Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

2021 CF 939

T-87-19

Première Nation des Dzawada’enuxw (demanderesse)

c.

Sa Majesté la Reine et Cermaq Canada Ltd. (défenderesses)

et

Mowi Canada West Inc. (intervenante)

T-1076-20

Première Nation des Dzawada’enuxw (demanderesse)

c.

Le procureur général du Canada et Cermaq Canada Ltd. et Mowi Canada West (défendeurs)

Répertorié : Première Nation des Dzawada’enuxw c. Canada

Cour fédérale, juge responsable de la gestion de l’instance Ring—Vancouver, 10 septembre 2021.

Pratique — Actes de procédure — Modifications — Requête visant à obtenir une ordonnance accordant à la demanderesse l’autorisation de déposer une deuxième déclaration modifiée (la déclaration modifiée proposée) conformément au paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales — La déclaration modifiée proposée visait à supprimer toutes les allégations relatives à la violation des droits ancestraux revendiqués de récolter le poisson et de gérer les pêches (les modifications proposées) — Si les modifications sont acceptées, la demanderesse cherchera à obtenir un jugement déclarant l’existence des droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, mais elle ne fera plus valoir la violation de ces droits — La demanderesse a soutenu que les modifications accéléreront le procès — La défenderesse, Sa Majesté la Reine (Canada), a soutenu que la jurisprudence n’envisage pas la possibilité de rendre un jugement déclarant uniquement l’existence d’un droit ancestral au sens de l’art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 — La défenderesse, Cermaq Canada Ltd. (Cermaq), a soutenu que la déclaration modifiée proposée contient un acte de procédure qui n’a aucune possibilité raisonnable d’être acceptée; qu’il il ne servait à rien de rendre un jugement déclarant l’existence de droits ancestraux; et que l’acte de procédure était contraire à l’intérêt de la justice — Il s’agissait de savoir si les modifications contestées avaient une possibilité raisonnable de succès — Les modifications contestées n’avaient pas une possibilité raisonnable de succès — Le critère juridique applicable au prononcé de jugements déclaratoires n’a pas été rempli — Il s’agit de savoir si la modification, si elle faisait déjà partie de l’acte de procédure proposé, constituerait un moyen susceptible d’être radié — L’arrêt Cheslatta Carrier Nation v. British Columbia (C.A.C.-B.) est une décision à caractère persuasif — En l’espèce, en n’invoquant pas un véritable « litige » qui soit [traduction] « rattaché à des faits précis » en ce qui concerne le droit ancestral de pêcher l’eulakane qu’elle revendique, la demanderesse n’a pas démontré comment ses actes de procédure satisfont à tous les éléments du critère à quatre volets de l’arrêt Ewert c. Canada, lequel a été élaboré pour déterminer quand un tribunal peut prononcer un jugement déclaratoire — À l’instar de l’arrêt Cheslatta, la déclaration modifiée proposée ne contenait aucune allégation selon laquelle les défendeurs auraient violé les droits de pêche ancestraux relatifs à l’eulakane revendiqués par la demanderesse — Il n’y a pas de faits allégués dans les modifications proposées qui confirment l’existence d’un litige réel entre les parties sur cette question — L’absence de « litige réel » à la lecture des actes de procédures était particulièrement problématique du fait que la demanderesse cherche à obtenir un jugement déclaratoire distinct sur son droit ancestral de pêcher l’eulakane — La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que les revendications autochtones doivent être examinées dans un contexte factuel concret — Le simple jugement déclaratoire proposé au sujet de l’eulakane ne permettra pas d’établir la mesure dans laquelle la demanderesse peut pêcher, échanger et gérer l’eulakane — Le jugement déclaratoire proposé ne permettra pas non plus à la demanderesse d’exercer ces droits avec moins de crainte de poursuites ou d’autres ingérences de la part des gouvernements — Les modifications contestées ne permettront pas de simplifier les négociations ni les analyses des obligations de consultation et d’accommodement — Requête rejetée.

Droit constitutionnel — Droits ancestraux et droits issus de traités — La demanderesse, dans sa déclaration modifiée proposée, sollicitait un jugement déclarant l’existence des droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, mais n’allèguait plus que ces droits ont été violés — Les modifications visant à obtenir un simple jugement déclaratoire au sujet des droits ancestraux ont été rejetées puisqu’elles n’avaient aucune possibilité raisonnable de succès — Les faits allégués dans les modifications proposées n’appuyaient pas l’existence d’un litige réel entre les parties sur cette question — La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que les revendications autochtones devaient être examinées dans un contexte factuel concret.

Il s’agissait d’une requête présentée par écrit en vertu de la règle 369 des Règles des Cours fédérales (les Règles) en vue d’obtenir une ordonnance accordant à la demanderesse l’autorisation de déposer une deuxième déclaration modifiée (la déclaration modifiée proposée) dans le formulaire inclus dans le dossier de requête de la demanderesse, conformément au paragraphe 75(1) des Règles.

La demande modifiée proposée visait à supprimer toutes les allégations relatives à la violation des droits ancestraux revendiqués de récolter et d’échanger l’eulakane et de gérer les pêches de l’eulakane (les modifications proposées). Dans ses actes de procédure, la demanderesse cherchait à obtenir, en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, un jugement déclaratoire sur l’existence de certains droits ancestraux relatifs à l’eulakane et à certaines espèces de saumon et sur les atteintes à ces droits. Si les modifications avaient été acceptées, la demanderesse aurait sollicité un jugement déclarant l’existence de droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, mais elle n’aurait plus fait valoir la violation de ces droits. Dans ses observations écrites initiales, la demanderesse soutenait qu’il était dans l’intérêt de la justice que la Cour lui permette de modifier ses actes de procédure comme elle l’avait proposé. Selon la demanderesse, les modifications devaient avoir pour effet d’accélérer le procès en réduisant le nombre d’éléments de preuve et de revendications à prendre en compte et permettre à la Cour de concentrer son temps et son attention sur les questions toujours en litige. La défenderesse, Sa Majesté la Reine (le défendeur Canada), s’est opposée à la requête au motif que la jurisprudence n’envisageait pas la possibilité de rendre un jugement déclarant uniquement l’existence d’un droit ancestral au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La défenderesse, Cermaq Canada Ltd. (la défenderesse Cermaq), a soutenu que 1) la déclaration modifiée proposée, telle qu’elle était rédigée, contient un acte de procédure qui va directement à l’encontre de la jurisprudence d’appel applicable à la procédure relative à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne présente aucune possibilité raisonnable de succès; 2) un simple jugement déclarant l’existence d’un droit ancestral ne permet pas d’évaluer correctement la portée de tout droit ancestral pouvant être établi et ne serait d’aucune utilité; 3) un acte de procédure qui ne sert à rien constitue une utilisation inefficace des ressources judiciaires et est contraire à l’intérêt de la justice.

