Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

IMM-5445-19

2021 CF 1388

Theivendram Kandiah (demandeur)

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (défendeur)

et

Namunakulan Ponnambalam (intervenant)

Répertorié : Kandiah c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale, juge Fuhrer—Par vidéoconférence, 25 octobre; Ottawa, 9 décembre 2021.

Citoyenneté et Immigration — Pratique en matière d’immigration — Contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a refusé la demande d’asile du demandeur (Décision) — La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il n’avait plus le statut de résident permanent en Suisse; elle a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de l’article 96 ni celle de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (Loi), par application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés — Le demandeur est un citoyen sri-lankais — Il a allégué avoir fui le Sri Lanka lors de la guerre civile sri-lankaise et avoir demandé l’asile en Suisse, demande qui a été accueillie — Il est devenu plus tard l’équivalent d’un résident permanent en Suisse — L’épouse et les deux enfants du demandeur sont arrivés au Canada et ont présenté des demandes d’asile qui ont été accueillies — Le demandeur a ultérieurement décidé de quitter la Suisse — Il a allégué être retourné au Sri Lanka, mais avoir fui de nouveau — Il est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile — Il a retenu les services d’un intervenant, un consultant en immigration, pour l’aider à présenter sa demande d’asile — Ni le demandeur ni l’intervenant n’ont obtenu avant l’audience de documents des autorités suisses au sujet du statut du demandeur — La question préliminaire était celle de savoir si la demande du défendeur visant la mise en suspens de la demande de contrôle judiciaire devait être accueillie — Principales questions : il s’agissait de déterminer s’il y avait eu manquement à l’équité procédurale ou à un principe de justice naturelle en raison du défaut de l’ancien représentant du demandeur, l’intervenant désigné dans la présente instance, de le représenter adéquatement, ou en raison du non-respect par la SPR de sa propre procédure; il s’agissait également de savoir si la décision de la SPR était raisonnable — Comme le défendeur a soulevé tardivement cette nouvelle question préliminaire, et compte tenu du préjudice qui en résulterait pour le demandeur, la demande du défendeur visant la suspension de la présente affaire a été refusée — La demande du défendeur était fondée sur la règle 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (RSPR) et sur l’alinéa 72(2)a) de la Loi — La règle 62 permet aux demandeurs d’asile déboutés de demander la réouverture de leur demande à tout moment avant que la Section d’appel des réfugiés (SAR) ou la Cour fédérale n’ait rendu une décision définitive sur leur demande — L’alinéa 72(2)a) prévoit qu’une demande d’autorisation ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées — Bien qu’une suspension ou un sursis puissent être utiles dans certaines circonstances, il devrait incomber à la partie qui présente une telle demande de demander une suspension à la SAR ou à la Cour fédérale en attendant l’issue de la demande de réouverture — En l’espèce, rien ne permettait de penser que le demandeur cherchait à faire rouvrir sa demande d’asile; d’autant plus que c’est le défendeur qui a demandé la suspension — Les raisons invoquées par le défendeur pour justifier une mise en suspens comportaient trop d’éléments conjecturaux pour qu’elle soit dans l’intérêt de la justice — La question déterminante en l’espèce concernait un manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle attribuable à l’incompétence de l’avocat — Bien que l’intervenant ait affirmé qu’il y a également eu un manquement à l’équité procédurale en raison du non-respect par la SPR de sa propre procédure et du refus de la SPR de permettre au demandeur de présenter des observations écrites après la clôture de l’audience de la SPR, cela n’a pas été établi — Le cumul des actions de l’intervenant a causé un préjudice important au demandeur et a eu une incidence sur l’issue de la décision — Le critère à trois volets applicable à la conduite susceptible d’examen d’un avocat a été satisfait en l’espèce, en ce sens que i) les omissions ou les actes de l’intervenant constituaient de l’incompétence ou de la négligence; ii) n’eût été la conduite reprochée, il existait une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent; iii) l’intervenant avait une possibilité raisonnable de répondre aux allégations d’incompétence ou de négligence — L’absence de tout document concernant le statut d’immigrant du demandeur en Suisse ou le statut général des immigrants en Suisse équivalait à un défaut du représentant de présenter des éléments de preuve qui, de toute évidence, auraient dû être présentés — Ni la réponse donnée par l’intervenant aux allégations formulées contre lui ni son affidavit n’ont su écarter cette conclusion — Il incombait au représentant, après avoir accepté le mandat, d’informer la SPR aussi rigoureusement que possible de tous éléments factuels clés pertinents de la demande d’asile du demandeur — En outre, l’intervenant a déclaré qu’il n’était ni disposé ni préparé à formuler des observations verbales à l’audience de la SPR — N’eût été l’incompétence de l’intervenant, il existait une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent — Par conséquent, il y a eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la décision contestée — Quant au non-respect par la SPR de sa propre procédure, l’intervenant n’était pas empêché de soulever cette question et celle-ci n’a pas été soulevée si tard dans la procédure qu’elle était inéquitable pour les parties — Toutefois, l’intervenant n’a pas démontré que la SPR s’était fondée à tort sur le document LEXpat (« Legal Expat Geneva ») ou qu’elle avait refusé injustement la demande du demandeur de déposer des observations écrites après l’audience de la SPR — La SPR n’a pas violé la règle 33 des RSPR — La SPR n’a donc pas commis d’erreur ni fait preuve d’iniquité procédurale en refusant d’accorder au demandeur la possibilité de formuler des observations écrites après l’audience — En outre, la décision n’était pas déraisonnable — La décision a été annulée et l’affaire a été renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen et nouvelle décision — La question relative à l’expression « voies d’appel » visée à l’alinéa 72(2)a), à savoir si elle inclut une demande de réouverture d’une demande d’asile réglée par la SPR, a été certifiée — Demande accueillie.

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a refusé la demande d’asile du demandeur (la Décision). La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il n’avait plus le statut de résident permanent en Suisse et a donc conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de l’article 96 ni celle de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (Loi), par application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention).

Le demandeur est un citoyen sri-lankais. Il a allégué avoir fui le Sri Lanka en 1983 lors de la guerre civile sri-lankaise et avoir demandé l’asile en Suisse en invoquant son origine ethnique tamoule. Sa demande a été acceptée et il est devenu plus tard l’équivalent d’un résident permanent en Suisse vers 2000. Dans l’intervalle, l’épouse et les deux enfants du demandeur sont arrivés au Canada et ont présenté des demandes d’asile qui ont été accueillies. Las de vivre seul depuis plus de 20 ans, le demandeur a décidé de quitter la Suisse en 2015 et a informé les autorités suisses de son projet. Il a allégué être retourné au Sri Lanka en 2016, s’attendant à ce que la situation s’y soit améliorée depuis la fin de la guerre civile. Toutefois, environ deux ans après son retour au Sri Lanka, il a fui de nouveau parce que des responsables de l’armée croyaient qu’il appuyait financièrement les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) depuis la Suisse. Il est arrivé au Canada en provenance des États-Unis et a présenté une demande d’asile. Une fois ici, le demandeur a retrouvé sa famille.

Le demandeur a retenu les services de l’intervenant, un consultant en immigration, au début du processus pour l’aider à présenter sa demande d’asile. Le demandeur et l’intervenant ont été informés du fait que la SPR estimait qu’il était possible que la section E de l’article premier de la Convention s’applique à la demande d’asile du demandeur. L’intervenant a présenté plusieurs demandes de report, mais elles ont été refusées. Ni le demandeur ni l’intervenant n’ont obtenu, avant l’audience, de documents des autorités suisses au sujet du statut du demandeur. La SPR a déclaré qu’elle avait examiné tous les éléments de preuve présentés et qu’elle avait constaté que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pas communiqué avec les autorités suisses pour obtenir des documents confirmant qu’il n’était plus résident permanent de la Suisse, malgré l’avis que la CISR lui avait envoyé et l’avis d’intention d’intervenir du défendeur. Signalant les contradictions que comportaient le formulaire Fondement de la demande et autres formulaires du demandeur, ainsi que les préoccupations en matière de crédibilité exprimées par le défendeur, la SPR a conclu que l’intervention du défendeur démontrait à première vue que le demandeur était toujours un résident permanent de la Suisse et qu’il n’avait pas perdu ce statut, contrairement à ce qu’il affirmait. À l’audience, la SPR a donné à l’intervenant la possibilité de poser des questions au demandeur et de formuler des observations verbales au nom de son client, mais il ne l’a pas fait. La demande de l’intervenant pour soumettre des observations écrites a été refusée. La SPR a donc rendu sa décision et ses motifs oralement.

La question préliminaire était celle de savoir si la demande du défendeur visant la mise en suspens de la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie. Les principales questions consistaient à déterminer s’il y avait eu manquement à l’équité procédurale ou à un principe de justice naturelle en raison du défaut de l’ancien représentant du demandeur, l’intervenant désigné dans la présente instance, de le représenter adéquatement, ou en raison du non-respect par la SPR de sa propre procédure. Il s’agissait également de savoir si la décision était raisonnable.

Jugement : la demande doit être accueillie.

Comme le défendeur a soulevé tardivement cette nouvelle question préliminaire, et compte tenu du préjudice qui en résulterait pour le demandeur, la demande du défendeur visant la suspension de la présente affaire a été refusée. La demande du défendeur était fondée sur la règle 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (RSPR) et sur l’alinéa 72(2)a) de la Loi. La règle 62 permet aux demandeurs d’asile déboutés de demander la réouverture de leur demande à tout moment avant que la Section d’appel des réfugiés (SAR) ou la Cour fédérale n’ait rendu une décision définitive sur leur demande. Plus particulièrement, le paragraphe 62(4) des RSPR prévoit la réouverture de demandes comportant des allégations à l’égard d’un conseil et précise les mesures préalables à prendre. L’alinéa 72(2)a) de la Loi prévoit qu’une demande d’autorisation « ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées ». Le défendeur a également affirmé que la Cour devait refuser d’examiner des arguments de justice naturelle ou de suspendre la présente demande de contrôle judiciaire, jusqu’à ce que le demandeur ait exercé un autre recours adéquat, en l’occurrence, une demande de réouverture de la décision fondée sur des allégations visant son ancien représentant. Le défendeur n’a pas démontré en quoi la possibilité de présenter des demandes successives de réouverture se traduirait par un épuisement des recours de la même manière qu’un appel. De plus, le paragraphe 62(1) des RSPR reconnaît expressément qu’une instance introduite devant la SAR ou la Cour fédérale peut déjà être en cours lorsqu’une demande de réouverture est présentée. La règle 62 des RSPR ne prévoit nulle part la suspension d’une instance introduite devant la Cour fédérale (ni d’ailleurs de celle introduite devant la SAR) en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande de réouverture. Une suspension ou un sursis peuvent être utiles dans certaines circonstances, mais il devrait incomber à la partie qui présente une telle demande de demander une suspension à la SAR ou à la Cour fédérale, selon le cas, en attendant l’issue de la demande de réouverture. En l’espèce, rien ne permettait de penser que le demandeur cherchait à faire rouvrir sa demande d’asile, d’autant plus que c’est le défendeur qui a demandé la suspension en invoquant un argument qui n’avait pas encore été tranché dans une autre affaire qui n’avait aucun rapport avec la présente, en l’occurrence que le demandeur devait « épuiser » le recours en réouverture dont il disposait avant de pouvoir présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Les raisons invoquées par le défendeur pour justifier une mise en suspens dans la présente affaire comportaient trop d’éléments conjecturaux pour qu’elle soit dans l’intérêt de la justice. De plus, il n’a pas été démontré que l’expression « voies d’appel » à l’alinéa 72(2)a) de la Loi comprend un droit à la réouverture.

