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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

 

A-79-20

2022 CAF 50

Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (appelant)

c.

Maria Camila Galindo Camayo (intimée)

et

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés (intervenants)

Répertorié : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Galindo Camayo

Cour d’appel fédérale, juges Stratas, Rivoalen et Mactavish, J.C.A.—Par vidéoconférence, 8 décembre 2021; Ottawa, 29 mars 2022.

  Citoyenneté et Immigration — Statut au Canada — Réfugiés au sens de la Convention et personnes à protéger — Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale annulant une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — La SPR a conclu que l’intimée, une personne ayant qualité de personne à protéger au Canada, avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement de la Colombie — En contrôle judiciaire, la Cour fédérale a déterminé que la conclusion de la SPR était déraisonnable et a ordonné que l’affaire soit renvoyée à un tribunal de la SPR constitué différemment pour nouvel examen — Des questions ont également été certifiées — L’appelant a fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la décision de la SPR était déraisonnable — Il s’agissait de déterminer s’il était raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci a l’intention de se réclamer de la protection de cet État et s’il était raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État — La gravité de l’impact de la décision de la SPR sur l’intimée a accru le devoir de la SPR d’expliquer sa décision — La perte du statut de réfugié ou de personne protégée a incontestablement eu de graves conséquences pour l’intimée — La décision de la SPR n’était pas raisonnable — Un grand nombre de questions se sont posées quant à l’interprétation correcte de l’article 108 de la Loi — La SPR s’est contentée d’énoncer sa propre vision de ce qu’exige l’article 108, sans véritable analyse — Bien qu’il faille tenir compte du fait que la SPR est un organe de décision administrative qui a sa propre façon de traiter et de formuler les questions juridiques, même en accordant cette marge de manœuvre à la SPR, elle n’a pas été à la hauteur en l’occurrence — Bien qu’il existe une présomption selon laquelle les réfugiés qui acquièrent des passeports délivrés par leur pays de nationalité et les utilisent pour se rendre dans ce pays ou dans un pays tiers ont eu l’intention de se réclamer de la protection de leur pays de nationalité, cette présomption est réfutable — La SPR aurait donc dû procéder à une évaluation individualisée de tous les éléments de preuve dont elle disposait pour déterminer si la présomption selon laquelle l’intimée s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité avait été réfutée en l’espèce — L’intimée a témoigné qu’elle ne savait pas que l’utilisation de son passeport colombien pour voyager en Colombie et ailleurs pouvait entraîner des conséquences sur son statut d’immigration au Canada — La SPR a rejeté cette allégation parce qu’elle a estimé que l’ignorance de la loi ne constituait pas un argument valable — La SPR devait tenir compte de l’état de la connaissance réelle et de l’intention de l’intimée avant de conclure qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie — La Cour fédérale a eu raison de dire que, sans cette analyse, la conclusion de la SPR sur le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité n’était pas un résultat défendable et qu’elle était donc déraisonnable — La SPR a également confondu la question du caractère volontaire avec celle de l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, ce qui a conduit, en partie, à une décision déraisonnable — La SPR a tiré une conclusion déraisonnable quant au fait que l’intimé a eu recours à du personnel de sécurité privé lorsqu’elle était en Colombie — La SPR a compris que cet élément de preuve appuyait sa conclusion qu’en se rendant en Colombie, l’intimée avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays — Cet élément de preuve ne témoignait pas de son intention de confier sa protection à la Colombie, mais plutôt de l’effet contraire — Il s’agissait d’une preuve de la peur subjective permanente de l’intimée face à la situation en Colombie, et de son manque de confiance dans la capacité de l’État à la protéger — La SPR devait au moins examiner cette preuve correctement et, si elle estimait qu’elle n’était pas probante ou convaincante, en expliquer les raisons — Les questions certifiées ont reçu une réponse affirmative — Appel rejeté.

  Citoyenneté et Immigration — Contrôle judiciaire — Norme de contrôle judiciaire — Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale annulant une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié — La SPR a conclu que l’intimée, une personne ayant qualité de personne à protéger au Canada, avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement de la Colombie — En contrôle judiciaire, la Cour fédérale a déterminé que la conclusion de la SPR était déraisonnable et a ordonné que l’affaire soit renvoyée à un tribunal de la SPR constitué différemment pour nouvel examen — Les questions concernant le fait, pour des personnes protégées, de se réclamer de nouveau de la protection de l’État ont été certifiées — La norme de contrôle applicable aux questions certifiées était en cause — La Cour fédérale a choisi à juste titre la norme de la décision raisonnable comme étant la norme à appliquer dans l’examen des conclusions de la SPR en matière de perte de l’asile — L’accent a donc été mis sur la façon dont la Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision de la SPR — Les questions certifiées soulèvent généralement des questions de droit, y compris, comme en l’espèce, des questions d’interprétation législative — Toutefois, les questions formulées par la Cour fédérale appelaient une réponse par un oui ou par un non — Cela invitait à un contrôle selon la norme de la décision correcte — Le décalage potentiel entre l’analyse selon la norme de la décision raisonnable et la réponse correcte et définitive exigée par une question certifiée peut toutefois être évité si la Cour fédérale formulait les questions certifiées de manière à demander si une interprétation ou une approche législative particulière est raisonnable — En l’espèce, deux questions certifiées faisaient appel à une réponse selon la norme de la décision correcte — Elles ont donc été reformulées de façon à demander si l’interprétation ou l’approche législative particulière suggérée par la question était ou n’était pas raisonnable.

Il s’agissait d’un appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale annulant une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La SPR a conclu que l’intimée, une personne ayant qualité de personne à protéger au Canada, avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement de la Colombie. En contrôle judiciaire, la Cour fédérale a déterminé que la conclusion de la SPR était déraisonnable et a ordonné que l’affaire soit renvoyée à un tribunal de la SPR constitué différemment pour nouvel examen. Elle a également certifié trois questions. Bien que la première question ne fût plus pertinente, les deux autres questions, qui concernaient un mineur qui obtient l’asile en tant que personne à charge en lien avec la demande d’un parent, étaient les suivantes : 1) La preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État? 2) La preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État? L’appelant a fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la décision de la SPR était déraisonnable. La Cour fédérale a conclu que le fait que l’intimée ne connaissait pas les conséquences pour l’immigration canadienne de voyager à l’étranger en utilisant un passeport colombien était suffisant pour réfuter la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité (question 1 ci-dessus). Quant à la troisième question (la question 2 ci-dessus), l’appelant a fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en tenant compte du fait que l’intimée avait obtenu des services de sécurité privés alors qu’elle se trouvait en Colombie comme une preuve qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de l’État.