Il s’agissait de savoir si les modifications contestées avaient une possibilité raisonnable de succès.

Ordonnance : la requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation d’apporter les modifications contestées à sa déclaration doit être rejetée.

Les modifications contestées ne présentaient pas une possibilité raisonnable de succès, car il était clair et évident que le critère juridique applicable au prononcé de jugements déclaratoires n’avait pas été rempli. La règle 75 prévoit que la Cour peut autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties. Toutefois, il existe également une condition préalable obligatoire quant à l’acceptation d’une requête en modification des actes de procédure, à savoir que la modification proposée doit présenter une possibilité raisonnable de succès. Il faut alors se demander si la modification, si elle faisait déjà partie de l’acte de procédure proposé, serait un moyen susceptible d’être radié. Dans l’affirmative, la modification ne devrait pas être autorisée. Bien que l’arrêt Cheslatta Carrier Nation v. British Columbia (C.A.C.-B.) ne lie pas la Cour, il s’agit d’une décision à caractère persuasif. Les modifications proposées dans l’arrêt Cheslatta étaient très similaires, dans leur forme et leur contenu, aux modifications demandées dans la présente requête. Dans les deux affaires, la partie requérante invoque des faits à l’appui d’un droit ancestral prétendu de pêcher [traduction] « protégé » par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, sans invoquer qu’il y aurait eu atteinte, ou menace d’atteinte, au droit de pêcher dans la zone visée par la revendication. En l’espèce, la demanderesse a affirmé qu’elle avait présenté des faits adéquats dans la déclaration modifiée proposée pour soutenir le jugement déclaratoire sollicité. Cependant, en n’invoquant pas un véritable « litige » qui soit [traduction] « rattaché à des faits précis » en ce qui concerne le droit ancestral de pêcher l’eulakane, la demanderesse n’a pas démontré comment sa déclaration modifiée satisfaisait à tous les éléments du critère à quatre volets de l’arrêt Ewert c. Canada, lequel a été élaboré pour déterminer quand un tribunal peut, à son gré, prononcer un jugement déclaratoire. À l’instar de l’arrêt Cheslatta, la déclaration modifiée proposée ne contenait aucune allégation selon laquelle les défendeurs auraient porté atteinte aux droits de pêche ancestraux relatifs à l’eulakane revendiqués par la demanderesse ou menacé ces droits. En d’autres termes, il n’y avait pas de faits allégués dans les modifications proposées qui confirmaient l’existence d’un litige réel entre les parties sur cette question. L’absence de [traduction] « litige réel » à la lecture des actes de procédure était particulièrement problématique du fait que la demanderesse cherchait à obtenir un jugement déclaratoire distinct sur son droit ancestral de pêcher l’eulakane. En l’espèce, la demanderesse sollicitait un jugement déclaratoire sur l’existence de ses droits ancestraux de pêcher l’eulakane dans l’abstrait. Toutefois, les décisions de la Cour suprême du Canada concernant l’article 35, qui lient la Cour, indiquent clairement que les revendications de droits ancestraux doivent être examinées dans un contexte factuel concret. Le simple jugement déclaratoire proposé au sujet de l’eulakane ne permettrait pas d’établir la mesure dans laquelle la demanderesse peut pêcher, échanger et gérer l’eulakane, ou de donner à la demanderesse une certitude quant à ces droits. Il ne permettrait pas non plus à la demanderesse d’exercer ces droits avec moins de crainte de poursuites ou d’autres ingérences de la part des gouvernements provincial et fédéral. Les modifications contestées ne simplifieraient pas les négociations et les analyses des obligations de consultation et d’accommodement en éliminant la nécessité d’évaluer l’importance des droits revendiqués.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.

Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, règles 55, 75, 369.

Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, art. 22(1).

Règlement du Pacifique sur l’aquaculture, DORS/2010-270, art. 3(1), 4.

Preserving Canada’s Economic Prosperity Act, S.A. 2018, ch. P-21.5.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Cheslatta Carrier Nation v. British Columbia, 2000 BCCA 539, confirmant (1999), 38 C.P.C. (4th) 188, 1999 CanLII 5148 (C.S.C.-B.), autorisation d’appel à la C.S.C. refusée, [2001] R.C.S. ix, [2000] A.C.S. no 625 (QL); Canderel Ltée. c. Canada, [1994] 1 C.F. 3, (1993), 1993 CanLII 2990 (C.A.); Ewert c. Canada, 2018 CSC 30, [2018] 2 R.C.S. 165.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Enercorp Sand Solutions Inc. c. Specialized Desanders Inc., 2018 CAF 215; Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1993] A.C.I. no 18 (QL) (C.C.I.), [1993] 1 C.T.C. 2306, (1993), 93 DTC 298; Alberta (Procureur général) Colombie-Britannique (Procureur général), 2021 CAF 84, [2021] 2 R.C.F.426; Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, 1985 CanLII 74; Daniels c Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99; R. c. Nikal, [1996] 1 R.C.S. 1013, 1996 CanLII 245.

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2006 CF 953, [2006] 4 R.C.F. F-57; Teva Canada Limitée c. Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176; R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée., 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45; McCain Foods Limited c. J.R. Simplot Company, 2021 CAF 4; Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459; Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Teva Canada Limitée, 2014 CAF 65; Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 242; Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623; Acadia First Nation v. Canada (Attorney General), 2013 NSSC 284, 334 N.S.R. (2d) 170; Ermineskin Cree Nation v. Canada, 2004 ABQB 5, 351 A.R. 161; R. c. Desautel, 2021 CSC 17; Pieters c. Canada (Procureur général), 2004 CF 27; Bonamy c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 156; Haida Nation v. British Columbia (Attorney General), 2018 BCCA 462, 18 B.C.L.R. (6th) 34.

DOCTRINE CITÉE :

Barber, Katherine, Canadian Oxford Dictionary, Don Mills, Ont. : Oxford University Press, 2004, « person ».

Lefebvre, Denis c.r., « A Government Perspective of the Amendments to the Tax Court of Canada Act » dans Report of the Proceedings of the Fortieth Tax Conference, 1988 Conference Report. Toronto : Fondation canadienne de fiscalité, 1989.

Rapport du Groupe d’étude sur les activités de Revenu Canada, Ottawa : Parti progressiste-conservateur du Canada, 1984.

Robert, Paul, Le petit Robert, Paris : Le Robert, 2018, « personne ».

Requête présentée par écrit en vertu de la règle 369 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir une ordonnance accordant à la demanderesse l’autorisation de déposer une deuxième déclaration modifiée dans le formulaire inclus dans le dossier de requête de la demanderesse, conformément au paragraphe 75(1) des Règles. Requête rejetée.

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jack Woodward, c.r., Ethan Krindle, Dawn Nicolson, Owen Stewart et Morgan Blakley pour la demanderesse.