La question déterminante en l’espèce concernait un manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle attribuable à l’incompétence de l’avocat. Bien que l’intervenant ait affirmé qu’il y avait également eu un manquement à l’équité procédurale en raison du non-respect par la SPR de sa propre procédure et du refus de la SPR de permettre au demandeur de présenter des observations écrites après la clôture de l’audience de la SPR, cela n’a pas été établi. Le cumul des actions de l’intervenant a causé un préjudice important au demandeur et a eu une incidence sur l’issue de la décision. Le critère applicable à la conduite susceptible d’examen d’un avocat comporte trois volets, et c’est au demandeur qu’il incombe d’établir chacun des trois volets de ce critère, à savoir que : i) les omissions ou les actes de l’ancien représentant constituaient de l’incompétence ou de la négligence; ii) n’eût été la conduite alléguée, il existait une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent (autrement dit, la conduite reprochée a entraîné un déni de justice); iii) le représentant a bénéficié d’une possibilité raisonnable de répondre aux allégations. Le premier volet du critère a été respecté en raison des nombreuses erreurs et omissions de l’intervenant qui constituaient de l’incompétence. À tout le moins, l’intervenant a fait défaut d’obtenir et de présenter des documents qui revêtaient une grande importance pour la cause du demandeur et il n’a pas formulé d’observations sur la seule question dont était saisie la SPR, à savoir le statut du demandeur en Suisse et sa possible exclusion en application de la section E de l’article premier de la Convention. L’intervenant n’a pas entrepris de démarches sérieuses pour obtenir la preuve attestant le statut du demandeur, que ce dernier a aisément obtenu après l’audience et la décision de la SPR. Le dossier montrait aussi que l’intervenant n’avait pas produit de documents propres au pays concernant le statut d’immigrant du demandeur en Suisse qui démontreraient que, compte tenu du temps passé à l’étranger, une personne se trouvant dans la situation du demandeur ne conserverait plus son statut de résident permanent et n’aurait pas le droit de rentrer au pays, et dans quelles circonstances, le cas échéant, cette personne pourrait recouvrer son statut de résident permanent. La SPR a repéré un document intitulé « Legal Expat Geneva » (LEXpat) et ce document a été communiqué à l’intervenant lors de l’audience de la SPR. L’absence de tout document concernant le statut d’immigrant du demandeur en Suisse ou le statut général des immigrants en Suisse équivalait à un défaut du représentant de présenter des éléments de preuve qui, de toute évidence, auraient dû être présentés. Ni la réponse donnée par l’intervenant aux allégations formulées contre lui ni son affidavit n’ont su écarter cette conclusion. Il incombait au représentant, après avoir accepté le mandat, d’informer la SPR aussi rigoureusement que possible de tous éléments factuels clés pertinents de la demande d’asile du demandeur. De plus, lorsque l’occasion lui a été offerte, à l’audience de la SPR, de formuler des observations verbales, l’intervenant a déclaré qu’il n’était ni disposé ni préparé à le faire. Il ne fait aucun doute que le défaut de présenter des observations sur la question déterminante dans une décision constitue de l’incompétence, d’autant plus que des observations doivent être présentées oralement à la fin de l’audience, à moins d’une décision contraire de la SPR. Il y a eu un déni de justice en l’espèce, car, n’eût été l’incompétence, il existait une probabilité raisonnable que le résultat ait été différent. La question déterminante soumise à la SPR était celle du statut du demandeur en Suisse et de sa possible exclusion par application de la section E de l’article premier de la Convention. La SPR l’avait très clairement indiqué dans sa correspondance avant l’audience ainsi qu’à l’ouverture de l’audience. Par conséquent, il y a eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la décision contestée.

Quant au non-respect par la SPR de sa propre procédure, l’intervenant n’était pas empêché de soulever cette question et celle-ci n’a pas été soulevée si tard dans la procédure qu’elle était inéquitable pour les parties. Toutefois, l’intervenant n’a pas démontré que la SPR s’était fondée à tort sur le document LEXpat (« Legal Expat Geneva ») ou qu’elle a refusé injustement la demande du demandeur de déposer des observations écrites après l’audience de la SPR. Étant donné que, dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur s’était plaint de façon générale d’un manquement à la justice naturelle, il n’était pas possible de conclure que la question de savoir si la SPR s’était fondée à tort sur le document LEXpat était entièrement nouvelle. Il n’était pas contesté que la SPR avait parlé du document LEXpat lors de l’audience qui avait eu lieu devant elle, mais plutôt que le document n’avait pas été versé en preuve. Le défendeur n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi le document ne se retrouvait pas dans le dossier certifié du tribunal. Toutefois, une copie du document se trouvait dans le dossier du demandeur. En outre, la SPR avait fait allusion, à l’audience, au document LEXpat. En communiquant le document au demandeur à l’audience, d’autant plus qu’une copie de ce document se trouvait déjà au dossier du demandeur, la SPR n’a pas enfreint la règle 33 des RSPR et n’a donc pas commis d’erreur. La décision reposait sur la prétention à première vue établie par le défendeur et sur le défaut du demandeur de réfuter cette preuve en présentant des éléments de preuve concernant son statut actuel en Suisse. Du point de vue de la SPR, le document LEXpat a servi à renforcer, plutôt qu’à réfuter, la prétention à première vue établie. La SPR n’a donc pas commis d’erreur ni fait preuve d’iniquité procédurale en refusant d’accorder au demandeur la possibilité de formuler des observations écrites après l’audience. Le demandeur avait été informé de sa possible exclusion par application de la section E de l’article premier dès le mois d’avril 2019 et il a eu amplement le temps de préparer des observations, dans le contexte où le paragraphe 10(7) des RSPR prévoit que les observations se font oralement à la fin de l’audience, à moins d’une décision contraire de la SPR.

La décision n’était pas déraisonnable. Le demandeur a reproché à la SPR la façon dont elle a interprété le document LEXpat et a affirmé que ce document permettait d’affirmer que les personnes se trouvant dans sa situation n’auraient plus le droit de revenir en Suisse à titre de résidents permanents. Toutefois, les observations formulées par le demandeur à cet égard revenaient à demander à la Cour d’évaluer de nouveau le document LEXpat, ce qui n’est pas le rôle de la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire.

En conclusion, compte tenu de l’incompétence de l’ancien représentant du demandeur, l’intervenant, le demandeur a fait l’objet d’un déni de justice naturelle et, par conséquent, la décision a été annulée et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen et nouvelle décision. En outre, la SPR devait donner au demandeur la possibilité de déposer des éléments de preuve concernant non seulement son statut d’immigrant en Suisse, mais également toute autre question applicable. La question relative à l’expression « voies d’appel » visée à l’alinéa 72(2)a) de la Loi, à savoir si elle inclut une demande de réouverture d’une demande d’asile réglée par la SPR, a été certifiée.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 72, 96, 97(1), 98.

Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257, règle 49.

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, règles 10(7), 33, 34, 62.

Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, règle 18.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6., 189 R.T.N.U. 151, art. 1E.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653; Kreishan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223, [2020] 2 R.C.F. 299, confirmant 2018 CF 481; Al Mansuri c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 22, [2007] 3 R.C.F. F-2; Rezko c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 6; Rendon Segovia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 99; Guadron c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092; Lunyamila c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, [2018] 3 R.C.F. 674; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89.

DISTINCTION FAITE D’AVEC :

Adeosun c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1089.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Reem Yousef Saeed Kreishan, et al c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2020] 1 R.C.S. xii, 2020 CanLII 17609 (CSC); Sabitu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 165, motifs supplémentaires 2021 CF 300; Eli Lilly Canada Inc c. Teva Canada Limitée, 2018 CAF 53.

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Chaudhry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520; Strickland c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, [2015] 2 R.C.S. 713; Lin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CAF 81; Minister of Citizenship and Immigration v. Alabi Adam Sabitu et al., (2 novembre 2021), Ottawa, A-133-21 (C.A.F.); Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 267; Shirwa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 51, 1993 CanLII 3026 (1re inst.); Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368; Rodrigues c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 77, [2008] 4 R.C.F. 474; Memari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, [2012] 2 R.C.F. 350; El Kaissi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1234; Pathinathar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1225; Mcintyre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1351; Gombos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 850; R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520; Basharat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 559; Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22; Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13; Puigdemont Casamajo c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2021 CF 774; Luswa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 289; Nguesso c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 145.

DOCTRINE CITÉE :

Canada. Cour fédérale. Lignes directrices sur la pratique dans les instances intéressant la citoyenneté, l’immigration et les réfugiés, juge en chef Paul Crampton, le 5 novembre 2018

Canada. Cour fédérale. Concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger, juge en chef Paul Crampton, le 7 mars 2014.

DEMANDE de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [X (Re), 2019 CanLII 150845 (C.I.S.R.)] a refusé la demande d’asile du demandeur, au motif que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de l’article 96 ni celle de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés par application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Demande accueillie.

ONT COMPARU :

Rebeka Lauks pour le demandeur.

Jocelyn Espejo-Clarke pour le défendeur.

Micheal Crane pour l’intervenant.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Battista Smith Migration Law Group, Toronto, pour le demandeur.