L’intimée était mineure lorsqu’elle est arrivée au Canada. Elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada en 2010, alors qu’elle avait 15 ans. Elle est retournée cinq fois en Colombie depuis 2010, son dernier voyage remontant à la fin 2016 et début 2017, alors qu’elle était une étudiante de 21 ans. L’intimée a voyagé avec un passeport colombien à chacune de ces occasions. Elle a d’abord utilisé le passeport que sa mère avait obtenu pour elle. Cependant, pendant son deuxième voyage en Colombie elle a eu 18 ans; elle a donc demandé un passeport colombien pour adulte, et elle est rentrée au Canada peu après. En plus des cinq voyages en Colombie que l’intimée a effectués après avoir obtenu le statut de personne protégée, elle a visité le Mexique, les États-Unis et Cuba, utilisant son passeport colombien à chacune de ces occasions.

L’appelant a demandé de mettre fin au statut de personne protégée de l’intimée, en application du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. L’alinéa 108(1)a) de la Loi prévoit que : « [e]st rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité […] de personne à protéger [s’]il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité ». L’appelant a affirmé que l’intimée s’était volontairement et intentionnellement réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité en obtenant un passeport colombien et en l’utilisant pour voyager en Colombie et ailleurs. Par conséquent, l’appelant a affirmé que la demande de statut de personne protégée de l’intimé devait être considérée comme rejetée. L’intimée a fait valoir devant la SPR qu’elle ne s’est pas volontairement réclamée de nouveau de la protection de la Colombie au sens de l’article 108 de la Loi en acquérant des passeports colombiens. Elle a également déclaré qu’elle ne s’est pas réclamée de la protection de la Colombie lorsqu’elle s’y trouvait, puisqu’elle a embauché des gardes de sécurité privés armés pour lui assurer une protection lors de chacun de ses voyages. La SPR a souligné qu’il existe trois critères implicites à prendre en compte pour déterminer si la perte de l’asile a eu lieu. Il s’agit de la volonté, de l’intention, et le succès de l’action (c.-à-d. le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection). La SPR a donné raison à l’appelant, en concluant que l’intimée s’était volontairement réclamée de nouveau de la protection de la Colombie, comme le décrit l’alinéa 108(1)a) de la Loi. La demande de l’appelant visant à faire cesser le statut de personne protégée de l’intimée a donc été accueillie et la demande de protection de l’intimée a été considérée comme rejetée.

La Cour fédérale a estimé que la SPR avait raisonnablement conclu que, si l’acquisition par l’intimée de ses passeports colombiens était involontaire, l’utilisation qu’elle en a faite par la suite pour retourner en Colombie et pour voyager dans d’autres pays était volontaire. La Cour fédérale a également conclu que la SPR s’était raisonnablement appuyée sur la présomption selon laquelle l’intimée s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité; toutefois, elle a observé que cette présomption était réfutable. La Cour fédérale a développé sa propre vision de l’article 108 de la Loi et de son fonctionnement, puis l’a appliquée à la décision de la SPR. Ce faisant, elle s’est écartée de son rôle de cour de révision et a approfondi des questions qu’il appartenait à la SPR d’examiner. Finalement, comme il est mentionné plus haut, la Cour fédérale a accueilli la demande de l’intimée.

La question portée en appel concernait la norme de contrôle applicable aux questions certifiées. Il s’agissait de déterminer s’il est raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État; et s’il est raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État.

  Arrêt : l’appel doit être rejeté.

Dans le cas d’un appel d’une décision de la Cour fédérale en lien avec une demande de contrôle judiciaire, la tâche de la Cour est de déterminer, premièrement, si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et, deuxièmement, si elle a correctement appliqué cette norme. La Cour fédérale a choisi à juste titre la norme de la décision raisonnable comme étant la norme à appliquer dans l’examen des conclusions de la SPR en matière de perte de l’asile. L’accent a donc été mis sur la façon dont la Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision de la SPR. Les questions certifiées soulèvent généralement des questions de droit, y compris, comme en l’espèce, des questions d’interprétation législative. Toutefois, les questions formulées par la Cour fédérale appelaient une réponse par un oui ou par un non. Cela invitait à un contrôle selon la norme de la décision correcte. Le décalage potentiel entre l’analyse selon la norme de la décision raisonnable et la réponse correcte et définitive exigée par une question certifiée peut toutefois être évité si la Cour fédérale formulait les questions certifiées de manière à demander si une interprétation ou une approche législative particulière est raisonnable. En l’espèce, les deuxième et troisième questions, telles qu’elles sont énoncées, faisaient appel à une réponse selon la norme de la décision correcte. Elles ont donc été reformulées de façon à demander si l’interprétation ou l’approche législative particulière suggérée par la question était ou n’était pas raisonnable.

  La gravité de l’impact de la décision de la SPR sur l’intimée a accru le devoir de la SPR d’expliquer sa décision. Plus particulièrement, la perte du statut de réfugié ou de personne protégée avait incontestablement de graves conséquences pour l’intimé et un constat de la perte de l’asile ne pouvait pas faire l’objet d’un appel devant la Section d’appel de l’immigration ou la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La décision de la SPR n’était pas raisonnable. Un grand nombre de questions se sont posées quant à l’interprétation correcte de l’article 108 de la Loi. La SPR s’est contentée d’énoncer sa propre vision de ce qu’exige l’article 108, sans véritable analyse. En termes généraux, elle a énoncé le texte de l’article 108, s’est attachée au Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, puis a affirmé ses propres opinions sur ce que l’article 108 exige, sans tenir compte du texte, du contexte ou de l’objet de l’article 108. Elle a également omis d’analyser et de prendre en compte la jurisprudence de la Cour fédérale afin de voir si sa décision était juridiquement limitée d’une quelconque manière. Elle a ensuite énoncé sa conclusion sur diverses questions, mais n’a pas expliqué de façon suffisamment claire le raisonnement qui l’a menée là. Bien qu’il faille tenir compte du fait que la SPR est un organe de décision administrative qui a sa propre façon de traiter et de formuler les questions juridiques, même en accordant cette marge de manœuvre à la SPR, elle n’a pas été à la hauteur en l’occurrence.