Jennifer Chow pour la défenderesse Sa Majesté la Reine et l’intimé le procureur général du Canada.

Kevin O’Callaghan et Dani Bryant pour la défenderesse/intimée Cermaq Canada Ltd.

Roy Millen et Rochelle Collette pour l’intervenante/intimée Mowi Canada West Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

E.J. Woodward Law Corporation, Campbell River (Colombie-Britannique) pour la demanderesse.

Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse Sa Majesté la Reine et l’intimé le procureur général du Canada.

Fasken Martineau DuMoulin s.r.l., Vancouver pour la défenderesse/intimée Cermaq Canada Ltd.

Blake, Cassels & Graydon s.r.l., Vancouver, pour l’intervenante/intimée Mowi Canada West Inc.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus par

[1]        La juge Ring, juge responsable de la gestion de l’instance : Il s’agit d’une requête présentée par écrit en vertu de la règle 369 des Règles des Cours fédérales (les Règles) pour obtenir une ordonnance accordant à la demanderesse, la Première Nation des Dzawada’enuxw (la demanderesse) l’autorisation de déposer une deuxième déclaration modifiée (la déclaration modifiée proposée) dans le formulaire inclus dans le dossier de requête de la demanderesse, conformément au paragraphe 75(1) des Règles.

[2]        La demande modifiée proposée vise à supprimer toutes les allégations relatives à la violation des droits ancestraux revendiqués de récolter et d’échanger l’eulakane et de gérer les pêches de l’eulakane (les modifications contestées) de la demanderesse. Celle-ci demande toujours à obtenir des déclarations concernant l’existence de ses droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, mais elle ne fera plus valoir la violation de ces droits si les modifications sont accordées.

[3]        Les défenderesses se sont opposées à la requête de la demanderesse en modification de la déclaration. Comme il est décrit plus en détail ci-dessous, l’un des défendeurs, ou les deux, soutiennent que la déclaration modifiée proposée ne satisfait pas au critère préliminaire de la chance raisonnable de succès, et que les modifications proposées ne sont pas dans l’intérêt de la justice. Ils soutiennent qu’il n’y a pas de chance raisonnable de succès quant aux déclarations demandées à l’égard de l’eulakane, quant à la manière dont la demanderesse propose de les modifier, parce qu’une déclaration d’un droit ancestral sans qu’il y ait atteinte ou menace aux droits de la demanderesse ne révèle pas un véritable litige, ne permet pas d’évaluer correctement la portée du droit et ne servirait à rien.

[4]        La question soulevée par la présente requête a été abordée par les cours de justice dans plusieurs autres provinces, notamment dans l’arrêt de principe de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans Cheslatta Carrier Nation c. British Columbia, 2000 BCCA 539 (Cheslatta), autorisation d’interjeter appel à la C.S.C. refusée, [2001] R.C.S. ix, [2000] A.C.S.C. no 625 (QL). Toutefois, il ressort des observations des parties que c’est la première fois que cette question est présentée à la Cour.

[5]        Après avoir examiné les documents relatifs à la requête déposés au nom des parties, et pour les raisons qui suivent, je conclus que la requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation de déposer la déclaration modifiée proposée dans le formulaire joint à l’avis de requête devrait être rejetée.

A.    Contexte et positions des parties

[6]        Dans ses actes de procédure actuels, la demanderesse demande, en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, un jugement déclaratoire concernant l’existence de certains droits ancestraux à l’égard de l’eulakane et de certaines « espèces de saumon » et concernant les atteintes à ces droits.

[7]        Plus précisément, les actes de procédure actuels de la demanderesse visent à obtenir le jugement déclaratoire suivant concernant l’existence de droits ancestraux à l’égard de l’eulakane et de certaines espèces de saumon :

a)    en ce qui concerne l’eulakane, la demanderesse demande des déclarations concernant (i) un droit ancestral de pêcher l’eulakane à des fins alimentaires, sociales et rituelles (ASR) dans la « zone visée par les droits » revendiquée; (ii) un droit ancestral d’échanger l’eulakane contre d’autres biens sur une base limitée et de pêcher l’eulakane à cette fin dans la zone visée par les droits; et (iii) un droit ancestral de gérer la pêche à l’eulakane dans la zone visée par les droits;

b)    en ce qui concerne les espèces de saumon, la demanderesse sollicite des déclarations lui reconnaissant (i) un droit ancestral de pêcher les espèces de saumon à des fins alimentaires, sociales et rituelles dans la zone visée par les droits ancestraux; (ii) un droit ancestral d’échanger les espèces de saumon contre de l’argent ou d’autres biens sur une base limitée et de pêcher des espèces de saumon à cette fin dans la zone visée par les droits ancestraux; et (iii) un droit ancestral de gérer les pêches de l’espèce de saumon dans la zone visée par les droits ancestraux.

[8]        Les actes de procédure actuels de la demanderesse visent également à obtenir les déclarations suivantes concernant la violation des droits ancestraux susmentionnés :

a)    les dix permis aquaculture des poissons détaillés portent atteinte aux droits ancestraux de la demanderesse en ce qui concerne l’eulakane;

b)    les dix permis aquaculture des poissons détaillés portent atteinte aux droits ancestraux de la demanderesse en ce qui concerne les espèces de saumon;

c)    le paragraphe 22(1) du Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, et le paragraphe 3(1) et l’article 4 du Règlement du Pacifique sur l’aquaculture, DORS/2010-270, dans la mesure où ils autorisent la délivrance des permis de pisciculture, portent atteinte à ses droits ancestraux revendiqués à l’égard de l’eulakane et des espèces de saumon.

[9]        Comme il a déjà été mentionné, les modifications contestées visent à supprimer toutes les allégations relatives à la violation des droits ancestraux de la demanderesse à l’égard de l’eulakane. Si les modifications sont accordées, la demanderesse sollicitera des déclarations concernant l’existence de droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, mais elle ne fera plus valoir la violation de ces droits. La déclaration modifiée proposée vise également à joindre à nouveau la carte de la région faisant l’objet d’une revendication qui a été omise par inadvertance des actes de procédure actuels de la demanderesse. Celle-ci ne propose aucune modification à ses actes de procédure concernant les espèces de saumon.

[10]      Dans ses observations écrites initiales, la demanderesse soutient qu’il est dans l’intérêt de la justice que la Cour lui permette de modifier ses actes de procédure comme il est proposé. La demanderesse déclare qu’elle a déposé la présente requête en temps opportun, car les interrogatoires préalables n’ont pas encore eu lieu et aucun rapport d’expert n’a été produit. Selon la demanderesse, les modifications accéléreront le procès en réduisant le nombre d’éléments de preuve et de revendications qui doivent être examinés et permettront à la Cour de concentrer son temps et son attention sur les questions restantes.

