation, et non aux revendications. Il s’agit d’une difficulté, car ce sont les revendications qui définissent la portée du monopole que revendique l’inventeur et ce sont elles qui sont généralement examinées pour établir les caractéristiques essentielles de l’invention aux fins d’interprétation des revendications : Free World Trust c. Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024 (Free World Trust), au paragraphe 31. Le recours à la divulgation pour interpréter les revendications n’est approprié que dans certaines situations : Mylan Pharmaceuticals ULC c. Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 119, [2017] 2 R.C.F. 280, au paragraphe 39. En conséquence, on pourrait raisonnablement se demander comment une caractéristique peut être jugée essentielle si elle ne figure pas dans la revendication.

[53]      Généralement, l’objet de la divulgation est de décrire la réalisation, le procédé, la machine, la fabrication ou la composition de matières (l’invention) faits par l’inventeur et l’objet des revendications est de définir quelle partie de la divulgation est inventive. Lorsqu’un inventeur rédige et dépose une demande de brevet, il décrit la manière de réaliser et d’utiliser son invention, mais il ne connaît pas nécessairement la portée de son invention, car il ne connaît pas forcément toutes les réalisations antérieures. Il n’est pas rare que l’objet principal des revendications évolue au cours de l’instruction de la demande de brevet, à mesure que les réalisations antérieures sont mises au jour. En outre, les demandes de brevet décrivent souvent plus d’une invention. Au cours de l’instruction de la demande de brevet, ces demandes sont fréquemment divisées, la demande initiale se limitant aux revendications se rapportant à une seule invention et une nouvelle demande divisionnaire, contenant uniquement des revendications se rapportant à une autre invention, étant déposée. Dans ces deux situations, on peut s’attendre à ce que les revendications d’un brevet découlant de la demande en question omettent certains éléments qui pourraient avoir été jugés importants pour l’invention au moment de la publication de la demande (la date de publication étant la date pertinente aux fins d’interprétation du brevet : Free World Trust, aux paragraphes 52 à 54). De toute évidence, la portée excessive ne devrait pas servir à invalider des revendications dans ces circonstances.

[54]      Il est évident que l’exercice de déterminer si une caractéristique d’une invention est essentielle n’est pas le même lorsqu’il s’agit de juger de la portée excessive et lorsqu’il s’agit d’interpréter les revendications. En ce qui concerne la portée excessive, il n’est pas important de savoir si le fait d’omettre ou de modifier la caractéristique contourne la revendication (comme c’est le cas pour l’interprétation des revendications), mais plutôt de savoir si cette caractéristique est si essentielle à l’invention décrite dans la divulgation qu’une revendication qui l’omettrait viserait des réalisations qui n’étaient pas envisagées dans la divulgation. Il existe dans la jurisprudence peu d’analyses utiles sur la façon dont le caractère essentiel d’une caractéristique devrait être évalué lorsqu’il s’agit de juger de la portée excessive. Cependant, le fait qu’il y ait incertitude quant à la façon d’appliquer la portée excessive n’est pas un motif suffisant pour annuler un principe du droit des brevets qui est largement reconnu depuis de nombreuses décennies : voir l’arrêt Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning v. Commissioner of Patents, [1966] R.C. de l’É. 91, à la page 106, (1965), 50 C.P.R. 220, à la page 222, conf. par [1966] R.C.S. 604; Harold G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd. (Toronto : Carswell, 1969), aux pages 199 à 201. Je ne suis pas disposé à reconnaître qu’un élément qui est décrit dans la divulgation d’un brevet, mais qui n’est pas revendiqué, ne pourrait jamais être considéré comme étant un élément essentiel qui est au cœur de l’invention.

[55]      Je clos cette section en faisant observer que la Cour suprême elle-même, dans l’arrêt AstraZeneca, au paragraphe 46, a récemment indiqué qu’« [u]ne revendication excessive peut être déclarée invalide ».

b)    La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en concluant que les revendications en litige sont invalides pour cause de portée excessive?