Au cours de l’exposé de ses motifs, la SPR a fait certaines affirmations qui étaient, en réalité, des vues de fond sur ce que signifie l’article 108 de la Loi. Toutefois, elle a adopté ces points de vue sans procéder à une analyse de l’interprétation législative. La clé de l’évaluation selon la norme de la décision raisonnable de la décision de la SPR était de savoir si elle pouvait invoquer la preuve du manque de connaissance subjective du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays de nationalité et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État. Il n’y a eu aucune contestation du premier élément du critère de la perte de l’asile concernant le caractère volontaire des actions de la personne. Il existe une présomption selon laquelle les réfugiés qui acquièrent des passeports délivrés par leur pays de nationalité et les utilisent pour se rendre dans ce pays ou dans un pays tiers ont eu l’intention de se réclamer de la protection de leur pays de nationalité. En effet, le passeport permet à son titulaire de voyager sous la protection du pays qui l’a délivré. Cette présomption est encore plus forte lorsque les réfugiés retournent dans leur pays de nationalité. Toutefois, la présomption est réfutable. Il incombe au réfugié de produire une preuve suffisante pour réfuter la présomption selon laquelle il s’est réclamé de nouveau de la protection de son pays d’origine. La SPR aurait donc dû procéder à une évaluation individualisée de tous les éléments de preuve dont elle disposait, y compris les éléments de preuve produits par l’intimée quant à son intention subjective, pour déterminer si la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité avait été réfutée en l’espèce. L’intimée a témoigné qu’elle ne savait pas que l’utilisation de son passeport colombien pour voyager en Colombie et ailleurs pouvait entraîner des conséquences sur son statut d’immigration au Canada. La SPR a rejeté cette allégation, non pas parce que l’intimée n’était pas crédible, mais parce qu’elle a estimé que l’ignorance de la loi ne constituait pas un argument valable. La SPR aurait dû examiner non pas ce que l’intimée aurait dû savoir, mais plutôt la question de savoir si elle avait subjectivement l’intention, par ses actions, de se réclamer de la protection de la Colombie. Pour qu’elle puisse prendre une décision raisonnable, la SPR devait tenir compte de l’état de la connaissance réelle et de l’intention de l’intimée avant de conclure qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. La Cour fédérale a eu raison de dire que, sans cette analyse, la conclusion de la SPR sur le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité n’était pas un résultat défendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques, et qu’elle était donc déraisonnable. La SPR a également confondu la question du caractère volontaire avec celle de l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, ce qui a conduit, en partie, à une décision déraisonnable.

La clé de l’évaluation selon la norme de la décision raisonnable de la décision de la SPR était de savoir si elle pouvait s’appuyer sur la preuve que l’intimée avait pris des mesures pour se protéger contre son agent de persécution pendant qu’elle était en Colombie pour réfuter la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de ce pays. Selon l’intimée, sa famille a fait appel aux services d’agents de sécurité professionnels pour la protéger lors de chacun de ses voyages en Colombie. La SPR a semblé avoir accepté le témoignage de l’intimée sur ce point. Étant donné que la discussion concernant le recours de l’intimée à du personnel de sécurité privé se trouvait dans la section des motifs de la SPR traitant de l’intention, il semblait que la SPR avait compris que cet élément de preuve appuyait sa conclusion qu’en se rendant en Colombie, l’intimée avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. Il s’agissait d’une conclusion déraisonnable : les éléments de preuve relatifs à son recours à du personnel de sécurité privé lorsqu’elle était en Colombie ne témoignaient pas de son intention de confier sa protection à la Colombie, mais plutôt de l’effet contraire. Il s’agissait d’une preuve de la peur subjective permanente de l’intimée face à la situation en Colombie, et de son manque de confiance dans la capacité de l’État à la protéger. Même si le témoignage de l’intimée sur ce point n’était pas nécessairement déterminant quant à la question de l’intention, la SPR devait au moins l’examiner correctement et, si elle estimait qu’il n’était pas probant ou convaincant, en expliquer les raisons. Le fait qu’elle ne l’a pas fait en l’espèce était une raison supplémentaire pour conclure que la décision de la SPR était déraisonnable. En outre, la SPR a semblé avoir considéré que l’utilisation par l’intimée de son passeport pour se rendre en Colombie satisfaisait aux trois éléments du critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité (volontairement, intentionnellement et effectivement). Cette approche laissait peu de place à l’intimée pour démontrer que, bien qu’elle eût utilisé son passeport colombien pour voyager, elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection de ce pays.

  Les questions certifiées ont reçu une réponse affirmative.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, art. 3(3)f), 25(1.2)c)(i), 40.1, 46(1)c.1), 48(2), 63(3), 74d), 95(1), 101(1)b), 108, 110(2), 112(2)b.1).

Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17, art. 18, 19.

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, 189 R.T.N.U. 137, art. 1C(1)

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, confirmant 2017 CAF 132, [2018] 3 R.C.F. 75; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mason, 2021 CAF 156, [2022] 1 R.C.F 3.

DÉCISIONS EXAMINÉES :

Tobar Toledo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 226, [2015] 1 R.C.F. 215 Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, [2015] 1 R.C.F. 335; Ortiz Garcia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1346.

DÉCISIONS MENTIONNÉES :

Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (QL) (C.A.); Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, [2021] 1 R.C.F. 271; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344; Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559; Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117; Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84; Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, [2019] 2 R.C.F. F-3; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459; Cerna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074; Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139; Sexmith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 111, [2021] 2 R.C.F. F-6; R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292; R. c. Apulonappa, 2015 CSC 59, [2015] 3 R.C.S 754.

DOCTRINE CITÉE 

Nations Unies. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Doc NU HCR/1P/4/FRE/REV.4 (Genève, réédité février 2019).

APPEL à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2020 FC 213, [2020] 2 R.C.F. 575) annulant une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, concluant que l’intimée, une personne ayant qualité de personne à protéger au Canada, avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement de la Colombie. Appel rejeté.