Le sous-procureur général du Canada pour le défendeur.

Micheal Crane, Toronto, pour l’intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement et du jugement rendus par

La juge Fuhrer :

I.     Vue d’ensemble

[1]        Le demandeur, Theivendram Kandiah, est un citoyen sri-lankais. Il allègue qu’il a fui le Sri Lanka en 1983 lors de la guerre civile sri-lankaise et qu’il a demandé l’asile en Suisse en invoquant son origine ethnique tamoule. Sa demande a été acceptée et il est devenu plus tard l’équivalent d’un résident permanent en Suisse vers 2000. Dans l’intervalle, l’épouse et les deux enfants du demandeur sont arrivés au Canada en 1994 et ont présenté des demandes d’asile qui ont été accueillies.

[2]        Las de vivre seul depuis plus de 20 ans, le demandeur a décidé de quitter la Suisse en 2015 et a informé les autorités suisses de son projet. Il allègue qu’il est retourné au Sri Lanka à la fin de mai 2016, s’attendant à ce que la situation s’y soit améliorée depuis la fin de la guerre civile en 2009. Toutefois, environ deux ans après son retour, il a fui de nouveau le Sri Lanka parce que des responsables de l’armée croyaient qu’il appuyait financièrement les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) depuis la Suisse. Il est arrivé au Canada en septembre 2018 — en provenance des États-Unis — et a présenté une demande d’asile. Une fois ici, le demandeur a retrouvé sa famille.

[3]        À la clôture de l’audience tenue le 9 août 2019 [X (Re), 2019 CanLII 150845 (C.I.S.R.)], la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR) a refusé la demande d’asile du demandeur (la décision). Se fondant sur l’intervention du défendeur, la SPR a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il n’avait plus le statut de résident permanent en Suisse. La SPR a donc conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de l’article 96 ni celle de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), par application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, 189 U.N.T.S. 150 (la Convention).

[4]        Les dispositions législatives applicables sont reproduites à l’annexe A.

[5]        Le demandeur sollicite en l’espèce le contrôle judiciaire de cette décision. Il soulève deux questions. En premier lieu, il soutient qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale ou à un principe de justice naturelle en raison du défaut de son ancien représentant, l’intervenant désigné dans la présente instance, de le représenter adéquatement. En ce qui concerne cette première question, je suis convaincue que le demandeur a satisfait aux exigences préalables énoncées dans le protocole procédural de la Cour fédérale intitulé Concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger, daté du 7 mars 2014 (le Protocole). En second lieu, le demandeur remet en question le caractère raisonnable de la décision.

[6]        Avant l’instruction de la présente affaire le 25 octobre 2021, l’intervenant a présenté une requête en vue d’être constitué partie intervenante à la présente instance. J’ai fait droit à sa requête le 19 octobre 2021, aux conditions précisées dans mon ordonnance, compte tenu du consentement du demandeur et du fait que le défendeur ne s’est pas opposé à cette requête.

[7]        Le défendeur ne s’est pas opposé à la requête, mais il soulève toutefois une troisième question dans son mémoire complémentaire signifié et déposé le 21 octobre 2021, à savoir que les nouvelles questions soulevées tardivement par l’intervenant sont inéquitables envers les parties tant sur le fond que sur le plan procédural. Bien qu’il soutienne que la décision est inéquitable sur le plan procédural, l’intervenant invoque un motif différent de celui du demandeur. Il affirme que la décision est fondée sur des documents concernant le droit de l’immigration suisse que la SPR a mentionnés à l’audience alors qu’elle ne les avait pas régulièrement reçus en preuve. Il affirme en outre que la présentation de ces documents à l’audience n’était pas conforme à la règle 33 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, et que la SPR aurait dû en tenir compte pour se prononcer sur l’opportunité d’autoriser l’intervenant à déposer des observations écrites après l’audience.

[8]        Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que la présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie en raison de l’incompétence dont l’intervenant a fait preuve lorsqu’il a représenté le demandeur, incompétence qui s’est traduite par un manquement à l’équité procédurale ou un déni de justice naturelle. Dans l’analyse qui suit, j’aborde tout d’abord une question préliminaire soulevée à la dernière minute par le défendeur, en l’occurrence la question de savoir si la présente demande de contrôle judiciaire devrait être mise en suspens — demande que j’ai rejetée pour les motifs exposés ci-dessous —, pour ensuite me pencher sur les questions d’équité procédurale soulevées par le demandeur et par l’intervenant et, enfin, sur la question de savoir si la décision est raisonnable.

II.    Contexte supplémentaire

[9]        Le demandeur a retenu les services de l’intervenant, un consultant en immigration, au début du processus pour l’aider à présenter sa demande d’asile. Le 15 avril 2019, la CISR a fait parvenir à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), une lettre dont une copie a été envoyée au demandeur et à l’intervenant, les informant que la SPR estimait qu’il était possible que la section E de l’article premier de la Convention s’applique à la demande d’asile du demandeur.

[10]      Le 16 juillet 2019, la CISR a fait parvenir à l’intervenant une lettre dans laquelle elle lui demandait des renseignements au sujet des demandes d’asile qui avaient été présentées par son épouse et ses deux enfants et qui avaient été acceptées. Le 31 juillet 2019, dix jours seulement avant l’audience de la SPR prévue pour le 9 août 2019, l’intervenant a demandé un report au motif qu’il avait besoin de plus de temps pour réunir les documents en question. La CISR a refusé la demande de l’intervenant le 6 août 2019 au motif qu’il n’avait fourni aucun détail sur les démarches qu’il avait entreprises pour obtenir les documents et qu’il n’avait pas suggéré d’autres dates et heures pour l’ouverture de l’audience, contrairement à ce qu’exigent les Règles de la Section de la protection des réfugiés.

[11]      Après avoir pris connaissance du rejet de sa demande de report par la CISR, l’intervenant a présenté une autre demande de report au motif qu’il avait besoin de temps pour obtenir des éléments de preuve sur le statut du demandeur en Suisse et pour poursuivre ses démarches en vue de retrouver les documents qui avaient été égarés relatifs aux demandes d’asile de l’épouse et des deux enfants du demandeur. Dans cette deuxième demande, l’intervenant a proposé trois autres dates et heures possibles pour la tenue de l’audience reportée, mais, comme la première demande, cette demande a également été refusée, cette fois-ci au motif que le demandeur avait amplement le temps de récupérer les documents nécessaires relativement à son statut en Suisse.

[12]      Dans l’intervalle, le 30 juillet 2019, le défendeur a fait parvenir à la CISR et à l’intervenant (l’ancien représentant du demandeur) un avis d’intention d’intervenir dans lequel il formulait plusieurs préoccupations en matière de crédibilité et notait qu’il incombait au demandeur d’y répondre. En bref, ces préoccupations avaient trait à des affirmations contradictoires formulées au sujet de la période de résidence du demandeur en Suisse (la période du 1er janvier 1995 au 1er juin 2015 — ou de 1995 à 2015 — est indiquée à divers endroits dans ses formulaires de demande, alors qu’il avait indiqué dans son formulaire Fondement de la demande ou dans l’exposé circonstancié de sa demande qu’il y avait résidé entre 1983 et mai 2016), et sur des doutes sur la question de savoir s’il est retourné au Sri Lanka en 2015 (selon les renseignements sur les empreintes digitales obtenues des autorités américaines montrant que le demandeur avait présenté une demande en Suisse le 15 mars 2016 en vue d’obtenir un visa de non-immigrant aux États-Unis) avant d’entrer aux États-Unis en août 2018.

[13]      Ni le demandeur ni l’intervenant n’ont obtenu avant l’audience de documents des autorités suisses au sujet du statut du demandeur.

III.   La décision contestée

[14]      L’audience de la SPR a eu lieu comme prévu le 9 août 2021. La SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur en exposant oralement ses motifs à la clôture de l’audience. La SPR a déclaré qu’elle avait examiné tous les éléments de preuve présentés et qu’elle avait constaté que le demandeur n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pas communiqué avec les autorités suisses, ou le consulat ou l’ambassade suisses au Canada, pour obtenir des documents confirmant qu’il n’était plus résident permanent de la Suisse, malgré l’avis que la CISR lui avait envoyé en avril 2019 et l’avis d’intention d’intervenir du défendeur. Signalant les contradictions que comportaient le formulaire Fondement de la demande et le formulaire de demande du demandeur, ainsi que les préoccupations en matière de crédibilité exprimées par le défendeur, la SPR a conclu que l’intervention du défendeur démontrait à première vue que le demandeur était toujours un résident permanent de la Suisse et qu’il n’avait pas perdu ce statut, contrairement à ce qu’il affirmait.

[15]      La SPR a également fait observer que l’intervenant avait mentionné que c’était le refus de collaborer de la famille qui expliquait pourquoi les documents n’avaient pas été obtenus, alors que le demandeur a déclaré qu’il ne savait pas qu’il devait se procurer ces documents. La SPR a jugé cette explication déraisonnable, compte tenu du fait que le demandeur était représenté par un avocat « depuis de nombreux mois », qu’il avait été informé de la possibilité que la section E de l’article premier s’applique et qu’il avait été avisé de l’intervention du défendeur.

[16]      À l’audience, la SPR a donné à l’intervenant la possibilité de poser des questions au demandeur et de formuler des observations verbales au nom de son client. L’intervenant a toutefois choisi de ne pas interroger le demandeur et a fait savoir à la SPR, tant avant qu’après la pause — la SPR avait offert une pause de 30 minutes, mais l’intervenant n’en a pris que 15 —, qu’il n’était pas disposé à formuler des observations verbales et qu’il préférait plutôt soumettre des observations écrites. La SPR a refusé d’accepter des observations écrites, faisant observer que l’intervenant avait eu quatre mois pour rassembler les documents nécessaires sur la question du statut du demandeur en Suisse et pour préparer des observations verbales. La SPR a donc rendu sa décision et ses motifs oralement.

IV.   Norme de contrôle

[17]      Les manquements à l’équité procédurale dans le contexte administratif sont considérés comme étant susceptibles de contrôle selon la norme de contrôle de la décision correcte ou assujettis à un « exercice de révision […] [traduction] “particulièrement bien reflété dans la norme de la décision correcte”, même si, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, [2019] 1 R.C.F. 121, au paragraphe 54). La cour de révision doit essentiellement déterminer si le processus suivi était équitable, puisque l’obligation d’équité procédurale est variable, souple et tributaire du contexte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 (Vavilov), au paragraphe 77; Chaudhry c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 520, au paragraphe 24).