[11]      La défenderesse, Sa Majesté la Reine (le défendeur Canada), s’oppose à la requête au motif que la jurisprudence n’envisage pas de simples déclarations portant uniquement sur l’existence d’un droit ancestral au sens de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, comme le propose la demanderesse dans sa déclaration modifiée proposée. Le défendeur Canada soutient également que la simple déclaration proposée d’un droit ancestral à l’égard de l’eulakane ne sert à rien et ne résoudrait aucun litige réel ou potentiel.

[12]      La défenderesse, Cermaq Canada Ltd. (la défenderesse Cermaq), soutient que la requête de la demanderesse ne devrait pas être accueillie, et ce, pour trois motifs. Premièrement, la déclaration modifiée, telle qu’elle est rédigée, contient un acte de procédure qui va directement à l’encontre de la jurisprudence en matière d’appel concernant la procédure relative à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et ne comporte aucune possibilité raisonnable de succès. Deuxièmement, une simple déclaration d’un droit ancestral ne permet pas d’évaluer correctement la portée de tout droit ancestral qui pourrait être établi et ne serait d’aucune utilité. Troisièmement, un acte de procédure qui ne sert à rien constitue une utilisation inefficace des ressources judiciaires et est contraire à l’intérêt de la justice.

[13]      Le défendeur Canada sollicite une ordonnance de rejet de la requête de la demanderesse. La défenderesse Cermaq adopte une position quelque peu différente concernant la réparation demandée. Elle demande à la Cour d’autoriser la modification demandée par la demanderesse à condition que cette modification supprime également toutes les déclarations et allégations relatives à l’eulakane ou, subsidiairement, de rejeter la demande de modification de la demanderesse.

[14]      Dans sa réponse, la demanderesse soutient que sa demande de déclaration d’un droit ancestral sans allégation de violation de ce droit a une chance raisonnable de succès pour deux raisons. Premièrement, la question de savoir si les Cours fédérales rendront des jugements déclarant l’existence d’un droit ancestral en l’absence d’allégations de violation n’a pas été réglée. Deuxièmement, les actes de procédure de la demanderesse satisfont aux exigences minimales d’un jugement déclaratoire.

[15]      La défenderesse Cermaq a demandé l’autorisation de déposer une contre-réponse.

B.    Questions en litige

[16]      Alors que les défendeurs s’opposent aux modifications contestées, ils ne semblent pas prendre position sur la modification proposée par la demanderesse pour joindre à nouveau la carte de la zone visée par la revendication qui a été omise par inadvertance de ses actes de procédure actuels (la modification non contestée). Par conséquent, la demande d’insertion de la modification non contestée dans la déclaration modifiée proposée de la demanderesse sera accueillie.

[17]      Les questions restantes à trancher dans la présente requête sont les suivantes :

a)    La défenderesse Cermaq doit-elle être autorisée à déposer une contre-réponse?

b)    Les modifications contestées ont-elles une chance raisonnable de succès?

c)    Les modifications contestées serviraient-elles l’intérêt de la justice?

C.   Question préliminaire — Recevabilité de la contre-réponse de la défenderesse Cermaq

[18]      La défenderesse Cermaq a déposé au greffe de la Cour une lettre datée du 16 août 2021, accompagnée d’un livre composé de documents de la Cour et des décisions précédemment produits, demandant que la lettre et les documents qui l’accompagnent soient acceptés à titre de contre-réponse aux observations écrites de la demanderesse en réponse.

[19]      La Cour a émis une directive en date du 19 août 2021 selon laquelle le greffe de la Cour devrait « recevoir » (et non pas verser) la contre-réponse au dossier de la Cour, et que l’admissibilité de la contre-réponse serait une question relevant du pouvoir discrétionnaire du juge responsable de la gestion de l’instance lorsqu’il statuera sur la présente requête.

[20]      Un examen du dossier de la requête en réponse de la défenderesse Cermaq indique qu’elle s’est inquiétée à ce stade du fait que la demanderesse n’avait pas abordé la question préliminaire d’une requête en modification dans son dossier de requête initiale, et que le fait de permettre à la demanderesse de présenter des arguments sur cette question pour la première fois en réponse équivaudrait à un fractionnement de l’affaire. Si la demanderesse était autorisée à présenter des observations en réponse sur ces questions, la défenderesse Cermaq demandait l’autorisation de déposer une contre-réponse.

[21]      Dans ses observations écrites en réponse, la demanderesse s’oppose à la demande de la défenderesse Cermaq de déposer une contre-réponse. La demanderesse soutient que son argument principal dans la présente requête était de justifier les modifications contestées conformément au critère pour apporter de telles modifications, et qu’elle l’a fait dans son dossier de requête initiale. Selon la demanderesse, la défenderesse Cermaq a ensuite invoqué un moyen de défense à l’égard duquel elle a un droit de réponse. La demanderesse soutient que la défenderesse Cermaq était tenue d’énoncer pleinement les moyens sur lesquels elle appuie sa défense dans son dossier de requête en réponse, et que la demande de contre-réponse de Cermaq équivaudrait à une réponse inappropriée.

[22]      Le paragraphe 369(3) des Règles prévoit que le requérant dans une requête écrite peut déposer des prétentions écrites en réponse au dossier de réponse. Ce paragraphe des Règles n’autorise pas le dépôt d’une contre-réponse. Une partie doit demander à la Cour, conformément à la règle 55, l’autorisation de déposer une contre-réponse dans une requête écrite présentée en vertu de la règle 369.

[23]      Bien que notre Cour ait énoncé les facteurs à prendre en considération pour accorder l’autorisation de produire une contre-preuve (voir, par exemple, Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2006 CF 953, [2006] 4 R.C.F. F-57), il existe peu de jurisprudence concernant les demandes d’autorisation de déposer une contre-réponse. À mon avis, le dépôt d’une contre-réponse ne devrait être autorisé que dans des circonstances particulières où les considérations d’équité procédurale et la nécessité de prendre une décision appropriée l’exigent. La Cour devrait se demander s’il existe la nécessité avérée de répondre à une nouvelle question qui a été soulevée pour la première fois en réponse, si la contre-réponse aide la Cour et si l’autorisation de déposer la contre-réponse ne cause pas un préjudice important ou grave à la partie adverse.

[24]      Vu les éléments qui ont été portés à ma connaissance, et compte tenu des considérations exposées ci-dessus, je suis convaincue qu’il existe des circonstances spéciales justifiant une dérogation à la règle générale interdisant le dépôt d’une contre-réponse. Je rejette l’argument de la demanderesse selon lequel elle a pleinement abordé la question du critère relatif à la modification des actes de procédure, et les raisons pour lesquelles elle a satisfait à ce critère, dans ses observations écrites initiales. Le dossier de la requête de la demanderesse indique que le critère applicable est celui de savoir s’il est dans l’intérêt de la justice d’autoriser les modifications, et les observations de la demanderesse se concentrent sur la manière dont elle a satisfait aux facteurs pertinents à prendre en compte dans l’application de ce critère.