ONT COMPARU :

Michael Butterfield et Nicole Rahaman pour l’appelant.

Mario D. Bellissimo, S.A. et Justin Jian-Yi Toh, J.D. pour l’intimée.

Anthony Navaneelan et Benjamin Liston pour l’intervenant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

Lorne Waldman et Sumeya Mulla pour l’intervenante l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant.

Bellissimo Law Group Professional Corporation,Toronto, pour l’intimée.

Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés et Bureau du droit des réfugiés — Aide juridique Ontario, Toronto, pour l’intervenant le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés..

Waldman & Associates, Toronto, pour l’intervenante l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés.

 

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]        La Juge Mactavish : Maria Camila Galindo Camayo est une citoyenne de la Colombie. Lorsqu’elle était enfant, elle et les membres de sa famille ont été considérés comme des personnes à protéger au Canada, sa mère ayant été la cible d’extorsion de la part des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (Forces armées révolutionnaires de Colombie).

[2]        Lorsqu’il a été porté à l’attention du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration que Mme Galindo Camayo avait utilisé un passeport colombien pour effectuer de nombreux voyages en Colombie et dans d’autres pays, le ministre a entamé une demande de constat de sa perte de l’asile. La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que Mme Galindo Camayo s’était volontairement réclamée de nouveau de la protection diplomatique de la Colombie. Par conséquent, la demande du ministre a été accueillie, et la demande de protection de Mme Galindo Camayo a été considérée comme rejetée.

[3]        Dans les motifs publiés sous la référence 2020 CF 213, [2020] 2 R.C.F. 575, la Cour fédérale a annulé la décision de la SPR au motif que la conclusion de la SPR, selon laquelle Mme Galindo Camayo avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement colombien, était déraisonnable. La Cour fédérale a ordonné que l’affaire soit renvoyée à un tribunal de la SPR constitué différemment pour nouvel examen. La Cour fédérale a toutefois certifié les questions suivantes [au paragraphe 56] :

1)  Lorsqu’une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu’elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l’objet d’un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR)] et, par conséquent, peut-elle perdre l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?

2)  Dans l’affirmative à la question 1, la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

3)  Dans l’affirmative à la question 1, la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

[4]        Les parties m’ont indiqué que la première question ne se pose plus, car notre Cour a déjà conclu qu’un mineur qui obtient l’asile en tant que personne à charge en lien avec la demande d’un parent est effectivement soumis aux mêmes conséquences en matière d’immigration que le parent demandeur (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Tobar Toledo, 2013 CAF 226, [2015] 1 R.C.F. 215).

[5]        En ce qui concerne la deuxième question, le ministre fait valoir que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que la décision de la SPR était déraisonnable. La Cour fédérale a conclu que le fait que Mme Galindo Camayo ne connaissait pas les conséquences pour l’immigration canadienne de voyager à l’étranger en utilisant un passeport colombien était suffisant pour réfuter la présomption d’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité. Selon le ministre, l’état des connaissances de la personne n’est pas le critère juridique permettant d’établir s’il y a perte de l’asile et ne constitue pas un facteur à prendre en considération relativement à ce critère.

[6]        En ce qui concerne la troisième question, le ministre fait remarquer que l’asile est accessible aux personnes qui peuvent établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles risquent d’être persécutées dans leur pays de nationalité. Une telle conclusion implique que la personne ne peut pas se protéger contre son agent de persécution ou obtenir une telle protection où que ce soit dans ce pays. Elle est donc incompatible avec la conclusion qu’une personne a besoin de protection si cette personne affirme ensuite qu’elle est en mesure de se protéger suffisamment pour pouvoir retourner dans le pays dont elle a la nationalité. Le ministre affirme que la Cour fédérale a donc commis une erreur en tenant compte du fait que Mme Galindo Camayo a obtenu des services de sécurité privés alors qu’elle se trouvait en Colombie comme une preuve qu’elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de l’État.

[7]        Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que la décision de la Commission était déraisonnable. Par conséquent, je rejetterais l’appel. Je ne répondrais qu’aux deuxième et troisième questions et j’y répondrais par l’affirmative.

I.     Exposé des faits

[8]        Mme Galindo Camayo était mineure lorsqu’elle est arrivée au Canada. Elle a obtenu le statut de personne protégée au Canada en 2010, alors qu’elle avait 15 ans (par souci de simplicité, les termes « personne à protéger », « personne protégée » et « réfugié » seront utilisés de manière interchangeable dans les présents motifs). Mme Galindo Camayo est retournée cinq fois en Colombie depuis 2010, son dernier voyage remontant à la fin 2016 et début 2017, alors qu’elle était une étudiante de 21 ans.

[9]        Mme Galindo Camayo a voyagé avec un passeport colombien à chacune de ces occasions. Elle a d’abord utilisé le passeport que sa mère avait obtenu pour elle. Cependant, elle a eu 18 ans lors de son deuxième voyage en Colombie, et les autorités colombiennes l’ont informée qu’elle devait demander un passeport pour adulte afin de pouvoir rentrer au Canada. Mme Galindo Camayo a reçu un nouveau passeport colombien pour adulte en août 2013 et est retournée au Canada peu après.

[10]      En plus des cinq voyages en Colombie que Mme Galindo Camayo a effectués après avoir obtenu le statut de personne protégée, elle a visité le Mexique à trois reprises et elle s’est rendue aux États-Unis et à Cuba. Mme Galindo Camayo a voyagé en utilisant son passeport colombien à chaque fois.

[11]      Le 27 janvier 2017, le ministre a demandé de mettre fin au statut de personne protégée de Mme Galindo Camayo, en application du paragraphe 108(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Aux termes du paragraphe 108(2), « [l]’asile [...] est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1) ».

[12]      L’alinéa 108(1)a) de la LIPR dispose qu’« [e]st rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité [...] de personne à protéger [s’]il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité ». Le texte complet de ces dispositions et d’autres dispositions législatives pertinentes est joint en annexe aux présents motifs.

[13]      Le ministre affirme que Mme Galindo Camayo s’est volontairement et intentionnellement réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité en obtenant un passeport colombien et en l’utilisant pour voyager en Colombie et ailleurs. Par conséquent, le ministre affirme que la demande de statut de personne protégée de Mme Galindo Camayo doit être considérée comme rejetée.