[18]      La présomption de norme de contrôle de la décision raisonnable est celle qui s’applique lorsqu’une cour se penche sur le fond d’une décision administrative (Vavilov, précité, aux paragraphes 10 et 25). Une décision raisonnable doit être « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov, précité, au paragraphe 85). Les cours ne devraient intervenir que lorsque cela est nécessaire. Pour éviter toute intervention judiciaire, la décision doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, précité, au paragraphe 99). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, précité, au paragraphe 100).

V.    Analyse

A.    Question préliminaire — La demande de mise en suspens du défendeur

[19]      À l’ouverture de l’audience que j’ai présidée, les parties ont formulé leurs observations concernant une nouvelle question soulevée pour la première fois dans le cadre de la présente instance par le défendeur dans son mémoire complémentaire, en l’occurrence la possible mise en suspens de la demande de contrôle judiciaire. Comme le défendeur a soulevé tardivement cette nouvelle question, que nous examinerons plus en détail plus loin, et compte tenu du préjudice qui en résulterait pour le demandeur, j’ai rejeté la demande du défendeur en vue de faire suspendre la présente affaire et j’ai précisé que je formulerais des motifs additionnels lorsque je me prononcerais sur l’ensemble de la demande de contrôle judiciaire. Voici ces motifs.

[20]      La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision a été déposée par le demandeur le 6 septembre 2019. Peu de temps après, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été mise en suspens en attendant l’issue de la demande présentée à la Cour suprême du Canada en vue d’obtenir l’autorisation de former un pourvoi contre l’arrêt Kreishan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CAF 223, [2020] 2 R.C.F. 299 (Kreishan CAF) rendu par la Cour d’appel fédérale.

[21]      Comme je l’ai déjà mentionné, le demandeur est un demandeur d’asile qui est arrivé au Canada en provenance des États-Unis et dont les membres de la famille se trouvaient déjà au Canada. Le demandeur avait donc le droit de faire déterminer son statut de réfugié par la SPR, sans toutefois avoir le droit d’en appeler à la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR. La question examinée par la Cour d’appel fédérale dans Kreishan CAF portait sur ce type de demandeurs d’asile, désignés dans cet arrêt par l’expression « demandeurs visés par une dispense de l’[Entente sur les tiers pays sûrs] », et sur l’impossibilité pour ces demandeurs d’interjeter appel à la SAR et de bénéficier d’un sursis dans l’attente d’une décision sur l’appel (Kreishan CAF, aux paragraphes 2–7).

[22]      La Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté de la décision Kreishan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 481, rendue par notre Cour et, le 5 mars 2020, la Cour suprême a à son tour rejeté la demande d’autorisation de former un pourvoi contre l’arrêt Kreishan CAF rendu par la Cour d’appel fédérale (Reem Yousef Saeed Kreishan, et al c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2020] 1 R.C.S. xii, 2020 CanLII 17609 (C.S.C.)). En conséquence, les demandeurs d’asile comme le demandeur en l’espèce n’ont toujours pas le droit d’interjeter appel à la SAR et de demander un sursis dans l’attente d’une décision. Le recours qui s’offre à ce type de demandeurs qui souhaitent contester une décision défavorable de la SPR consiste à soumettre une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à la Cour fédérale (Kreishan CAF, précité, au paragraphe 7).

[23]      La mise en suspens de l’affaire a donc pris fin. La Cour a accueilli la demande d’autorisation du demandeur le 8 juin 2021 et a communiqué aux parties un échéancier concernant les mesures à prendre avant l’instruction de la demande de contrôle judiciaire.

[24]      Dans le mémoire complémentaire qu’il a signifié et déposé quelques jours à peine avant l’instruction de la présente affaire le 25 octobre 2021, le défendeur a soulevé une nouvelle question concernant une éventuelle deuxième suspension. La demande du défendeur est fondée sur la règle 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés et sur l’alinéa 72(2)a) de la LIPR. Le premier permet aux demandeurs d’asile déboutés de demander la réouverture de leur demande à tout moment avant que la SAR ou notre Cour, selon le cas, n’ait rendu une décision définitive sur leur demande. Plus particulièrement, le paragraphe 62(4) des Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoit la réouverture de demandes comportant des allégations à l’égard d’un conseil et précise les mesures préalables à prendre, qui s’apparentent à celles énoncées dans le Protocole. L’alinéa 72(2)a) de la LIPR prévoit qu’une demande d’autorisation « ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées » (non souligné dans l’original).

[25]      Le défendeur affirme également que, en dehors des cas prévus à l’alinéa 72(2)a), notre Cour devrait refuser d’examiner des arguments de justice naturelle comme ceux qui sont invoqués en l’espèce ou suspendre la présente demande de contrôle judiciaire, tant que le demandeur n’a pas exercé un autre recours adéquat, en l’occurrence, une demande de réouverture de la décision fondée sur des allégations visant son ancien représentant (Strickland c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 37, [2015] 2 R.C.S. 713, au paragraphe 42, et Lin c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CAF 81, au paragraphe 5). Si la SPR devait faire droit à la demande de réouverture, la présente instance deviendrait alors sans objet. Par contre, si la SPR devait rejeter la demande de réouverture, le demandeur pourrait présenter une demande distincte d’autorisation et de contrôle judiciaire, réactiver la présente demande et, si l’autorisation lui est accordée relativement à la deuxième demande, demander que les deux demandes soient instruites ensemble (ou, j’ajouterais, qu’elles soient réunies). Une telle demande devrait être présentée par voie de requête (Sabitu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 165 (Sabitu), au paragraphe 27).

[26]      À l’audience qui a eu lieu devant la Cour, le défendeur a indiqué que ses observations sur cette question étaient fondées sur des arguments semblables à ceux qu’il avait présentés à la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Minister of Citizenship and Immigration v. Alabi Adam Sabitu et al. (ordonnance rendue le 2 novembre 2021), dossier no A-133-21 [non publiée], dans le cadre de l’appel interjeté de la décision Sabitu rendue par notre Cour. Dans son jugement et ses motifs supplémentaires (2021 CF 300), le juge Annis a certifié trois questions, dont la première est pertinente en l’espèce et nous la reproduisons donc ici (paragraphe 7 du jugement et des motifs supplémentaires) :

a.  L’expression « les voies d’appel » figurant à l’alinéa 72(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés englobe-t-elle une demande de réouverture d’un appel pour non-respect d’un principe de justice naturelle conformément à la règle 49(1) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, de sorte que les requérants ne peuvent pas demander un contrôle judiciaire sur cette base s’ils n’ont pas d’abord épuisé leur droit de demander une réouverture?

[27]      Je note que la règle 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés est semblable à la règle 49 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257.

[28]      Le défendeur fait valoir devant la Cour les raisons pour lesquelles il lui est permis de soulever une nouvelle question dans son mémoire complémentaire et il est fondé à le faire. En particulier, le défendeur cite la décision Al Mansuri c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 22, [2007] 3 R.C.F. F-2 (Al Mansuri), rendue par notre Cour, ainsi que les facteurs non exhaustifs suivants dont les cours peuvent tenir compte pour décider si elles doivent exercer ou non leur pouvoir discrétionnaire pour examiner une nouvelle question soulevée pour la première fois dans le mémoire complémentaire d’une partie (Al Mansuri, au paragraphe 12) :

(i)    Les faits et éléments intéressant les nouveaux arguments étaient-ils tous connus (ou raisonnablement accessibles) à l’époque où la demande d’autorisation fut déposée et/ou mise en état?

(ii)   Est-il possible que la partie adverse subisse un préjudice si les nouveaux arguments sont étudiés?

(iii) Le dossier révèle-t-il tous les faits à l’origine des nouveaux arguments?

(iv) Les nouveaux arguments sont-ils apparentés à ceux au regard desquels fut accordée l’autorisation?

(v)   Quelle est la force apparente des nouveaux arguments?

(vi) Le fait de permettre que les nouveaux arguments soient invoqués retardera-t-il indûment l’audition de la demande?

[29]      L’ex-juge Dawson a fait observer que « tel ou tel facteur ne sera pas nécessairement pertinent dans un cas donné » (Al Mansuri, précité, au paragraphe 13).

[30]      Le défendeur fait en outre valoir que la Cour « peut […] examiner une nouvelle question “lorsque l’intérêt de la justice l’exige et lorsque la cour dispose de conclusions de fait et d’un dossier factuel suffisant” » (renvois omis) (Eli Lilly Canada Inc c. Teva Canada Limitée, 2018 CAF 53, au paragraphe 45).

[31]      Le défendeur soutient que la mise en suspens d’une affaire ne viole pas les droits du demandeur, tout en reconnaissant que les délais ainsi causés pourraient lui causer un préjudice.

[32]      Le défendeur fait également valoir que cette façon de procéder est efficace et que le fait de demander à la SPR de rouvrir la demande est conforme à l’article 72 de la LIPR. Suivant le défendeur, en raison de la nature des allégations formulées contre l’ancien représentant (l’intervenant), il serait plus approprié de faire trancher ces questions par la SPR, ce qui permettrait de soumettre un dossier meilleur ou plus complet à la SPR, qui est le meilleur tribunal pour statuer sur cette question. Si la décision qui en résulte comporte une erreur, cette erreur pourrait être portée à l’attention de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[33]      À mon avis, la façon de procéder préconisée par le défendeur nécessiterait une deuxième instance devant la SPR, ce qui pourrait se solder par une deuxième demande de contrôle judiciaire (si, par exemple, la SPR devait rejeter la demande ou, après avoir ordonné sa réouverture, continuait à la refuser), de même qu’une requête en réunion d’instances pour faire instruire ces deux demandes ensemble (Sabitu, au paragraphe 27). En d’autres termes, cette façon de procéder est susceptible d’obliger les demandeurs d’asile comme le demandeur à l’instance à introduire une multitude d’instances, entraînant ainsi des délais supplémentaires et des coûts accrus, ce qui, en fin de compte, ne peut se traduire par des gains d’efficacité, du moins du point de vue du demandeur.