[25]      Les observations écrites initiales de trois pages de la demanderesse ne disent rien sur la « question préjudicielle » qui fait partie intégrante du critère régissant les modifications aux actes de procédure. La demanderesse n’avance aucun argument sur l’arrêt Cheslatta, ou ne démontre pas autrement comment les modifications contestées ont une chance raisonnable de succès. Cela laisse perplexe compte tenu du fait que la demanderesse a le fardeau d’établir une chance raisonnable de succès, et que les deux défendeurs ont avisé la demanderesse avant la présentation de la requête qu’ils avaient l’intention de s’opposer aux modifications sur la base de l’arrêt Cheslatta et de la jurisprudence connexe.

[26]      En conséquence, les défendeurs se sont retrouvés dans la position d’essayer d’élaborer un argument de réponse sur la « question préjudicielle » sans savoir comment la demanderesse avait l’intention d’aborder cette question. Ce n’est que lorsque la demanderesse a déposé sa réponse de 7 pages que les défendeurs ont eu connaissance de la nature et de la portée des arguments de la demanderesse sur la question préjudicielle, y compris sa position sur l’arrêt Cheslatta. S’il est vrai que les deux défendeurs ont répondu à la requête de la demanderesse en partie en soutenant que les modifications proposées par la demanderesse visant à obtenir une simple déclaration de droits ancestraux à l’égard de l’eulakane seraient dénuées d’utilité, ils l’ont fait sans apprécier pleinement les arguments que voulait invoquer la demanderesse sur cette question. Dans ces circonstances, j’estime que les considérations d’équité procédurale exigent que la défenderesse Cermaq soit autorisée à déposer sa contre-réponse proposée.

[27]      Je suis convaincue, sur la base de mon examen des documents relatifs à la requête, que la demanderesse a soulevé de nouveaux arguments dans sa réponse sur la question préjudicielle et que la défenderesse Cermaq a établi une nécessité avérée de répondre à ces nouveaux arguments. Il ne s’agit pas d’un cas où la partie défenderesse demande l’autorisation d’utiliser une contre-réponse pour ressasser ses arguments précédents. En outre, la demanderesse n’allègue ni ne démontre que l’autorisation de présenter une contre-réponse lui causerait un préjudice important ou grave.

[28]      De plus, il ressort des observations des parties que c’est la première fois qu’il est demandé à la Cour de se prononcer sur la question traitée dans l’arrêt Cheslatta, et il est particulièrement important dans ce contexte que la Cour puisse tirer parti d’une argumentation complète des parties pour prendre une décision appropriée.

[29]      Par conséquent, la demande présentée par la défenderesse Cermaq en vue d’obtenir l’autorisation de déposer une contre-réponse est accueillie.

D.   Principes juridiques régissant la modification des actes de procédure

[30]      La règle 75 des Règles prévoit que la Cour peut autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties. La règle générale est « qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice » : Canderel Ltée. c. Canada, [1994] 1 C.F. 3, à la page 10, 1993 CanLII 2990 (C.A.) (Canderel); Enercorp Sand Solutions Inc. c. Specialized Desanders Inc., 2018 CAF 215, au paragraphe 19.

[31]      Toutefois, il existe également une condition préalable obligatoire quant à l’acceptation d’une requête en modification des actes de procédure, à savoir que la modification proposée doit présenter une possibilité raisonnable de succès : Teva Canada Limited c. Gilead Sciences Inc., 2016 CAF 176 (Teva), aux paragraphes 29 à 32. En d’autres termes, une modification proposée sera refusée s’il est clair et évident, en supposant que les faits allégués sont vrais, que l’acte de procédure ne révèle aucune cause d’action raisonnable : R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée., 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45 (Imperial Tobacco), au paragraphe 17; McCain Foods Limited c. J.R. Simplot Company, 2021 CAF 4 (McCain), au paragraphe 20.

[32]      Pour décider si une modification présente une possibilité raisonnable de succès, il faut examiner ses chances de succès dans le contexte du droit et du processus judiciaire et adopter un point de vue réaliste : McCain, au paragraphe 21; Teva, au paragraphe 30; Imperial Tobacco, au paragraphe 25.

[33]      Pour déterminer s’il convient d’autoriser la modification d’une défense, il est souvent utile que la Cour se demande si la modification, si elle faisait déjà partie de l’acte de procédure proposé, serait un moyen susceptible d’être radié. Dans l’affirmative, la modification ne devrait pas être autorisée : McCain, au paragraphe 22.

[34]      Il incombe à la partie qui sollicite les modifications de démontrer une telle possibilité raisonnable de succès : Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459, au paragraphe 46.

[35]      Une fois qu’il a été établi que la modification proposée présente une possibilité raisonnable de succès, les autres facteurs énoncés dans l’arrêt Canderel doivent être pris en considération. Le critère fondé sur les intérêts de la justice permet à une Cour d’examiner des facteurs tels que le moment auquel est présentée la requête visant la modification, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l’instruction expéditive de l’affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu’il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l’examen par la Cour du véritable fond du différend : Canderel, à la page 8; Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2014 CAF 65, au paragraphe 17; Janssen Inc. c. Abbvie Corporation, 2014 CAF 242, au paragraphe 3.

[36]      Pris isolément, aucun facteur n’est déterminant et la liste des facteurs à prendre en compte n’est pas exhaustive. L’exercice d’équilibre est requis, au cas par cas, pour déterminer s’il faut ou non autoriser la modification demandée par une partie. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale [à l’époque la Cour fédérale, Section d’appel] dans l’arrêt Canderel, à la page 9, citant avec approbation la décision Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1993] A.C.I. no 18 (QL), (1993), 93 D.T.C. 298 (C.C.I.), à la page 302, « [i]l s’agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l’intérêt qu’ont les tribunaux à ce que justice soit faite ».

E.    Les modifications contestées présentent-elles une possibilité raisonnable de succès?

[37]      Les défendeurs soutiennent, en partie, que la demanderesse ne devrait pas être autorisée à modifier ses actes de procédure pour demander une simple déclaration de droits ancestraux de pêcher, d’échanger l’eulakane et de gérer les pêches de cette espèce, sans fonder de telles demandes de déclarations de droits ancestraux sur des allégations de violation de ces droits, car de telles modifications iraient à l’encontre de la jurisprudence existante. Dans leur opposition à la requête, les défendeurs s’appuient largement sur la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Cheslatta. En conséquence, il s’agit d’un point de départ utile pour l’analyse de la question de savoir si les modifications contestées présentent une possibilité raisonnable de succès.