II.    Décision de la Section de la protection des réfugiés

[14]      Mme Galindo Camayo a fait valoir devant la SPR qu’elle ne s’est pas volontairement réclamée de nouveau de la protection de la Colombie au sens de l’article 108 de la LIPR en acquérant des passeports colombiens. C’est sa mère, et non Mme Galindo Camayo elle-même, qui avait demandé son premier passeport alors qu’elle était encore mineure, et Mme Galindo Camayo avait été contrainte d’obtenir son second passeport colombien en 2013 pour pouvoir revenir au Canada.

[15]      Mme Galindo Camayo a témoigné qu’elle s’est rendue en Colombie pour aider son père malade et faire du bénévolat pour une mission humanitaire, et qu’elle n’a pas compris les conséquences de son voyage sur son statut au Canada. Mme Galindo Camayo a également déclaré qu’elle ne s’est pas réclamée de la protection de la Colombie lorsqu’elle s’y trouvait, puisqu’elle a embauché des gardes de sécurité privés armés pour lui assurer une protection lors de chacun de ses voyages.

[16]      La SPR a donné raison au ministre, en concluant que Mme Galindo Camayo s’était volontairement réclamée de nouveau de la protection de la Colombie, comme le décrit l’alinéa 108(1)a) de la LIPR. La demande du ministre visant à faire cesser le statut de personne protégée de Mme Galindo Camayo a donc été accueillie, et sa demande de protection est réputée avoir été rejetée conformément au paragraphe 108(3) de la LIPR.

[17]      Pour en arriver à la conclusion que la demande du ministre devait être accueillie, la SPR s’est uniquement concentrée sur les principes de cessation analysés dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, Doc NU HCR/1P/4/FRE/REV.4 (Genève, réédité février 2019) (Guide sur les réfugiés). Bien qu’elle ait reconnu (au paragraphe 19) qu’elle n’était [traduction] « pas liée » par le Guide sur les réfugiés et les directives qui y sont énoncées, la SPR les a trouvés [traduction] « utiles et pertinents ».

[18]      La SPR a noté que, conformément à l’article 1C(1) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, 189 R.T.N.U. 137 (Convention sur les réfugiés), il existe trois critères implicites à prendre en compte pour déterminer si la perte de l’asile a eu lieu. Ces critères sont les suivants :

1)    la volonté : le réfugié doit avoir agi volontairement;

2)    l’intention : le réfugié doit avoir accompli intentionnellement l’acte par lequel il s’est réclamé à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité;

3)    le succès de l’action : le réfugié doit avoir effectivement obtenu cette protection.

[19]      En réalité, lorsque la décision de la SPR est examinée dans sa totalité à la lumière du dossier qui lui a été soumis, il est clair que la SPR s’est attachée au Guide sur les réfugiés et à son libellé particulier comme s’il s’agissait d’une loi nationale qui avait force obligatoire pour la SPR. Au paragraphe 17 de ses motifs, la SPR a énoncé le texte de l’article 108 de la LIPR, mais elle ne l’a pas interprété. En effet, à aucun moment la SPR n’a tenté d’interpréter l’article 108 en examinant son texte, son contexte et son objet.

[20]      Si l’on admet que, selon une interprétation correcte de l’article 108 de la LIPR, les trois critères de la volonté, de l’intention et du succès de l’action font partie de l’enquête requise par la loi, que signifient ces termes? Par exemple, quels actes ou déclarations sont pertinents pour la volonté ou l’intention?

[21]      Les questions peuvent se multiplier et se préciser, surtout dans une affaire chargée de faits comme celle qui nous occupe. La SPR doit-elle examiner uniquement l’intention subjective réelle de la personne concernée et l’accepter, ou peut-elle intégrer un élément objectif dans l’analyse, comme le caractère raisonnable des actions et des intentions de la personne concernée? Ces questions et d’autres qui peuvent se poser dans un cas particulier comprennent implicitement des questions d’interprétation de la loi : quand exactement l’article 108, correctement interprété, s’applique-t-il pour permettre à la SPR de considérer que la demande d’asile d’une personne a été rejetée?

[22]      En ce qui concerne la question de la volonté, la SPR a admis que Mme Galindo Camayo n’avait pas agi volontairement en obtenant ses passeports colombiens. Son premier passeport a été acquis par sa mère alors qu’elle était mineure, ce qui est indépendant de la volonté de Mme Galindo Camayo, et elle a été obligée d’obtenir son second passeport colombien pour pouvoir quitter le pays.

[23]      La SPR a cependant affirmé, sans aucune analyse des exigences de l’article 108, que l’acquisition de passeports n’est pas le seul facteur pertinent à prendre en compte pour évaluer le caractère volontaire des actions de Mme Galindo Camayo, et que l’utilisation qu’elle a faite de ces passeports doit également être prise en compte. À cet égard, la SPR a estimé que Mme Galindo Camayo avait agi volontairement lorsqu’elle a utilisé ses passeports colombiens pour se rendre en Colombie, au Mexique, à Cuba et aux États-Unis entre 2012 et 2016, et qu’elle ne disposait pas d’éléments de preuve suffisants pour établir que Mme Galindo Camayo avait été contrainte d’utiliser ses passeports colombiens pour effectuer ces voyages.

[24]      En ce qui concerne la question de l’intention de Mme Galindo Camayo d’utiliser ses passeports colombiens, la SPR a été préoccupée par son témoignage concernant la nécessité pour elle de prendre soin de son père en Colombie. Elle a observé que le père de Mme Galindo Camayo (qui était un résident permanent du Canada) était en fait au Canada pendant l’une des périodes où Mme Galindo Camayo était en Colombie, où elle s’occupait prétendument de lui, et qu’il avait visité le Canada à de nombreuses autres occasions. La SPR a également noté que Mme Galindo Camayo a affirmé que son père était resté en Colombie plutôt que de venir au Canada avec le reste de sa famille, car il ne voulait pas imposer un fardeau à sa famille. Elle a toutefois constaté que cette affirmation était affaiblie par le fait que le comportement de son père exposait régulièrement Mme Galindo Camayo à une situation dangereuse en Colombie, lui imposant ainsi un fardeau important.