[34]      Le défendeur fait valoir qu’on ne devrait pas tenir compte du délai découlant de l’affaire Kreishan, parce que ce délai était facultatif, en ce sens que, dans cette affaire, le demandeur avait dû demander un sursis en attendant l’issue de la cause, et que le nouveau délai serait de huit à dix mois. À mon avis, ce délai estimé est loin d’être certain et, comme je l’ai déjà signalé, le défendeur a reconnu qu’un nouveau délai serait susceptible de causer un préjudice au demandeur. Je relève également que l’éventualité de devoir introduire de multiples instances pourrait également causer un préjudice, comme je l’ai déjà mentionné. Ainsi que le juge Annis l’a fait observer, « [l]’imposition d’une procédure supplémentaire et prolongée comme celle qui est proposée désavantagerait probablement le demandeur dont la demande de réouverture est refusée » (Sabitu, précité, au paragraphe 28).

[35]      En outre, je ne suis pas convaincue du caractère entièrement facultatif du premier délai. Si l’affaire Kreishan s’était finalement soldée par la conclusion que les demandeurs d’asile qui se trouvent dans la même situation que le demandeur à l’instance disposaient d’un droit d’appel à la SAR, l’article 72 de la LIPR aurait pu s’appliquer à la situation du demandeur, rendant ainsi nécessaire un appel devant la SAR.

[36]      De surcroît, j’estime que le défendeur n’a pas démontré en quoi la possibilité de présenter des demandes successives de réouverture se traduirait par un épuisement des recours de la même manière qu’un appel. De plus, à mon avis, le paragraphe 62(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés reconnaît expressément qu’une instance introduite devant la SAR ou la Cour fédérale peut déjà être en cours lorsqu’une demande de réouverture est présentée.

[37]      La règle 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés ne prévoit nulle part la suspension de l’instance introduite devant la Cour fédérale — ni d’ailleurs de celle introduite devant la SAR — en attendant qu’une décision soit rendue au sujet de la demande de réouverture, ce qui est logique, puisqu’il découle de sa simple lecture que le paragraphe 62(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés est facultatif, en ce sens que le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la SPR de rouvrir la demande. Il incombe en outre à la SPR de rendre une décision dès que possible (Règles de la Section de la protection des réfugiés, paragraphe 62(9)).

[38]      Les Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoient également que la même demande d’asile peut faire l’objet de plusieurs demandes de réouverture (Règles de la Section de la protection des réfugiés, paragraphe 62(8)). Si, par conséquent, l’instance introduite devant la SAR ou la Cour fédérale devait être suspendue en attendant qu’une décision soit rendue sur la demande de réouverture présentée par le demandeur d’asile, ce dernier — ou le ministre, d’ailleurs — pourrait faire échec à l’instance introduite devant la SAR ou la Cour fédérale en présentant des demandes successives de réouverture, selon la rapidité avec laquelle la SPR pourrait trancher chaque demande.

[39]      Toutefois, une suspension ou un sursis peut être utile dans certaines circonstances, notamment lorsque l’issue de la demande de réouverture de la demande d’asile pourrait rendre théorique l’instance introduite devant la SAR ou la Cour fédérale. Il devrait toutefois incomber à la partie qui présente une telle demande de demander une suspension à la SAR ou à la Cour fédérale, selon le cas, en attendant l’issue de la demande de réouverture.

[40]      Dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de penser que le demandeur cherche à faire rouvrir sa demande d’asile, d’autant plus que c’est le défendeur qui demande la suspension en invoquant un argument qui n’a pas encore été tranché dans une autre affaire qui n’a aucun rapport avec la présente (l’affaire Sabitu), en l’occurrence que le demandeur doit « épuiser » le recours en réouverture dont il dispose avant de pouvoir présenter une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Non seulement l’affaire Sabitu n’a aucun rapport avec la présente espèce, mais le défendeur a informé la Cour que l’appel interjeté dans l’affaire Sabitu est devenu théorique. Le défendeur espérait que la Cour d’appel fédérale accepte malgré tout d’examiner ses arguments sur cette question. Or, l’appel a été rejeté aux termes d’une ordonnance rendue le 2 novembre 2021 au motif qu’il était théorique; les demandeurs d’asile ont obtenu la résidence permanente et n’ont pas donné suite à l’invitation de la Cour d’appel fédérale de lui soumettre des observations sur l’opportunité d’entendre ou non l’appel devenu théorique.

[41]      Je suis d’avis que les raisons invoquées par le défendeur pour justifier une mise en suspens dans la présente affaire comportent trop d’éléments conjecturaux pour qu’elle soit dans l’intérêt de la justice. De plus, à l’instar de la Cour dans l’affaire Sabitu, je ne suis pas convaincue que l’expression « voies d’appel » à l’alinéa 72(2)a) de la LIPR comprenne un droit à la réouverture (Sabitu, précité, aux paragraphes 38 et 54).

[42]      Gardant à l’esprit les facteurs énoncés dans la décision Al Mansuri, je conclus que cette question soulevée tardivement est suffisamment préjudiciable au demandeur pour justifier le rejet de la demande de mise en suspend du défendeur, et ce, pour plusieurs motifs. Tout d’abord, le défendeur n’a pas fourni d’explication satisfaisante quant à la raison pour laquelle il a attendu de soumettre son mémoire complémentaire pour soulever cette question, d’autant plus qu’il a admis que ces observations reprenaient intégralement celles contenues dans le mémoire qu’il a déposé dans le dossier no A-133-21 de la Cour d’appel fédérale le 4 août 2021.

[43]      Ensuite, je suis d’accord avec le demandeur pour dire que, alors que le défendeur a eu amplement le temps — et j’ajouterai, amplement d’occasions — depuis le 4 août 2021 de soulever cette question, le demandeur n’a pas eu suffisamment de temps pour y répondre, et ce, même si elle a été soulevée dans le cadre d’une discussion entre les avocats des parties peu avant l’audience.

[44]      Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, l’affaire a déjà été mise en suspens une fois, de sorte que l’affaire était pendante depuis plus de deux ans à la date de l’audience sur le contrôle judiciaire, puisque la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée en septembre 2019.

B.    Manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle

[45]      À mon avis, la question déterminante en l’espèce concerne un manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle attribuable à l’incompétence de l’avocat. Bien que l’intervenant affirme qu’il y a également eu un manquement à l’équité procédurale en raison du non-respect par la SPR de sa propre procédure et du refus de la SPR de permettre au demandeur de présenter des observations écrites après la clôture de l’audience de la SPR, je n’en suis pas convaincue. Je vais examiner à tour de rôle chacun des manquements à l’équité procédurale invoqués, après avoir examiné la demande formulée par l’intervenant au sujet de l’ordre dans lequel les questions relatives aux manquements à l’équité procédurale et au caractère raisonnable devraient être traitées.

[46]      L’intervenant fait valoir que la Cour devrait aborder la question du caractère raisonnable de la décision et celle de l’équité procédurale en fonction des arguments qu’il avance. Le raisonnement de l’intervenant est que si l’une ou l’autre de ces questions était déterminante, il ne serait pas nécessaire d’examiner les actes qu’on lui reproche en tant qu’ancien représentant du demandeur. Je ne suis pas d’accord, et ce, pour deux raisons. Premièrement, l’intervenant n’a pas étayé cette proposition. Deuxièmement, la présente affaire concerne la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur, qui a expliqué dans son mémoire complémentaire que son allégation de manquement à la justice naturelle prenait sa source dans l’incompétence de l’intervenant. L’intervenant a toutefois reconnu à juste titre que le caractère raisonnable de la décision était par ailleurs « non pertinent » dans la mesure où sa participation à la présente instance est en cause, car la position de l’intervenant n’a à mon avis fait qu’appuyer la thèse du demandeur concernant le caractère raisonnable (Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 267, au paragraphe 9).

(1)  Incompétence de l’avocat

[47]      Je suis convaincue que le cumul des actions ou omissions de l’intervenant a causé un préjudice important au demandeur et a eu une incidence sur l’issue de la décision. Notre Cour reconnaît depuis longtemps que, dans des circonstances exceptionnelles, le comportement d’un avocat peut donner lieu à une allégation de manquement à l’équité procédurale et justifier que le décideur administratif statue à nouveau sur l’affaire, mais uniquement si la faute reprochée « relève de l’incompétence professionnelle [ou de la négligence] et que l’issue de la cause aurait été différente, n’eût été le comportement fautif de l’avocat » (renvois omis) (Rezko c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 6, au paragraphe 5. Voir également Shirwa c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 51, 1993 CanLII 3026  (1re inst.), aux pages 60–61; Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368, aux paragraphes 24–27; Rodrigues c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 77, [2008] 4 R.C.F. 474, aux paragraphes 39–40; Memari c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, [2012] 2 R.C.F. 350 (Memari), aux paragraphes 36 et 64; El Kaissi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1234, aux paragraphes 15–19 et 33; Pathinathar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1225, au paragraphes 38; Mcintyre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1351 (Mcintyre), aux paragraphes 33–34).

[48]      Le critère applicable à la conduite susceptible d’examen d’un avocat comporte trois volets, et c’est au demandeur qu’il incombe d’établir chacun des trois volets de ce critère, à savoir que :

i)     les omissions ou les actes de l’ancien représentant constituaient de l’incompétence ou de la négligence;

ii)    n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que le résultat aurait été différent (autrement dit, la conduite reprochée a entraîné un déni de justice);

iii)   le représentant a bénéficié d’une possibilité raisonnable de répondre aux allégations (Rendon Segovia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 99 (Rendon Segovia), au paragraphe 22; Gombos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 850 (Gombos), au paragraphe 17).

[49]      On présume au départ que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable (R. c. G.D.B., 2000 CSC 22, [2000] 1 R.C.S. 520, au paragraphe 27; Gombos, précité, au paragraphe 17). De plus, il n’est pas nécessaire de porter plainte devant l’organisme régissant la profession de l’ancien représentant; il suffit d’informer cet organisme de l’allégation d’incompétence et de donner à l’ancien représentant la possibilité d’y répondre (Guadron c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092 (Guadron), au paragraphe 16; Basharat c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 559, aux paragraphes 14–15).

[50]      Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que le premier volet du critère a été respecté en raison des nombreuses erreurs et omissions de l’intervenant qui, à mon avis, constituent de l’incompétence (Memari, précité, aux paragraphes 38–39). Comme je le précise ci-dessous, je suis à tout le moins convaincue que l’intervenant a fait défaut d’obtenir et de présenter des documents qui revêtaient une grande importance pour la cause du demandeur et qu’il n’a pas formulé d’observations sur la seule question dont était saisie la SPR, à savoir le statut du demandeur en Suisse et sa possible exclusion en application de la section E de l’article premier de la Convention (Mcintyre, précité, au paragraphe 34; Rendon Segovia, précité, aux paragraphes 21–31).