[56]      La Cour fédérale a conclu à la portée excessive sur le fondement de trois éléments qui sont décrits dans la divulgation du brevet ′935, mais qui ne figurent pas dans les revendications en litige : (i) le porte-seringue, (ii) la seringue inversée plate (ou le sac à soufflet pouvant se comprimer, qui est décrit dans une autre réalisation) et (iii) le mécanisme de verrouillage partagé (les éléments omis). Voir ma description au paragraphe 8 ci-dessus. La Cour fédérale a conclu que ces éléments omis étaient essentiels à l’invention et que leur absence des revendications en litige rendait ces dernières invalides pour cause de portée excessive.

[57]      La Cour fédérale a invoqué trois raisons pour conclure que les éléments omis étaient essentiels :

A.    Ils sont illustrés dans toutes les réalisations que divulgue le brevet ′935 et celui-ci n’enseigne pas comment fabriquer l’invention sans ces éléments.

B.    Ces éléments interagissent et se situent au cœur du mécanisme du dispositif. Ce dernier fonctionnerait de manière différente si ces éléments étaient remplacés et leur remplacement outrepasserait les capacités de la personne versée dans l’art (en d’autres termes, les remplacer nécessiterait une ingéniosité inventive).

C.   Ces éléments et leur organisation sont tout à fait originaux.

[58]      À mon avis, les première et troisième raisons invoquées par la Cour fédérale, à elles seules, ne suffiraient pas. De fait, la première raison limite la portée de revendications valides aux réalisations décrites dans la divulgation, les revendications qui vont au-delà des réalisations décrites étant d’une portée excessive. C’est faux. L’objet de la divulgation d’un brevet est de satisfaire à l’exigence prévue au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, qui est de « décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur ». En général, et c’est le cas en l’espèce, les brevets décrivent les réalisations préférentielles (ou exemplaires), mais ils ne tentent pas de décrire toutes les réalisations possibles de l’invention.

[59]      La troisième raison donnée par la Cour fédérale pour étayer sa conclusion de portée excessive pose problème, car elle indique qu’un brevet ne peut pas décrire une invention sans la revendiquer — que toute invention originale doit être revendiquée. De toute évidence, cette affirmation est inexacte, comme le démontre la pratique bien connue consistant à déposer des demandes divisionnaires lorsqu’une demande de brevet décrit plus d’une invention (voir le paragraphe 53 ci-dessus). Il serait judicieux pour l’inventeur de revendiquer toute invention qui est décrite dans la divulgation du brevet, mais il n’est pas tenu de le faire. De même, le simple fait que certains éléments ou leur organisation soient originaux ne signifie pas qu’ils doivent nécessairement être revendiqués.

[60]      La deuxième raison invoquée par la Cour fédérale représente mieux le principe qui sous-tend la portée excessive : la revendication a une portée excessive si elle omet un ou plusieurs éléments qui, d’après la description, sont essentiels à la réalisation, au procédé, à la machine, à la fabrication ou à la composition de matières dont l’auteur est l’inventeur. On peut soutenir que la difficulté de remplacer les éléments omis est une considération utile pour savoir s’ils doivent être considérés comme étant essentiels, bien que je ne sois pas certain qu’il soit nécessaire de se demander si une invention ainsi modifiée fonctionnerait d’une manière différente. Les différences dans la façon dont une invention fonctionne peuvent servir à établir quels sont les éléments essentiels pour l’interprétation des revendications (Free World Trust, au paragraphe 55). Cependant, déterminer qu’un élément est essentiel à une invention, de sorte qu’il se trouve au cœur de l’invention décrite, est un autre exercice (voir le paragraphe 54 ci-dessus). La difficulté dans le présent appel consiste à déterminer quels sont les éléments qui sont au cœur de l’invention et dont l’absence dans les revendications entraîne l’invalidité de celles-ci pour cause de portée excessive.

[61]      La question est de savoir si les faits étayent la conclusion de la Cour fédérale, ce qui constitue une question mixte de fait et de droit. Par conséquent, et comme cela a été indiqué plus haut, notre Cour ne modifiera pas la conclusion de la Cour fédérale sur la portée excessive à moins qu’il y ait erreur manifeste et dominante.