[38]      Dans l’arrêt Cheslatta, la demanderesse a tenté d’obtenir une déclaration selon laquelle la Nation des Carrier de Cheslatta avait un droit ancestral de pêcher dans le lac Cheslatta. La demanderesse n’a pas invoqué d’atteinte ou de menace au droit revendiqué. Les défendeurs, la province de la Colombie-Britannique et le procureur général du Canada, ont présenté une requête en radiation de la déclaration au motif qu’elle ne révélait aucune cause d’action raisonnable. Plus précisément, la province et le Canada ont soutenu que le fait de ne pas invoquer une atteinte effective ou la menace d’atteinte portait un coup fatal à une demande de jugement déclaratoire.

[39]      La Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que les requêtes en radiation [traduction] « seraient accueillies » en l’état actuel des actes de procédure. Le juge Lysyk a accepté l’argument des défendeurs selon lequel un différend n’atteindra pas la [traduction] « réalité » requise pour justifier un jugement déclaratoire tant que l’un ou les deux défendeurs à l’action, par le biais d’un texte législatif ou d’une action gouvernementale, ne viseront pas à imposer une limitation au droit ancestral revendiqué (au paragraphe 36). Toutefois, étant donné que la demanderesse avait demandé l’autorisation de modifier en cas d’échec de la requête, la Cour a autorisé la demanderesse à présenter une déclaration modifiée afin de plaider des faits importants supplémentaires à l’appui de sa demande : Cheslatta Carrier Nation v. British Columbia, 1999 CanLII 5148, 38 C.P.C. (4th) 188 (C.S.C.-B.).

[40]      La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté l’appel de la demanderesse contre la décision du juge Lysyk : Cheslatta Carrier Nation v. British Columbia, 2000 BCCA 539 [précitée]. Pour parvenir à cette conclusion, la cour d’appel a examiné les principes généraux régissant les jugements déclaratoires, et a déclaré au paragraphe 13 que :

[traduction]

      D’une manière générale, les tribunaux modernes ont continué à respecter le principe selon lequel un jugement déclaratoire ne devrait pas être accordé lorsqu’il aura peu ou pas d’utilité ou ne soulève qu’une question d’intérêt hypothétique. À l’inverse, lorsque les plaidoiries révèlent une « difficulté réelle », ou une menace présente, l’action est recevable.

[41]      Appliquant les principes généraux régissant les jugements déclaratoires à l’affaire dont elle était saisie, la cour d’appel a conclu que les actes de procédure ne faisaient pas état d’une atteinte ou d’une menace au droit (présumé) des Cheslatta de pêcher dans les lacs en question. La Cour a déclaré ce qui suit au paragraphe 17 :

[traduction]

      En résumé, la demanderesse n’a pas invoqué l’existence d’un « litige » qui serait résolu par le jugement déclaratoire demandé. Lorsqu’un litige surviendra — soit avec le gouvernement, soit avec une ou plusieurs parties privées — il sera « rattaché à des faits précis » et le droit demandé par la demanderesse pourra être déterminé et affiné en conséquence. Jusque-là, cependant, la déclaration n’aurait pas d’utilité juridique quant à la résolution d’une difficulté réelle, ou d’une menace de difficulté présente.

[42]      La cour d’appel a déclaré que les raisons de suivre la règle habituelle contre l’exercice de la compétence en l’absence d’un [traduction] « litige réel » s’appliquent avec encore plus de force lorsque la définition des droits ancestraux est en cause. Il en est ainsi parce que les droits ancestraux n’existent pas dans l’abstrait. L’exercice de tout droit implique une mise en balance avec les droits d’autres personnes. Par conséquent, ces droits ne peuvent pas être correctement définis séparément de la limitation de ces droits. La Cour a conclu au paragraphe 19 :

[traduction]

      Si on applique ces commentaires à la présente affaire, il est clair que tout « droit de pêche » ancestral qui pourrait faire l’objet d’une déclaration ne serait pas absolu. Comme les autres droits, un tel droit peut faire l’objet d’une atteinte ou d’une restriction par le gouvernement lorsque cette atteinte est justifiée. Le fait est que la définition des circonstances dans lesquelles une atteinte est justifiée est une partie importante du processus de définition du droit lui-même.

[43]      En conséquence, la cour d’appel a confirmé la décision de la juridiction inférieure de radier l’action, avec autorisation de modification, au motif que, en l’absence de toute allégation d’atteinte ou de menace d’atteinte à un droit reconnu par la loi, l’action n’avait pas soulevé un litige qui serait résolu par le jugement déclaratoire demandé. La demanderesse a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision devant la Cour suprême du Canada, mais l’autorisation a été refusée :, [2000] 1 R.C.S. ix, [2000] A.C.S.C. no 625 (QL) [précitée].

[44]      La demanderesse fait valoir que les modifications contestées répondent aux exigences de la question préjudicielle d’une requête en modification (c’est-à-dire qu’elles présentent une possibilité raisonnable de succès), et ce, pour deux raisons. Premièrement, la question de savoir si les Cours fédérales rendront des jugements déclaratoires sur les droits ancestraux en l’absence d’allégations de violation n’a pas été réglée. Deuxièmement, les actes de procédure de la demanderesse satisfont aux exigences minimales d’un jugement déclaratoire. Je me pencherai sur chacun de ces arguments.

[45]      En ce qui concerne le premier argument, la demanderesse soutient que l’arrêt Cheslatta ne lie pas la Cour fédérale. Bien que l’arrêt Cheslatta ne lie pas notre Cour, j’estime qu’il s’agit d’une décision à caractère persuasif au niveau de l’appel à l’égard de cette requête. La demanderesse ne s’est pas efforcée de distinguer l’arrêt Cheslatta sur ses faits. Cela n’est pas étonnant puisque les modifications proposées dans l’arrêt Cheslatta sont très similaires, dans leur forme et leur contenu, aux modifications demandées dans la présente requête. Dans les deux affaires, la partie requérante invoque des faits à l’appui d’un droit ancestral prétendu de pêcher [traduction] « protégé » par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, sans invoquer qu’il y aurait eu atteinte ou menace d’atteinte au droit de pêcher dans la zone visée par la revendication.

[46]      La demanderesse soutient que la Cour peut ne pas suivre l’arrêt Cheslatta, mais elle n’avance aucun argument convaincant pour expliquer pourquoi cette Cour ne devrait pas le faire. La partie demanderesse n’expose pas les raisons pour lesquelles, selon elle, l’arrêt Cheslatta était erroné ni aucune jurisprudence à l’appui de cette position.

[47]      Comme il a déjà été mentionné, la Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’autorisation de pourvoi de l’arrêt Cheslatta. Les paragraphes 11 à 16 de l’arrêt Cheslatta ont également été cités avec approbation par la Cour suprême dans l’arrêt Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), 2013 CSC 14, [2013] 1 R.C.S. 623, au paragraphe 143. De plus, les cours supérieures de plusieurs autres provinces canadiennes ont cité l’arrêt Cheslatta avec approbation : par exemple, Acadia First Nation v. Canada (Attorney General), 2013 NSSC 284, 334 N.S.R. (2d) 170, au paragraphe 71; Ermineskin Cree Nation v. Canada, 2004 ABQB 5, 351 A.R. 161, aux paragraphes 15, 16 et 25. La demanderesse n’a pas cité de jurisprudence dans laquelle les tribunaux ont rejeté les principes énoncés dans l’arrêt Cheslatta.