[25]      Malgré ses préoccupations concernant le témoignage de Mme Galindo Camayo sur ce point, la SPR n’a pas conclu en termes clairs et sans équivoque que son témoignage manquait de crédibilité (Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (QL) (C.A.)). Ainsi, les faits avec lesquels la SPR devait travailler étaient ceux présentés par les parties, et l’affaire consistait uniquement à déterminer si les faits répondaient aux exigences de l’article 108.

[26]      Au cours de l’exposé de ses motifs, la SPR a fait certaines affirmations qui étaient, en réalité, des vues de fond sur ce que signifie l’article 108. Je reviens à ces affirmations plus loin dans les présents motifs.

[27]      La SPR a donc conclu que le ministre avait établi que Mme Galindo Camayo avait agi volontairement lorsqu’elle a utilisé ses passeports colombiens pour se rendre en Colombie, au Mexique, à Cuba et aux États-Unis entre 2012 et 2016. Le ministre a également établi que Mme Galindo Camayo avait l’intention, par ses actions, de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie, comme le prescrit l’alinéa 108(1)a) de la LIPR, et qu’elle l’a effectivement fait.

[28]      Par conséquent, la SPR a accueilli la demande de perte d’asile sur constat du ministre, et la demande de protection de Mme Galindo Camayo a été considérée comme rejetée.

III.   La décision de la Cour fédérale

[29]      La Cour fédérale a estimé que la SPR avait raisonnablement conclu que, si l’acquisition par Mme Galindo Camayo de ses passeports colombiens était involontaire, l’utilisation qu’elle en a faite par la suite pour retourner en Colombie et pour voyager dans d’autres pays était volontaire. La Cour fédérale a également conclu que la SPR s’était raisonnablement appuyée sur la présomption selon laquelle Mme Galindo Camayo s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité, tant en ce qui concerne l’intention de Mme Galindo Camayo de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité que la question de savoir si elle s’était effectivement réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité. La SPR a également observé que la présomption selon laquelle une personne se réclame de nouveau de la protection de son pays de nationalité survient lorsqu’une personne protégée acquiert, renouvelle ou utilise un passeport délivré par son pays de nationalité.

[30]      Toutefois, la Cour fédérale a observé que la présomption selon laquelle une personne se réclame de nouveau de la protection de son pays de nationalité est réfutable. La SPR devait donc examiner si Mme Galindo Camayo avait réfuté la présomption en l’espèce. La Cour fédérale a déterminé qu’il lui fallait décider si la SPR avait raisonnablement considéré l’intention subjective de Mme Galindo Camayo de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité et ses efforts pour obtenir des services de sécurité privés afin d’être protégée lors de ses visites en Colombie comme des éléments de preuve pouvant réfuter la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité.

[31]      La Cour fédérale a noté que l’issue de chaque cas de cessation dépendra largement des faits. Cependant, en interprétant l’utilisation par Mme Galindo Camayo de son passeport comme satisfaisant aux trois éléments essentiels et conjonctifs des conditions pour qu’une personne puisse se réclamer de nouveau de la protection du pays (le fait de se réclamer de nouveau, volontairement, intentionnellement et effectivement, de la protection de son pays de nationalité), il ne restait aucune place à Mme Galindo Camayo pour démontrer que, malgré l’acquisition et l’utilisation de son passeport colombien, elle n’avait pas l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de l’État. En d’autres termes, l’intention dans le contexte de la cessation ne peut pas être basée uniquement sur l’intention d’accomplir l’acte sous-jacent lui-même; il faut également comprendre les conséquences de ses actions.

[32]      Comme on peut le constater, la Cour fédérale a développé sa propre vision de l’article 108 et de son fonctionnement, puis l’a appliquée à la décision de la SPR. Ce faisant, elle s’est écartée de son rôle de cour de révision et a approfondi des questions qu’il appartenait à la SPR d’examiner.

[33]      En définitive, la Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire de Mme Galindo Camayo, certifiant les trois questions énoncées au début des présents motifs.

IV.   Les questions certifiées et la norme de contrôle

[34]      Comme il est indiqué précédemment, la première des questions certifiées par la Cour fédérale n’est plus en cause. La deuxième question ne pouvait pas être certifiée dans sa forme originale, car sa prémisse ne correspond pas entièrement aux faits de cette affaire.

[35]      On se souviendra que la deuxième question certifiée par la Cour fédérale était la suivante :

Dans l’affirmative à la question 1, la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci pour se rendre dans un pays tiers a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État? [Non souligné dans l’original.]

[36]      Il est incontestable que Mme Galindo Camayo n’a pas seulement utilisé son passeport colombien pour se rendre dans des pays tiers, mais qu’elle l’a également utilisé pour se rendre en Colombie à cinq reprises. Par conséquent, je reformulerais d’abord cette question comme suit :

La preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique peut-elle être invoquée pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

[37]      Il est bien établi que l’exigence de certification prévue à l’alinéa 74d) de la LIPR sert à contrôler les types d’affaires qui peuvent être soumises à notre Cour. Cependant, une fois qu’une question est certifiée pour être examinée par notre Cour, cette dernière est autorisée à traiter toutes les questions qui se posent dans l’appel (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c. Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, [2021] 1 R.C.F. 271, au paragraphe 28; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344, au paragraphe 50).

[38]      Souvent, comme c’est le cas ici, la question centrale dont est saisie la cour de révision est de savoir si la décision de la SPR était raisonnable. Dans le cas d’un appel d’une décision de la Cour fédérale en lien avec une demande de contrôle judiciaire, la tâche de notre Cour est de déterminer, premièrement, si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et, deuxièmement, si elle a correctement appliqué cette norme (Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42, au paragraphe 10; Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, aux paragraphes 45 à 47). On décrit souvent cette façon de faire comme le fait d’exiger de notre Cour qu’elle « se mette à la place » du juge de la Cour fédérale, et qu’elle se concentre sur la décision administrative. C’est l’approche à suivre même lorsque la Cour traite de questions d’importance générale qui ont été certifiées par la Cour fédérale (Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 R.C.S. 909 (Kanthasamy CSC), au paragraphe 44).