[62]      Donc, les éléments omis se trouvent-ils au cœur de l’invention décrite dans le brevet ′935? J’ai mentionné, au paragraphe 7 ci-dessus, que le brevet ′935 décrit deux défauts des réalisations antérieures : le fait que les dispositifs des réalisations antérieures étaient volumineux et que l’aiguille demeurait exposée après l’utilisation. Les solutions proposées pour corriger ces défauts constituent de bons indicateurs de ce que l’inventeur considérait comme se trouvant au cœur de l’invention. On remédie au premier défaut par l’utilisation d’un boîtier plat. En l’espèce, la forme aplatie de l’objet n’est pas réellement en litige, bien que j’observe que, parmi les revendications revêtant un intérêt particulier pour ce qui est de la portée excessive (les revendications 40, 59, 60 et 62), cette forme ne figure que dans la revendication 40. C’est au deuxième défaut que les éléments omis sont censés remédier.

[63]      À lui seul, le fait que les éléments omis soient décrits dans toutes les réalisations du brevet ′935 ne suffit pas pour qu’on exige qu’ils soient inclus dans les revendications en litige. Cependant, la Cour fédérale a tiré deux autres conclusions importantes, soit que le brevet ′935 n’enseigne pas comment fabriquer l’invention sans les éléments omis (motifs de la C.F., au paragraphe 176) et qu’une personne versée dans l’art dépourvue d’esprit inventif ne saurait pas comment la fabriquer (motifs de la C.F., au paragraphe 177).

[64]      Il semble que ces conclusions mènent plus facilement à une conclusion d’insuffisance qu’à une conclusion de portée excessive (la question de l’insuffisance est examinée dans la section suivante). Cependant, le fait que les revendications puissent être jugées invalides pour cause d’insuffisance n’empêche pas qu’elles le soient aussi pour portée excessive.

[65]      Au bout du compte, je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante dans son application du droit aux faits à l’égard de la portée excessive. Bien que la Cour fédérale ait commis des erreurs en ce qui concerne certains aspects du droit applicable à la portée excessive et qu’elle ait pris en considération certains facteurs non pertinents, elle a aussi tenu compte des bons principes juridiques. De plus, je ne relève aucune mauvaise compréhension des éléments de preuve ni aucune omission de tenir compte de ceux-ci. Par conséquent, je n’infirmerais pas la conclusion de la Cour fédérale sur la portée excessive.

c)    L’insuffisance

[66]      Comme cela a été indiqué plus haut, la Cour fédérale a rejeté les allégations d’insuffisance de Pfizer. La Cour fédérale a conclu que le fait que l’expert de Pfizer ait reconnu qu’une personne versée dans l’art pouvait fabriquer les réalisations préférentielles en se basant sur la divulgation ne suffisait pas pour qu’il soit satisfait à l’exigence de suffisance. À cet égard, la Cour fédérale a commis une erreur.

[67]      Seedlings affirme que, puisque Pfizer n’a pas déposé d’avis d’appel incident, elle n’a pas le droit de contester la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les revendications en litige ne sont pas invalides pour cause d’insuffisance. Je ne suis pas de cet avis. Pfizer a obtenu entièrement gain de cause dans la décision frappée d’appel et, par conséquent, elle ne demande aucune modification de la décision de la Cour fédérale qui pourrait être examinée dans un appel incident. Cependant, dans le présent appel, rien n’empêche Pfizer d’affirmer que les revendications en litige auraient dû être jugées invalides non seulement pour les motifs d’invalidité que la Cour fédérale a jugés applicables, mais aussi pour d’autres motifs.

[68]      En ce qui concerne le motif pour lequel la Cour fédérale a rejeté l’allégation d’insuffisance, le fait que la divulgation enseigne comment fabriquer la réalisation préférentielle ne suffit pas. La divulgation doit enseigner à la personne versée dans l’art comment mettre en pratique toutes les réalisations de l’invention, et ce sans devoir procéder à une expérimentation excessive ni faire preuve d’ingéniosité inventive. Dans l’arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504, à la page 520, 1981 CanLII 15, la Cour suprême du Canada a fait observer ce qui suit :

Le paragraphe 36(1) [maintenant le paragraphe 27(3)] cherche à répondre aux questions suivantes : « En quoi consiste votre invention? Comment fonctionnetelle? Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited [[1947] R.C. de l’É. 306, à la page 316, inf. par [1950] R.C.S. 36, conf. par (1952), 15 C.P.R. 133, 12 Fox Pat. C. 123 (P.C.)] :

[traduction] … une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande.