[48]      En outre, la demanderesse n’a pas renvoyé la Cour à une quelconque jurisprudence des Cours fédérales qui donnerait à penser que la Cour pourrait trancher la question en litige dans l’arrêt Cheslatta d’une manière différente. En effet, la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Alberta (Procureur général) c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2021 CAF 84, [2021] 2 R.C.F. 426 (Alberta (Procureur général)) illustre le fait que les tribunaux fédéraux rejetteront un acte de procédure au motif que la partie dont l’acte de procédure est contesté ne satisfait pas au critère du jugement déclaratoire. La majorité des juges de la cour d’appel ont rejeté la demande de la province de la Colombie-Britannique, qui tentait d’obtenir un jugement déclaratoire sur la constitutionnalité de la Preserving Canada’s Economic Prosperity Act de la province de l’Alberta, S.A. 2018, ch. P-21.5, au motif que la demande de la Colombie-Britannique était prématurée. La majorité a conclu qu’un véritable litige n’était pas encore né en l’absence de mesures ministérielles restreignant l’approvisionnement en pétrole brut de la Colombie-Britannique et en l’absence de réglementation et d’un système opérationnel de délivrance de permis. Par conséquent, la majorité de la Cour a rejeté la demande de la Colombie-Britannique, car il était clair et évident qu’elle n’avait pas satisfait à l’élément du critère du jugement déclaratoire exigeant un litige réel (et non théorique) entre les parties.

[49]      La demanderesse prétend que sa déclaration modifiée proposée satisfait aux exigences minimales d’un jugement déclaratoire et qu’elle a donc satisfait aux exigences de la question préjudicielle de la chance raisonnable de succès.

[50]      La Cour suprême a formulé comme suit le critère à quatre volets pour déterminer quand un tribunal peut, à son gré, prononcer un jugement déclaratoire : (i) lorsqu’il a compétence sur le sujet; (ii) lorsque le litige est réel et non pas théorique; (iii) lorsque la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à ce qu’elle soit résolue; et (iv) lorsque l’intimé a intérêt à s’opposer au jugement déclaratoire sollicité : Ewert c. Canada, 2018 CSC 30, [2018] 2 R.C.S. 165 (Ewert), au paragraphe 81 .

[51]      Dans sa décision antérieure dans l’arrêt Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, (1985), 1985 CanLII 74, la Cour suprême a observé que, s’il n’est pas nécessaire qu’un « préjudice » ou un « acte dommageable » ait été vraiment commis, « la fonction préventive du jugement déclaratoire doit être fondée sur autre chose que des conséquences purement hypothétiques; il doit y avoir un intérêt juridique menacé qui soit identifiable avant que les tribunaux n’envisagent d’y avoir recours comme mesure préventive » (à la page 457, R.C.S.).

[52]      Plus récemment, la Cour suprême a affirmé dans l’arrêt Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99, au paragraphe 11, « [u]n jugement déclaratoire ne peut être rendu que s’il a une utilité pratique, c’est-à-dire s’il règle un “litige actuel” entre les parties ».

[53]      En l’espèce, la demanderesse affirme qu’elle a présenté des faits adéquats dans la déclaration modifiée proposée pour soutenir le jugement déclaratoire sollicité. Cependant, la demanderesse n’a pas démontré comment ses actes de procédure satisfont à tous les éléments du critère de l’arrêt Ewert. Après avoir examiné attentivement la déclaration modifiée proposée, je conclus que la demanderesse n’a pas invoqué un véritable « litige » qui soit [traduction] « rattaché à des faits précis » en ce qui concerne le droit ancestral de pêcher l’eulakane qu’elle revendique.

[54]      À l’instar de l’arrêt Cheslatta, la déclaration modifiée proposée devant la Cour dans le cadre de la présente requête n’allègue aucune violation ni aucune menace d’atteinte par les défendeurs aux droits de pêche ancestraux de la demanderesse à l’égard de l’eulakane. En d’autres termes, il n’y a pas de faits allégués dans les modifications proposées qui confirment l’existence d’un litige réel entre les parties sur cette question.

[55]      L’absence de [traduction] « litige réel » à la lecture des actes de procédure est particulièrement problématique en l’espèce, où la demanderesse sollicite un jugement déclaratoire indépendant de son droit ancestral de pêcher l’eulakane. La Cour suprême a fréquemment déclaré que les droits ancestraux et issus de traités n’existent pas dans l’abstrait : voir, par exemple, R. c. Desautel, 2021 CSC 17, au paragraphe 79, citant R. c. Nikal, [1996] 1 R.C.S. 1013, 1996 CanLII 245 (Nikal). Dans l’arrêt Nikal, la Cour suprême a déclaré ce qui suit au paragraphe 92 :

[…] Il a fréquemment été déclaré que les droits n’existent pas dans l’abstrait et que les droits d’un individu ou d’un groupe sont nécessairement limités par les droits d’autrui. La capacité d’exercer des droits individuels ou collectifs est nécessairement restreinte par les droits d’autrui. Le gouvernement doit, en dernier ressort, être capable d’établir ou de régir la façon dont ces droits devraient interagir. La liberté absolue d’exercer un droit, même un droit ancestral protégé par la Charte ou garanti par la Constitution, n’a jamais été reconnue ni voulue.

[56]      Dans le cadre de la présente requête, la demanderesse demande à la Cour l’autorisation de modifier ses actes de procédure afin de solliciter une simple déclaration de ses droits ancestraux de pêcher l’eulakane, sans fonder la déclaration sur des allégations factuelles relatives à l’atteinte prétendue de ces droits. En effet, la demanderesse sollicite une déclaration quant à l’existence de ses droits ancestraux à l’égard de l’eulakane dans l’abstrait. Toutefois, les décisions susmentionnées de la Cour suprême du Canada concernant l’article 35, qui me lient, indiquent clairement que les revendications de droits autochtones doivent être examinées dans un contexte factuel concret.

[57]      La demanderesse soutient que les modifications contestées auront une utilité pratique en délimitant ses droits ancestraux à l’égard de l’eulakane, en lui fournissant une certitude quant à ces droits et en lui permettant d’exercer ces droits avec moins de crainte de poursuites ou d’autres ingérences de la part des gouvernements provincial et fédéral.