[51]      Le demandeur et l’intervenant ne s’entendent pas sur l’identité de la personne à qui il incombait d’obtenir les documents établissant le statut du demandeur en Suisse. J’estime qu’il ressort toutefois du dossier que l’intervenant n’a pas entrepris de démarches sérieuses pour obtenir la preuve attestant le statut du demandeur, que ce dernier a aisément obtenu après l’audience et la décision de la SPR. Il n’est pas non plus évident que, subsidiairement, l’intervenant a entrepris des démarches conséquentes pour obtenir ou pour s’assurer que son ancien client obtienne — ou qu’il ait bien compris à qui il incombait de se procurer ces documents, d’autant plus que son ancien client ne parle pas anglais — les documents établissant son statut d’immigrant en Suisse. En outre, ce n’est que trois jours avant l’audience que l’intervenant a demandé la modification de la date et de l’heure de l’audience en prétextant qu’il avait besoin de temps pour se procurer ces documents, la demande précédente étant fondée sur les tentatives en cours en vue de retrouver les documents relatifs aux demandes d’asile de l’épouse et des enfants du demandeur.

[52]      Les éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire comprennent l’affidavit dans lequel le demandeur confirme notamment les démarches qu’il a entreprises en octobre 2019 pour obtenir par courriel son statut d’immigrant suisse auprès du consulat suisse à Montréal. L’avocat spécialisé en droit familial de son épouse a communiqué au demandeur l’adresse courriel du consulat, après l’audience de la SPR. Le demandeur a reçu par simple courriel, en quelques semaines à peine, une réponse lui indiquant son statut d’immigrant qui, au 7 novembre 2019, était expiré et ne lui conférait plus un droit de résidence valide en Suisse.

[53]      Bien qu’en principe l’affidavit souscrit après la date de la décision administrative contestée ne soit pas admissible dans le cadre d’un contrôle judiciaire, la Cour peut faire une exception lorsque le document est pertinent pour trancher une question d’équité procédurale ou de justice naturelle (Association des universités et collèges du Canada c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, au paragraphe 20; Bernard c. Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, au paragraphe 25). Je suis donc convaincue de l’admissibilité d’au moins la partie de l’affidavit dans laquelle le demandeur explique en détail les démarches qu’il a entreprises pour être informé de son statut après l’audience de la SPR, y compris la copie de la réponse par courriel qu’il a reçue du consulat de Suisse.

[54]      Je suis d’avis que le dossier montre aussi que l’intervenant n’a pas produit de documents propres au pays concernant le statut d’immigrant du demandeur en Suisse qui démontreraient que, compte tenu du temps passé à l’étranger, une personne se trouvant dans la situation du demandeur ne conserverait plus son statut de résident permanent et n’aurait pas le droit de rentrer au pays, et dans quelles circonstances, le cas échéant, cette personne pourrait recouvrer son statut de résident permanent. Même si le demandeur n’avait pas de statut d’immigrant particulier, ces documents généraux auraient pu, comme l’a démontré la SPR à l’audience, être obtenus et s’avérer utiles lors de la présentation des observations orales devant la SPR.

[55]      La transcription de l’audience de la SPR ainsi que l’affidavit souscrit par le demandeur à l’appui de sa demande révèlent qu’en effectuant ses propres recherches sur les divers types de statuts en Suisse, la SPR a repéré un document intitulé « Legal Expat Geneva » (LEXpat) et que ce document a été communiqué à l’intervenant lors de l’audience de la SPR. Le document LEXpat est absent du dossier certifié du tribunal (le DCT) qui a été envoyé à la Cour dans le cadre de la présente affaire, mais il était annexé à l’affidavit souscrit par le demandeur à l’appui de sa demande. Pour la même raison que celle que j’ai déjà donnée, je conclus que cette preuve est admissible.

[56]      En bref, j’estime que l’absence de tout document concernant le statut d’immigrant du demandeur en Suisse ou le statut général des immigrants en Suisse équivaut à un « défaut du représentant de présenter des éléments de preuve qui, de toute évidence, auraient dû être présentés et pour lesquels ce défaut défie toute logique » (Guadron, précité, au paragraphe 25). Ni la réponse donnée par l’intervenant aux allégations formulées contre lui ni l’affidavit qu’il a souscrit à l’appui de sa requête en intervention dans la présente affaire ne sauraient écarter ma conclusion à cet égard. À mon avis, « [i]l incombait [au] représentan[t] […], après avoir accepté le mandat, d’informer [la SPR] aussi rigoureusement que possible de tous éléments factuels clés pertinents de la [demande d’asile du demandeur] » (Guadron, précité, au paragraphe 27).

[57]      De plus, au lieu de signaler les incohérences que comportent le formulaire de demande et l’exposé circonstancié du formulaire Fondement de la demande du demandeur — sans preuve qu’il ait essayé de les comprendre ou de les concilier — ou reprocher à son client et à la famille de ce dernier leur manque de coopération — par exemple, dans sa réponse aux allégations formulées contre lui —, l’intervenant avait l’obligation, pour citer les déclarations du juge Diner que je trouve particulièrement appropriées en l’espèce, « […] en sa qualité de représentan[t] léga[l] dûment nomm[é] au titre de la Loi, […] de faire les tentatives raisonnables pour trouver les renseignements cruciaux exigés afin que [le demandeur] surmonte [la prétention à première vue établie par le défendeur]. Dire que [le demandeur] (ou sa famille) n’a pas fourni spontanément ce qu’il fallait n’est pas suffisant. Cette façon de faire mine la raison pour laquelle on retient les services d’un représentant autorisé, que ce soit un avocat ou, comme en l’espèce, un consultant. Conclure autrement reviendrait en fait à se demander pourquoi il faudrait se donner la peine de retenir les services d’un professionnel » (Guadron, au paragraphe 29).

[58]      De plus, lorsque l’occasion lui a été offerte, à l’audience de la SPR, de formuler des observations verbales, l’intervenant a déclaré qu’il n’était ni disposé ni préparé à le faire. Comme dans l’affaire Rendon Segovia, l’intervenant aurait dû savoir que le statut suisse du demandeur était une question centrale qui serait examinée à l’audience, compte tenu de la lettre du 15 avril 2019 adressée par la CISR et à IRCC et de l’avis d’intention d’intervenir du 30 juillet 2019 du défendeur. À mon avis, ces actions et ces omissions vont au-delà non seulement de l’affirmation du défendeur selon laquelle il s’agit simplement d’une situation où tout le monde a sa propre version des faits, mais aussi de toute prétention voulant que ces actions et ces omissions se révèlent seulement avec le bénéfice du recul (Guadron, précité, au paragraphe 36).

[59]      Il ne fait aucun doute que le défaut de présenter des observations sur la question déterminante dans une décision constitue de l’incompétence, d’autant plus que des observations doivent être présentées oralement à la fin de l’audience, à moins d’une décision contraire de la SPR (Rendon Segovia, précité, au paragraphe 25; Règles de la Section de la protection des réfugiés, paragraphe 10(7)). Ainsi que le juge Diner l’indique également (dans Rendon Segovia, au paragraphe 25) : « [c]ela est particulièrement le cas lorsque le tribunal d’appel rappelle au représentant la question clé soulevée par la décision contestée, comme cela s’est produit en l’espèce. En d’autres mots, nous ne sommes pas en présence d’une situation dans laquelle les actes de la conseillère en immigration sont visés par la présomption habituelle du “large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable” avec l’avantage de la “sagesse rétrospective” (G.D.B., au par. 27) ».

[60]      Je suis également convaincue qu’il y a eu un déni de justice en l’espèce, car, n’eût été la conduite alléguée, il existe une probabilité raisonnable que le résultat aurait été différent (Rendon Segovia, précité, au paragraphe 31). La probabilité d’un résultat différent n’eût été le défaut d’obtenir des renseignements sur le statut d’immigrant suisse, ressort des déclarations formulées à plusieurs reprises en ce sens par la SPR, tant à l’audience que dans ses motifs.

[61]      Par exemple, la SPR affirme, dans sa décision :

[…] j’estime que vous n’avez pas établi que vous n’êtes désormais plus un résident permanent de la Suisse. Je dis ceci, car à la fois vous et votre conseil avez reçu un avis écrit de la Commission le 15 avril 2019 vous informant que votre statut en Suisse serait une question à trancher durant cette procédure. […] Jusqu’ici, vous n’avez présenté aucun document à l’appui de vos affirmations selon lesquelles vous n’avez plus de statut dans ce pays. […] Quand je vous ai demandé pourquoi vous n’aviez pas obtenu les documents auprès des autorités suisses, vous avez répondu que vous ne saviez pas que vous deviez le faire. J’estime que cette explication n’est pas raisonnable, compte tenu du fait que vous êtes représenté par un avocat depuis de nombreux mois. » (Non souligné dans l’original.)

[62]      La question déterminante soumise à la SPR était celle du statut du demandeur en Suisse et de sa possible exclusion par application de la section E de l’article premier de la Convention, comme la SPR l’a très clairement indiqué dans sa correspondance avant l’audience ainsi qu’à l’ouverture de l’audience. La transcription de l’audience de la SPR montre que le commissaire a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Donc, les questions soulevées dans la présente demande sont l’identité, la crédibilité, la possibilité de se réclamer à nouveau de la protection du pays, le défaut de demander l’asile aux États-Unis et le retard à présenter une demande d’asile au Canada. Mais avant d’en discuter, nous devons trancher la question préliminaire de l’exclusion en vertu de la section E de l’article premier de la Convention. J’ai bien l’intention dans le cadre de la présente audience d’insister sur cette question et il est possible que nous ne nous attaquions pas au bien-fondé de la demande. Il est possible que nous le fassions, mais la présente audience portera d’abord et avant tout sur la question de l’exclusion.