[69]      Ce même passage a été cité une fois encore par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625, au paragraphe 50.

[70]      Il pourrait être utile d’étudier la théorie du « marché » en droit des brevets, qui est mentionnée au paragraphe 50 ci-dessus dans la citation tirée de l’arrêt Western Oilfield. Aux termes de l’arrêt Free World Trust, au paragraphe 13, il s’agit de la théorie selon laquelle « [e]n contrepartie de la divulgation de l’invention, l’inventeur obtient, pour un certain laps de temps, le droit exclusif de l’exploiter ». Si l’inventeur pouvait, de façon valide, limiter la divulgation de l’invention à un ou deux aspects particuliers tout en revendiquant d’autres aspects de l’invention qui ne sont pas décrits et qu’une personne versée dans l’art ne pourrait pas fabriquer, l’inventeur obtiendrait alors des droits exclusifs sur des aspects de l’invention qui ne sont pas enseignés au public. Cela donnerait à l’inventeur plus que ce que le « marché » permet, en ce sens qu’après l’expiration du brevet, le public ne pourrait pas « utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande ».

[71]      En l’espèce, les revendications en litige de Seedlings visent des dispositifs qui ne comprennent pas les éléments omis. Par conséquent, ces revendications sont de portée plus vaste que les réalisations décrites dans la divulgation. Le paragraphe 27(3) exige que, pour que des revendications de cette portée soient valides, la divulgation enseigne à la personne versée dans l’art comment fabriquer ces dispositifs. Vu la conclusion de la Cour fédérale, au paragraphe 177 de ses motifs, selon laquelle la personne versée dans l’art ne saurait pas comment fabriquer un dispositif sans les éléments omis, il s’ensuit que le brevet ′935 ne satisfait pas à cette exigence.

[72]      À mon avis, la Cour fédérale aurait dû conclure que les revendications en litige sont invalides pour cause d’insuffisance.

d)    Conclusion sur la portée excessive et l’insuffisance

[73]      Pour les motifs qui précèdent, je confirmerais la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle les revendications en litige sont invalides pour cause de portée excessive. Indépendamment de cet avis, je conclurais également que les revendications en litige sont invalides pour cause d’insuffisance.

D.   La contrefaçon

[74]      Compte tenu de mes conclusions sur l’invalidité des revendications en litige, il n’est pas nécessaire de trancher la question de la contrefaçon. Il ne peut y avoir contrefaçon d’une revendication invalide.

E.    Les mesures de réparation

[75]      Étant donné mes conclusions sur l’invalidité des revendications en litige, il n’est pas non plus nécessaire d’examiner la question des mesures de réparation. Cependant, je souhaite profiter de l’occasion pour formuler quelques observations concernant l’examen fait par la Cour fédérale de l’option de la remise des profits à titre de mesure de réparation pour la contrefaçon de brevet.

[76]      Bien que le breveté ait droit à des dommages-intérêts lorsqu’il y a contrefaçon de brevet, il peut se voir accorder à la place le droit de choisir la remise des profits que le contrefacteur a réalisés. Ce droit de choisir relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal de première instance.

[77]      En l’espèce, la Cour fédérale a conclu que, bien qu’il y ait eu contrefaçon, la remise des profits aurait été inappropriée. L’un des motifs exposés par la Cour fédérale à l’appui de cette conclusion était que Seedlings ne réalisait pas l’invention et qu’elle n’avait jamais eu l’intention de le faire. Elle prévoyait plutôt concéder à une autre entité une licence sur son invention. Au paragraphe 252 de ses motifs, la Cour fédérale a renvoyé à plusieurs décisions, rendues au fil de plusieurs décennies, étayant l’observation selon laquelle, « si le breveté a réalisé ses bénéfices en vendant des licences, il ne devrait pas avoir droit à une indemnité allant audelà d’une redevance raisonnable ». En réponse à l’affirmation selon laquelle le fait de refuser à Seedlings le droit de choisir la remise des profits ne tiendrait pas compte de l’objectif de dissuasion de cette mesure, la Cour fédérale a noté l’absence de jurisprudence dans laquelle cette observation l’emportait sur le fait que le breveté ne réalisait pas l’invention.