[58]      Après avoir examiné minutieusement les observations des parties, je ne suis pas convaincue que la simple déclaration proposée concernant l’eulakane sera utile pour établir la mesure dans laquelle la demanderesse peut pêcher, échanger et gérer l’eulakane, ou pour donner à la demanderesse une certitude quant à ces droits. Comme il a déjà été mentionné, les droits ancestraux n’existent pas dans l’abstrait, et la capacité d’exercer ces droits est nécessairement limitée par les droits des autres. L’analyse de l’atteinte est nécessaire pour affiner et finalement définir l’étendue des droits revendiqués par la demanderesse à l’égard de l’eulakane. Comme l’a déclaré la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Cheslatta, au paragraphe 19, [traduction] « la définition des circonstances dans lesquelles l’atteinte est justifiée est une partie importante du processus de définition du droit lui-même » (voir également le paragraphe 18).

[59]      De plus, je ne suis pas convaincue que la simple déclaration demandée par la demanderesse concernant l’eulakane lui permettra d’exercer ces droits avec moins de crainte de poursuites ou d’autres ingérences de la part des gouvernements provincial et fédéral. Je suis d’accord avec le défendeur, le Canada, pour dire qu’une simple déclaration [traduction] « laisserait ouverte la possibilité réelle que d’autres litiges découlant de différentes interprétations et attentes d’une simple déclaration aient lieu » : voir également Cheslatta, au paragraphe 16.

[60]      La demanderesse fait valoir que les modifications contestées auront également une utilité en simplifiant les négociations et les analyses des obligations de consultation et d’accommodement en éliminant la nécessité d’évaluer l’importance des droits revendiqués. Selon la demanderesse, elles l’aideront également dans ses négociations extrajudiciaires.

[61]      Je rejette cet argument. Dans la décision Pieters c. Canada (Procureur général), 2004 CF 27, au paragraphe 17, citée avec approbation dans l’arrêt Bonamy c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 156, au paragraphe 12, la Cour a conclu qu’une procédure visant à obtenir un jugement déclaratoire ne peut être intentée uniquement comme outil de négociation.

[62]      Un argument similaire a été soulevé devant le juge Lysyk dans l’arrêt Cheslatta, et de nouveau dans l’arrêt Haida Nation v. British Columbia (Attorney General), 2018 BCCA 462, 18 B.C.L.R. (6th) 34, au paragraphe 34, et rejeté par la Cour dans chaque espèce. Le juge Lysyk a rejeté l’argument en ces termes [au paragraphe 11] :

[traduction]

      Je n’ai guère de doute que le fait d’avoir en main un jugement déclaratoire du type de celui demandé en l’espèce donnerait à la demanderesse un avantage tactique distinct dans toutes les discussions qui pourraient être en cours entre Cheslatta et le gouvernement ou d’autres parties qui pourraient avoir des intérêts conflictuels avec ceux de la demanderesse. Mais cet avantage tactique ne permet pas en soi de trancher la question de savoir si une cour de justice pourrait ou devrait instruire une action en déclaration de droit dans les termes généraux demandés en l’espèce.

[63]      En résumé, je conclus que les modifications contestées ne présentent aucune possibilité raisonnable de succès parce qu’il est clair et évident que le critère légal en matière de jugement déclaratoire n’a pas été rempli. À cet égard, les modifications contestées ne révèlent pas un véritable litige entre les parties (c’est-à-dire aucun [traduction] « litige réel ») concernant les droits ancestraux revendiqués par la demanderesse sur l’eulakane. La demanderesse n’a pas démontré que les modifications contestées visant à obtenir une simple déclaration des droits ancestraux à l’égard de l’eulakane serviraient une fin utile. Les modifications contestées visent de manière inadmissible à obtenir un jugement déclaratoire sur l’existence de droits ancestraux dans l’abstrait.

[64]      En conséquence, je conclus que la requête de la demanderesse doit être rejetée au motif que les modifications contestées ne présentent pas de possibilité raisonnable de succès.

F.    Les modifications contestées serviraient-elles les intérêts de la justice?

[65]      Si une modification proposée ne présente aucune possibilité raisonnable de succès, la Cour n’a pas besoin d’examiner d’autres questions, comme le préjudice potentiel causé à la partie adverse par la modification : Teva, au paragraphe 31. Comme j’ai déterminé que les modifications contestées n’ont aucune chance raisonnable de succès, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres facteurs énoncés dans Canderel, et je refuse de le faire.

G.   Conclusion

[66]      Pour les raisons qui précèdent, je conclus que la demanderesse doit être autorisée à apporter la modification non contestée à sa déclaration. Je conclus en outre que les modifications contestées ne présentent aucune possibilité raisonnable de succès et que, par conséquent, la demande de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation d’apporter les modifications contestées à sa déclaration est rejetée.

[67]      Les défendeurs sollicitent leurs dépens afférents à la requête. Je ne vois aucune raison de m’écarter de la règle générale selon laquelle une partie qui a gain de cause a droit à ses dépens dans le cadre d’une requête. En l’espèce, les défendeurs ont contesté avec succès la requête en modification présentée par la demanderesse. En conséquence, la demanderesse doit payer aux défendeurs les dépens afférents à la requête fixés par les présentes à la somme de 750 $ pour chaque défendeur, incluant les débours et les frais.

H.   Prochaines étapes

[68]      L’ordonnance de la Cour datée du 19 mai 2021 prévoit que les requêtes de la demanderesse visant à radier des parties des exposés de la défense du défendeur, le Canada, et de la défenderesse, Cermaq, seront mises en suspens en attendant la décision sur la présente requête.

[69]      Eu égard à l’ordonnance du 19 mai, la demanderesse doit, après consultation des défendeurs et au plus tard le 1er octobre 2021, déposer une mise à jour de l’état de l’avancement du dossier concernant les prochaines étapes proposées dans la procédure.

LA COUR ORDONNE :

1.    La demande de la défenderesse Cermaq visant à obtenir l’autorisation de signifier et de déposer une contre-réponse, composée d’une lettre datée du 16 août 2021 et des documents qui l’accompagnent, est accueillie. Il est ordonné au greffe d’accepter la contre-réponse pour dépôt à compter de la date à laquelle elle a été présentée pour dépôt.

2.    La requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation d’apporter la modification non contestée à sa déclaration est accueillie.

3.    La requête de la demanderesse visant à obtenir l’autorisation d’apporter les modifications contestées à sa déclaration est rejetée.

4.    La demanderesse doit payer aux défendeurs les dépens afférents à la requête fixés par les présentes à la somme de 750 $, incluant les débours et les frais.

5.    La demanderesse devra, après avoir consulté les défendeurs et au plus tard le 1er octobre 2021, déposer une mise à jour conjointe de l’état d’avancement du dossier concernant les prochaines étapes proposées dans la procédure. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur les prochaines étapes proposées, elles doivent immédiatement demander une téléconférence de gestion de l’instance et fournir leurs dates et heures de disponibilité mutuelle pour une téléconférence.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.