[63]      Comme notre Cour l’a déjà dit, la SPR n’aurait pas envoyé ce message si elle n’avait pas estimé qu’il y avait une grave omission (Rendon Segovia, précité, au paragraphe 32; Mcintyre, précité, au paragraphe 37). À mon avis, il y a une probabilité raisonnable que, si l’intervenant avait présenté des éléments de preuve sur le véritable statut d’immigrant du demandeur en Suisse ou d’autres éléments de preuve indiquant que, compte tenu de sa situation, le demandeur avait perdu le statut de résident permanent en Suisse, réfutant ainsi la prétention à première vue établie par le défendeur, la SPR aurait statué sur le fond de la demande d’asile du demandeur et rendu une décision différente. Comme la SPR n’a pas examiné les autres questions susmentionnées relatives à la demande d’asile du demandeur, la Cour n’est pas en mesure d’évaluer de façon raisonnable ce que le résultat aurait pu être, et encore moins de le déterminer avec une probabilité raisonnable. À mon avis, le mieux qu’on puisse dire dans les circonstances, c’est que si la perte de la résidence suisse du demandeur avait été démontrée à la satisfaction de la SPR, le résultat aurait été différent, en ce sens que l’exclusion n’aurait plus été la question déterminante.

[64]      Vu ce qui précède, je suis convaincue de ce qui suit :

(i)    les effets cumulatifs des actes et omissions de l’intervenant constituaient de l’incompétence

(ii)   cette incompétence a entraîné un déni de justice

(iii)  l’intervenant a eu la possibilité de répondre et de faire valoir son point de vue.

Je conclus par conséquent qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne la décision contestée.

(2)  Non-respect par la SPR de sa propre procédure

[65]      Je ne suis pas convaincue que l’intervenant soit nécessairement irrecevable à soulever cette question ni qu’elle a été soulevée si tard dans la procédure qu’elle était inéquitable pour les parties. J’estime toutefois que l’intervenant n’a pas démontré que la SPR s’est fondée à tort sur le document LEXpat ou qu’elle a refusé injustement la demande présentée par le demandeur en vue de déposer des observations écrites après l’audience de la SPR.

[66]      Étant donné que, dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur se plaint de façon générale d’un manquement à la justice naturelle, sans fournir de détails ni apporter de réserves, et parce que le demandeur se plaint du traitement que la SPR a réservé au document LEXpat — quoique dans le contexte du caractère raisonnable de la décision —, je ne peux conclure que la question de savoir si la SPR s’est fondée à tort sur le document LEXpat est entièrement nouvelle (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Conseil canadien pour les réfugiés, 2021 CAF 13, au paragraphe 28, Puigdemont Casamajo c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2021 CF 774, au paragraphe 9).

[67]      Je ne suis pas non plus d’accord avec le défendeur pour dire que cette question a été soulevée si tard qu’elle était inéquitable pour les parties. Sur le plan chronologique, je constate que l’intervenant a soulevé la question de l’équité procédurale dans sa requête en intervention plus de deux semaines avant l’audience que j’ai présidée, alors que le défendeur n’a soulevé la question de la suspension que quatre jours avant l’audience, comprenant un week-end. Même si le défendeur n’a pas formulé d’observations particulières au sujet du moment choisi pour soulever la question de la suspension, je considère qu’il l’a fait implicitement en soulevant cette question pour la première fois — du point de vue de la Cour — dans son mémoire complémentaire. Dans ces conditions, je conclus que la position du défendeur concernant la présentation tardive de la question de l’équité procédurale par l’intervenant est incohérente et non défendable.

[68]      Il n’est pas contesté que la SPR a parlé du document LEXpat lors de l’audience qui a eu lieu devant elle, mais que le document n’a pas été versé en preuve. Le défendeur n’a pas été en mesure d’expliquer, lors de l’audience que j’ai présidée, pourquoi le document ne se retrouvait pas dans le DCT. On trouve toutefois une copie du document dans le dossier du demandeur. En outre, je suis convaincue que la SPR a fait allusion à l’audience au document LEXpat — sans toutefois le désigner nommément — en déclarant ce qui suit : [traduction] « […] je vais vous communiquer certains documents […] il s’agit simplement de documents provenant de cabinets d’avocats de Genève qui parlent des divers types de statuts en Suisse et des droits et obligations que l’on peut avoir, comment les obtenir et comment les perdre, ce genre de choses ».

[69]      L’intervenant affirme que la SPR a violé la règle 33 des Règles de la Section de la protection des réfugiés en ne communiquant pas ce document au demandeur cinq ou dix jours avant l’audience. Je ne suis pas de cet avis. Après avoir consulté les règles 33 et 34 des Règles reproduits dans le mémoire de l’intervenant, je constate que le paragraphe 34(3), qui mentionne les délais en question, s’applique à l’utilisation d’un document par une partie à l’audience. En revanche, le paragraphe 33(1) vise l’utilisation par la SPR d’un document à l’audience et prévoit simplement que la SPR en transmet une copie aux parties. Il est muet sur le délai dans lequel elle doit le faire. De plus, on ne trouve pas d’équivalent du paragraphe 34(3) à la règle 33. Je suis convaincue qu’en communiquant le document au demandeur à l’audience, la SPR n’a pas enfreint la règle 33 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, d’autant plus qu’une copie de ce document se trouvait déjà au dossier du demandeur. La SPR n’a donc pas commis d’erreur. Toutefois, si j’ai tort, j’estime que l’erreur n’a pas eu d’incidence sur le résultat — en ce sens qu’elle n’aurait rien changé à l’issue de la demande, pour la raison exposée, et qu’elle ne justifie par conséquent pas l’annulation de la décision (Luswa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 289, au paragraphe 20).

[70]      Contrairement à l’affirmation du défendeur selon laquelle la décision est muette au sujet du document LEXpat, je suis convaincue que la SPR y fait de nouveau référence dans l’extrait qui suit : « [e]n outre, comme il était précisé dans les documents communiqués, le simple fait de quitter la Suisse n’annule pas non plus automatiquement le statut de résident permanent d’une personne » (non souligné dans l’original.)

[71]      Je ne suis toutefois pas convaincue que la SPR a fondé sa décision uniquement sur ce document. Elle a plutôt estimé que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de réfuter la prétention à première vue établie par le défendeur selon laquelle il était exclu par application de la section E de l’article premier de la Convention. À mon avis, cela ressort clairement de plusieurs observations et conclusions formulées par la SPR dans ses motifs. Ainsi, la SPR fait observer ceci : « dans son avis d’intervention daté du 29 juillet 2019, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a fait valoir, en se fondant sur des éléments de preuve prima facie, que vous êtes actuellement un résident permanent de la Suisse et que vous n’avez pas perdu ce statut, comme vous le prétendez », et plus loin, « il ne semble pas y avoir de raison empêchant le demandeur d’asile de réclamer les documents auprès des autorités suisses pour régler la question d’une possible exclusion au titre de la section E de l’article premier ».

[72]      La SPR a conclu ce qui suit :

[…] lorsque le ministre établit prima facie que le demandeur d’asile est exclu au titre de la section E de l’article premier, il incombe au demandeur d’asile de le réfuter […].

Je vous ai expliqué à l’audience aujourd’hui que vous deviez me présenter des éléments de preuve attestant que vous avez perdu votre statut de résident permanent en Suisse. J’estime que vous ne vous êtes pas acquitté de ce fardeau. Le simple fait de remettre une carte de résident permanent à un ami n’annule pas automatiquement votre statut dans ce pays. […] En résumé, je juge que vous n’avez pas établi que vous n’avez plus le statut de résident permanent en Suisse.

(L’extrait supprimé entre crochets dans le dernier paragraphe correspond au passage de la décision où se trouve la citation reproduite dans les présents motifs au paragraphe 70.)

[73]      À mon avis, la décision reposait sur la prétention à première vue établie par le défendeur et sur le défaut du demandeur de réfuter cette preuve en présentant des éléments de preuve concernant son statut actuel en Suisse. Du point de vue de la SPR, le document LEXpat a servi à renforcer, plutôt qu’à réfuter, la prétention à première vue établie. Je ne suis donc pas convaincue que la SPR a commis une erreur ou a fait preuve d’iniquité procédurale en refusant d’accorder au demandeur la possibilité de formuler des observations écrites après l’audience. Le demandeur avait été informé de sa possible exclusion par application de la section E de l’article premier dès le mois d’avril 2019, soit quelque quatre mois avant l’audience, et il a eu amplement le temps de préparer des observations, dans le contexte où le paragraphe 10(7) des Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoit que les observations se font oralement à la fin de l’audience, à moins d’une décision contraire de la SPR.

C.   Caractère raisonnable de la décision

[74]      Je ne suis pas convaincue que la décision soit déraisonnable.

[75]      Le demandeur reproche à la SPR la façon dont elle a interprété le document LEXpat et affirme que ce document permet d’affirmer que [traduction] « les personnes se trouvant dans la situation de M. Kandiah — c’est-à-dire ayant passé plus de six mois à l’étranger — n’auraient plus le droit de revenir en Suisse à titre de résidents permanents. Ces personnes seraient assujetties aux mêmes conditions d’entrée que tout étranger ».

[76]      Le document LEXpat précise simplement ce qui suit : [traduction] « [l]e permis C expire après six mois passés à l’extérieur de la Suisse; toutefois, une autorisation d’absence peut être demandée dans certains cas pour suspendre un permis C pour une période maximale de quatre ans pendant que l’intéressé vit à l’étranger ».

[77]      À mon avis, les observations formulées par le demandeur à cet égard reviennent à demander à la Cour d’évaluer de nouveau le document LEXpat, ce qui n’est pas le rôle de la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire.

VI.   Dispositif

[78]      Pour les motifs qui ont été exposés, je fais donc droit à la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Compte tenu de l’incompétence de l’ancien représentant du demandeur, l’intervenant, j’estime que le demandeur a fait l’objet d’un déni de justice naturelle et, par conséquent, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen et nouvelle décision. En outre, la SPR doit donner au demandeur la possibilité de déposer des éléments de preuve concernant non seulement son statut d’immigrant en Suisse, mais également toute autre question applicable.

VII.  Question proposée aux fins de certification

[79]      En ce qui concerne la question préliminaire relative à la possibilité de suspendre l’affaire, le défendeur a proposé que la question suivante soit certifiée, conformément à l’article 18 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22 :

Le demandeur d’asile doit-il d’abord demander à la SPR la réouverture de sa demande d’asile pour des motifs de justice naturelle avant de pouvoir saisir la Cour d’une demande de contrôle de la décision pour les mêmes motifs?

[80]      Après avoir instruit la présente affaire, j’ai donné au défendeur et au demandeur l’occasion de formuler de brèves observations sur la question dont la certification est proposée. Pour les motifs qui suivent, je suis disposée à faire droit à la demande présentée par le défendeur en vue de faire certifier une question.