[39]      Je crois comprendre que le fait que la Cour fédérale a choisi à juste titre la norme de la décision raisonnable comme étant la norme à appliquer dans l’examen des conclusions de la SPR en matière de perte de l’asile ne suscite pas de controverse entre les parties et les intervenants. L’accent est donc mis sur la façon dont la Cour fédérale a appliqué la norme de la décision raisonnable à la décision de la SPR.

[40]      Cependant, le fait que nous ayons devant nous des questions certifiées donne lieu à une situation délicate. Les questions certifiées soulèvent généralement des questions de droit, y compris, comme en l’espèce, des questions d’interprétation législative. Toutefois, les questions formulées par la Cour fédérale appellent une réponse par un oui ou par un non. Cela invite notre Cour à procéder à un contrôle selon la norme de la décision correcte. Cela dit, comme nous l’avons décrit ci-dessus, notre Cour est tenue de procéder à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable des questions d’interprétation législative. Cela crée la possibilité que, dans certains cas, notre Cour puisse trouver l’interprétation de la SPR d’une disposition législative comme étant raisonnable, mais notre Cour peut dire quelque chose de complètement différent en fournissant son propre point de vue sur le sujet en répondant à la question certifiée, quelque chose que la Cour suprême nous dit expressément de ne pas faire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653 (Vavilov CSC), au paragraphe 83, renvoyant à l’arrêt Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117 (Delios), au paragraphe 28).

[41]      Notre Cour a soulevé cette situation embarrassante — l’incompatibilité entre le fait de répondre correctement à la question certifiée et de procéder à un examen de la norme de la décision raisonnable — dans l’arrêt Kanthasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113, [2015] 1 R.C.F. 335, aux paragraphes 30 à 37. Une solution suggérée par notre Cour dans l’arrêt Kanthasamy était de considérer la nécessité pour la Cour de répondre à des questions certifiées comme une indication donnée par la loi que la norme de contrôle devrait être celle de la décision correcte. Cette solution semble gagner en crédibilité maintenant que la Cour suprême a conclu que les normes établies par voie législative peuvent avoir une incidence sur la norme de contrôle (Vavilov CSC, aux paragraphes 34 et 35).

[42]      Néanmoins, la Cour suprême a confirmé par la suite que les questions certifiées ne sont pas déterminantes pour la norme de contrôle, et que la norme de contrôle applicable par notre Cour est celle de la décision raisonnable (Kanthasamy CSC, précité, aux paragraphes 43 et 44). La Cour suprême a semblé reconnaître que cela fait de la réponse à la question certifiée une simple redondance, reléguant ainsi le rôle de ces questions à une fonction de contrôle.

[43]      Cette situation s’est reproduite dans l’arrêt Vavilov. La question certifiée dans l’arrêt Vavilov c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 132, [2018] 3 R.C.F. 75, était une question appelant une réponse par un oui ou par un non. Notre Cour a procédé à un examen selon la norme de la décision raisonnable de la décision administrative, mais a donné une réponse précise à la question qui s’apparentait à une réponse fournie en lien avec un contrôle de la norme de la décision correcte. En rejetant l’appel, la Cour suprême a en fait ratifié la façon dont notre Cour a abordé la question certifiée.

[44]      Le décalage potentiel entre l’analyse selon la norme de la décision raisonnable et la réponse correcte et définitive exigée par une question certifiée peut toutefois être évité si la Cour fédérale formulait les questions certifiées de manière à demander si une interprétation ou une approche législative particulière est raisonnable. En l’espèce, les deuxième et troisième questions, telles qu’elles sont énoncées, font appel à une réponse selon la norme de la décision correcte. Je les modifierais donc de façon à demander si l’interprétation ou l’approche législative particulière suggérée par la question est ou n’est pas raisonnable.

[45]      Par conséquent, j’ai reformulé les deuxième et troisième questions comme suit :

2)    Est-il raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

3)    Est-il raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

V.    Qu’est-ce qui rend une décision raisonnable?

[46]      La Cour suprême a déclaré dans l’arrêt Vavilov que « [l]e contrôle selon la norme de la décision raisonnable vise à donner effet à l’intention du législateur de confier certaines décisions à un organisme administratif, tout en exerçant la fonction constitutionnelle du contrôle judiciaire qui vise à s’assurer que l’exercice du pouvoir étatique est assujetti à la primauté du droit » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 82).

[47]      Le contrôle de la décision raisonnable implique à la fois une évaluation de l’issue de l’affaire et du raisonnement suivi qui a conduit à cette issue (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 83). La Cour suprême a également affirmé qu’il ne suffit pas que le résultat d’une décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceuxci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 86).

[48]      L’arrêt Vavilov nous enseigne que les motifs « ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection » et que les décideurs administratifs ne devraient pas être assujettis aux « normes auxquelles sont astreints des logiciens érudits » (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 91 et 104). Les cours de révision ne peuvent pas s’attendre à ce que les décideurs administratifs « répondent à tous les arguments ou modes possibles d’analyse » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708 (Newfoundland Nurses), au paragraphe 25; Vavilov CSC, précité, au paragraphe 128). Ils ne sont pas non plus tenus « de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à [leur] conclusion finale » (Newfoundland Nurses, précité, au paragraphe 16).

[49]      Cela dit, les motifs « constituent le mécanisme principal par lequel les décideurs administratifs démontrent le caractère raisonnable de leurs décisions » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 81). Les principes de la justification et de la transparence exigent donc que les motifs du décideur administratif « tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 127). Le fait qu’un décideur n’ait pas réussi à « s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties permet de se demander s’il était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 128). Par conséquent, « si des motifs sont communiqués, mais que ceuxci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible […], la décision sera déraisonnable » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 136).

[50]      Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de la personne visée, les motifs fournis à cette dernière doivent refléter ces enjeux. Le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour la personne concernée : (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 133). Le défaut de traiter de ces conséquences d’une décision doit donc être examiné (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 134, renvoyant à Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] 1 R.C.S. 84).