[78]      En ce qui concerne les décisions mentionnées au paragraphe 252 des motifs de la Cour fédérale, j’observe que trois d’entre elles concernent des dommages-intérêts, et non la remise des profits, et qu’elles ne sont donc pas utiles dans le présent contexte : Colonial Fastener Co. Ltd. v. Lightning Fastener Co. Ltd., [1937] R.C.S. 36, à la page 45, [1937] 1 D.L.R. 21; Alliedsignal Inc. c. du Pont Canada Inc., [1998] A.C.F. no 190 (QL) (1re inst.), aux paragraphes 21 et 22, conf. par [1999] A.C.F. no 38 (QL) (C.A.); et JAY-LOR International Inc. c. Penta Farm Systems Ltd., 2007 CF 358, [2007] A.C.F. no 688 (QL), [2007] 4 R.C.F. F-1, au paragraphe 119. Les autres affaires portent sur le fait que le breveté ne réalisait pas l’invention, et pas nécessairement sur la question de savoir s’il réalisait des profits par la vente de licences. À mon avis, aucune des décisions mentionnées n’apportait de fondement ferme au principe général selon lequel le breveté qui réalise des profits (ou a l’intention de le faire) en vendant des licences sur son brevet ne devrait pas avoir le droit de choisir la remise des profits.

[79]      Particulièrement, j’ai des réserves quant à l’effet possible de ce principe défini largement sur les inventeurs qui reconnaissent que leur point fort réside dans l’invention et qu’il est préférable pour eux de confier la production et la commercialisation de leurs inventions à d’autres spécialistes. Ces inventeurs, pour des raisons d’efficacité commerciale, chercheront à accorder des licences à des tiers pour que ceux-ci commercialisent leurs inventions. Le principe largement défini ainsi obligerait ces inventeurs à choisir entre l’efficacité commerciale et un recours potentiel en cas de violation de leurs droits découlant du brevet. La valeur d’un brevet diminuerait donc pour les inventeurs spécialistes. Je ne vois aucune raison de les obliger à faire ce choix. À mon avis, l’efficacité commerciale devrait être encouragée.

[80]      Au paragraphe 253 de ses motifs, la Cour fédérale a indiqué qu’« il est difficile de dire que Seedlings avait droit à des bénéfices qu’elle n’aurait jamais réalisés, quel que soit le scénario ». La Cour fédérale a ensuite fait part de ses réticences dues au fait que la remise des profits constituerait un gain fortuit considérable pour Seedlings. Cependant, cette ligne de pensée ne tient pas compte de l’objectif de la remise des profits et semble plus utile à la question des dommages-intérêts compensatoires. La remise des profits ne vise pas à indemniser le breveté pour les pertes subies. Elle vise plutôt à priver le contrefacteur du fruit de ses activités répréhensibles : Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemicals Company, 2020 CAF 141, [2021] 1 R.C.F. 551, [2020] A.C.F. no 928 (QL), au paragraphe 20. Cette mesure est censée avoir un effet dissuasif. Par conséquent, les préoccupations relatives à l’indemnisation excessive du breveté ne devraient pas être un facteur déterminant.

[81]      Bien sûr, la décision du breveté d’accorder des licences sur son invention est un facteur que peut prendre en compte la cour qui juge si le breveté a le droit de choisir la remise des profits. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que, si le breveté choisit d’accorder des licences, il s’ensuit nécessairement qu’il n’a pas le droit de choisir la remise des profits.

V.    Conclusion

[82]      Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais le présent appel avec dépens.

La juge Gleason, J.C.A. : Je suis d’accord.

Le juge Laskin, J.C.A. : Je suis d’accord.

ANNEXE A

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