[81]      Les parties conviennent, tout comme moi, que le critère que notre Cour doit appliquer pour décider s’il y a lieu de certifier une question proposée comporte au moins quatre volets, à savoir :

(i)    La question est-elle une question sérieuse permettant de trancher l’appel?

(ii)   La question transcende-t-elle les intérêts des parties au litige?

(iii) S’agit-il d’une question de portée générale?

(iv) La question découle-t-elle de l’affaire elle-même et a-t-elle été examinée par la Cour? (critères de l’arrêt Lunyamila) (Lunyamila c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, [2018] 3 R.C.F. 674 (Lunyamila), au paragraphe 46).

[82]      L’exigence préliminaire qui s’applique à la certification consiste à déterminer si la question permet de trancher l’appel (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zazai, 2004 CAF 89 (Zazai), au paragraphe 11). Le corollaire de cette exigence préliminaire est qu’il doit s’agir d’une question qui a été soulevée et qui a été jugée par la juridiction inférieure (Zazai, au paragraphe 12; Lunyamila, précité, au paragraphe 46).

[83]      Je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que la décision orale que j’ai rendue sur cette question peut être qualifiée d’une conclusion qu’il n’est pas nécessaire d’examiner cette question. Au contraire, après avoir entendu les arguments des parties au sujet de la demande tardive présentée par le défendeur en vue de faire suspendre la demande de contrôle judiciaire, et après avoir pris une courte pause pour examiner la question, j’ai tranché celle-ci. J’ai rejeté la demande du défendeur et j’ai indiqué que je communiquerais des motifs supplémentaires lorsque je rendrais ma décision sur l’ensemble de la demande de contrôle judiciaire. Ces motifs supplémentaires se trouvent dans la présente décision. Je tiens à préciser qu’à mon avis, il était nécessaire de trancher la question dès l’ouverture de l’audience, car, si l’on m’avait convaincue de faire droit à la demande du défendeur, la poursuite de l’instruction sur les autres questions n’aurait pas constitué une bonne utilisation des ressources judiciaires et n’aurait pas été dans l’intérêt de la justice. Je constate par ailleurs que, dans l’arrêt Zazai, la Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire à la juridiction de première instance pour qu’elle tranche la question — c’est-à-dire la question certifiée — qui, selon elle, n’avait pas été examinée par le juge de première instance (Zazai, au paragraphe 13).

[84]      Je suis convaincue que la question proposée découle de la présente affaire. De plus, étant donné que la question constituait le fondement de la demande de suspension du défendeur et que je l’ai examinée dans les présents motifs, je suis également convaincue que, dans ces conditions, cette question permettrait de trancher l’appel, si un appel était interjeté, malgré ma conclusion sur l’incompétence de l’ancien représentant du demandeur (Nguesso c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CAF 145, au paragraphe 21).

[85]      Il s’agit à mon avis d’une question grave et je conviens avec le défendeur qu’elle transcende les intérêts des parties et qu’elle soulève une question de grande importance ou de portée générale.

[86]      Je ne suis pas d’accord avec la position du demandeur selon laquelle la question proposée ne devrait pas être certifiée. Dans les observations qu’il a formulées après l’audience, le demandeur a reproché au défendeur le moment qu’il avait choisi pour proposer la question à certifier parce qu’il n’avait pas avisé l’avocat de la partie adverse de son intention de certifier cette question au moins cinq jours avant l’audience conformément aux Lignes directrices sur la pratique dans les instances intéressant la citoyenneté, l’immigration et les réfugiés datées du 5 novembre 2018 (Adeosun c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1089 (Adeosun), au paragraphe 76). J’estime toutefois qu’il y a lieu d’établir une distinction entre la présente espèce et l’affaire Adeosun, parce que le premier facteur dont le juge Little a tenu compte pour décider s’il devait refuser de certifier la question proposée était motivé par la nature de la demande présentée dans cette affaire (Adeosun, au paragraphe 77). En l’espèce, le demandeur reconnaît que les circonstances de l’affaire dont je suis saisi sont quelque peu différentes. Je conclus que le demandeur a par ailleurs très peu motivé sa position.

[87]      Je suis donc disposée à certifier une question allant dans le même sens que celle proposée par le défendeur. Toutefois, après avoir examiné la question plus à fond, je crois qu’il faut la reformuler. Premièrement, la question déterminante en l’espèce ne concerne pas seulement toute décision de la SPR, mais uniquement celles à l’égard desquelles le demandeur d’asile n’a pas le droit d’interjeter appel auprès de la SAR. À mon avis, il s’agit de la seule raison pour laquelle le droit de rouvrir une demande d’asile devant la SPR pourrait être considéré comme une solution de rechange adéquate ou comme une voie d’appel au sens de l’alinéa 72(2)a) de la LIPR.

[88]      Dans ces conditions, je certifie donc la question grave de portée générale suivante :

[traduction] L’expression « voies d’appel » visée à l’alinéa 72(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 7, inclut-elle la demande de réouverture d’une demande d’asile réglée par la Section de la protection des réfugiés, lorsque le demandeur n’a pas le droit d’en appeler à la Section d’appel des réfugiés, pour manquement à un principe de justice naturelle, selon le paragraphe 62(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés ou, subsidiairement, la possibilité de demander la réouverture d’une demande d’asile constitue-t-elle une solution de rechange adéquate de telle sorte que le demandeur, dans un cas comme dans l’autre, doit d’abord demander la réouverture de la demande d’asile pour des motifs de justice naturelle avant de pouvoir demander le contrôle judiciaire?

JUGEMENT dans le dossier IMM-5445-19

LA COUR STATUE que :

1.    La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie.

2.    La décision rendue le 9 août 2019 par la Section de la protection des réfugiés est annulée et l’affaire est renvoyée à la SPR pour nouvelle audience et nouvelle décision par un tribunal différemment constitué.

3.    La SPR doit donner au demandeur la possibilité de présenter des éléments de preuve concernant non seulement son statut d’immigrant en Suisse, mais également toute autre question applicable.

4.    La question grave de portée générale suivante est certifiée :

[traduction] L’expression « voies d’appel » visée à l’alinéa 72(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 7, inclut-elle la demande de réouverture d’une demande d’asile réglée par la Section de la protection des réfugiés, lorsque le demandeur n’a pas le droit d’en appeler à la Section d’appel des réfugiés, pour manquement à un principe de justice naturelle, selon le paragraphe 62(1) des Règles de la Section de la protection des réfugiés ou, subsidiairement, la possibilité de demander la réouverture d’une demande d’asile constitue-t-elle une solution de rechange adéquate de telle sorte que le demandeur, dans un cas comme dans l’autre, doit d’abord demander la réouverture de la demande d’asile pour des motifs de justice naturelle avant de pouvoir demander le contrôle judiciaire?

ANNEXE A : DISPOSITIONS APPLICABLES

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6., 189 R.T.N.U. 151

Article premier

Définition du terme « réfugié »

[…]

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)

Demande d’autorisation

72 (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est, sous réserve de l’article 86.1, subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

Application

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent à la demande d’autorisation :

a) elle ne peut être présentée tant que les voies d’appel ne sont pas épuisées;

[…]

Définition de réfugié

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays ;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

Personne à protéger

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité… exposée :

[…]

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Exclusion par application de la Convention sur les réfugiés

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256

Observations faites oralement

10 (7) Les observations se font oralement à la fin d’une audience, à moins d’une décision contraire de la Section.

Communication de documents par la Section

33 (1) Sous réserve du paragraphe (2), pour utiliser un document à une audience, la Section en transmet une copie aux parties.

Communication de documentation relative à un pays par la Section

(2) La Section peut communiquer la documentation relative à un pays en transmettant aux parties une liste de ces documents ou en transmettant des renseignements concernant l’endroit où une liste de ces documents se trouve sur le site Internet de la Commission.

Communication de documents par une partie

34 (1) Pour utiliser un document à une audience, une partie en transmet une copie à l’autre partie, le cas échéant, et une copie à la Section.

[…]

Délai

(3) Les documents transmis en application de la présente règle doivent être reçus par leurs destinataires au plus tard, selon le cas :

a) dix jours avant la date fixée pour l’audience;

b) si le document est transmis en réponse à un document reçu d’une partie ou de la Section, cinq jours avant la date fixée pour l’audience.

Demande de réouverture d’une demande d’asile

62 (1) À tout moment avant que la Section d’appel des réfugiés ou la Cour fédérale rende une décision en dernier ressort à l’égard de la demande d’asile qui a fait l’objet d’une décision ou dont le désistement a été prononcé, le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir cette demande d’asile.

[…]

Allégations à l’égard d’un conseil

(4) S’il est allégué dans sa demande que son conseil, dans les procédures faisant l’objet de la demande, l’a représenté inadéquatement :

a) le demandeur d’asile transmet une copie de la demande au conseil, puis l’original à la Section ;

b) la demande transmise à la Section est accompagnée d’une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon la copie de la demande a été transmise au conseil.

Demande subséquente

(8) Si la partie a déjà présenté une demande de réouverture qui a été refusée, la Section prend en considération les motifs du refus et ne peut accueillir la demande subséquente, sauf en cas de circonstances exceptionnelles fondées sur l’existence de nouveaux éléments de preuve.

Autres recours

(9) Si un appel en instance à la Section d’appel des réfugiés, une demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire en instance ou une demande de contrôle judiciaire en instance est fondé sur des motifs identiques ou similaires, la Section, dès que possible, soit accueille la demande de réouverture si cela est nécessaire pour traiter avec célérité et efficacité une demande d’asile, soit rejette la demande.

Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257

Demande de réouverture d’un appel

49 (1) À tout moment avant que la Cour fédérale rende une décision en dernier ressort à l’égard de l’appel qui a fait l’objet d’une décision ou dont le désistement a été prononcé, l’appelant peut demander à la Section de rouvrir cet appel.

Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22

Jugement sur la demande de contrôle judiciaire

18 (1) Le juge, avant de rendre jugement sur la demande de contrôle judiciaire, donne aux parties la possibilité de lui demander de certifier que l’affaire soulève une question grave de portée générale, tel que le prévoit l’alinéa 22.2d) de la Loi sur la citoyenneté et l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

(2) La partie qui demande au juge de certifier que l’affaire soulève une question grave de portée générale doit spécifier cette question.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.