[51]      En l’espèce, la gravité de l’impact de la décision de la SPR sur Mme Galindo Camayo accroît le devoir de la SPR d’expliquer sa décision. Plus précisément :

a)    La perte du statut de réfugié ou de personne protégée a incontestablement de graves conséquences pour la personne concernée et les personnes comme elle, et les changements législatifs ont rendu ces conséquences plus sévères au cours de la dernière décennie. Par le passé, les personnes protégées qui sont devenues des résidents permanents et qui ont ensuite fait l’objet de constat de la perte de l’asile ont pu conserver leur statut de résident permanent au Canada. Cependant, avec les changements apportés par la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada, L.C. 2012, ch. 17, art. 18 et 19, ce n’est plus le cas.

b)    De plus, un constat de la perte de l’asile ne peut pas faire l’objet d’un appel devant la Section d’appel de l’immigration ou la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (paragraphe 63(3) et 110(2) de la LIPR). Les personnes dont l’asile a pris fin ne peuvent pas non plus demander un examen des risques avant renvoi ou faire une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire pendant au moins un an (sous-alinéa 25(1.2)c)(i), article 40.1, alinéa 46(1)c.1), paragraphe 63(3), alinéa 101(1)b), paragraphe 108(3), paragraphe 110(2), et alinéa. 112(2)b.1 de la LIPR). Elles sont également interdites de territoire au Canada pour une période indéterminée (paragraphe 40.1(2) et alinéa 46(1)c.1) de la LIPR), et font l’objet d’un renvoi du Canada « dès que possible » (paragraphe 48(2) de la LIPR).

[52]      Lorsque, comme en l’espèce, le décideur administratif doit traiter de questions d’interprétation législative, certaines considérations supplémentaires doivent être prises en compte tant par le décideur administratif que par la cour de révision.

[53]      Tout d’abord, le décideur administratif doit traiter toute question d’interprétation législative en examinant le texte, le contexte et l’objet des dispositions pertinentes. Son analyse n’a pas besoin d’être le genre d’exercice formaliste d’interprétation législative qu’une cour de justice effectuerait (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 92 et 119; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mason, 2021 CAF 156, [2022] 1 R.C.F 3 (Mason), au paragraphe 39). Il faut tenir compte du fait que le législateur a confié la responsabilité d’interpréter les dispositions législatives à un décideur administratif, et non à une cour de justice, et certainement pas à la cour de révision.

[54]      Deuxièmement, en effectuant un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, une cour de révision doit veiller à ne pas s’engager dans ce que l’on appelle un examen selon la norme du « contrôle déguisé selon la norme de la décision correcte ». Il ne doit pas interpréter la disposition législative elle-même et utiliser ensuite sa propre interprétation comme critère pour mesurer l’interprétation faite par le décideur administratif (Delios, précité, au paragraphe 28; Mason, précité, au paragraphe 12). Les cours de révision peuvent adopter des techniques particulières pour éviter d’en arriver là (Mason, précité, aux paragraphes 15 à 20, renvoyant à l’arrêt Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, [2019] 2 R.C.F. F-3, aux paragraphes 13 à 17).

[55]      Troisièmement, en grande partie dans la jurisprudence antérieure à l’arrêt Vavilov, la Cour fédérale a offert des interprétations de l’article 108 qui font la lumière sur les cas où la perte de l’asile au titre de l’article 108 est justifiée. Si, dans certains cas, les décisions de la Cour fédérale sont en désaccord les unes avec les autres, il faut à nouveau se rappeler que, selon l’arrêt Vavilov, la Cour fédérale n’est pas l’organe qui interprète l’article 108. Celle-ci reste plutôt limitée au rôle d’une cour de révision.

[56]      Néanmoins, les principales interprétations de l’article 108 offertes par la Cour fédérale qui s’appliquent en l’espèce devraient être examinées et évaluées par la SPR, avec un raisonnement à l’appui. En règle générale, les interprétations judiciaires des dispositions législatives lient la SPR, à moins que celle-ci puisse établir des distinctions entre celles-ci ou expliquer pourquoi il est justifié de s’en écarter.

[57]      En fin de compte, dans les cas où le décideur administratif doit examiner le sens approprié d’une disposition législative, la cour de révision doit être convaincue que le décideur administratif est « conscient [implicitement ou explicitement] de[s] éléments essentiels » du texte, du contexte et de l’objet et qu’il a pris en compte au moins « les aspects principaux du texte, du contexte [et] de l’objet » (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 120 à 122; Mason, précité, au paragraphe 42).

VI.   La décision de la SPR était-elle raisonnable?

[58]      À mon avis, la décision de la SPR n’était pas raisonnable. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, un grand nombre de questions se posent quant à l’interprétation correcte de l’article 108 de la LIPR. La SPR s’est contentée d’énoncer sa propre vision de ce qu’exige l’article 108, sans véritable analyse. En termes généraux, elle a énoncé le texte de l’article 108, s’est attachée au Guide sur les réfugiés, puis a affirmé ses propres opinions sur ce que l’article 108 exige, sans tenir compte du texte, du contexte ou de l’objet de l’article 108. Elle a également omis d’analyser et de prendre en compte la jurisprudence de la Cour fédérale afin de voir si sa décision était juridiquement limitée d’une quelconque manière. Elle a ensuite énoncé sa conclusion sur diverses questions, mais n’a pas expliqué de façon suffisamment claire le raisonnement qui l’a menée là.

[59]      En affirmant cela, je reconnais qu’il faut tenir compte du fait que la SPR est un organe de décision administrative, souvent composé de profanes, qui a sa propre façon de traiter et de formuler les questions juridiques. Cela dit, même en accordant cette marge de manœuvre à la SPR, elle n’a pas été à la hauteur en l’occurrence.

a)    L’interprétation de l’article 108 de la LIPR

[60]      Au cours de l’exposé de ses motifs, la SPR a fait certaines affirmations qui étaient, en réalité, des vues de fond sur ce que signifie l’article 108 de la LIPR. Toutefois, elle a adopté ces points de vue sans procéder à une analyse de l’interprétation législative. Voici quelques exemples :

a)    La SPR a rejeté l’affirmation de Mme Galindo Camayo selon laquelle elle n’était pas consciente des conséquences potentielles de l’utilisation de son passeport colombien. Notant que nul n’est censé ignorer la loi, la SPR a fait remarquer que Mme Galindo Camayo était une femme instruite et avertie qui aurait pu demander des renseignements sur les mesures à prendre pour assurer son statut au Canada. À la base, il y avait la simple affirmation que nul n’est censé ignorer la loi aux termes de l’article 108, une affirmation adoptée sans aucune analyse fondée sur l’interprétation de la loi.

b)    Se référant au témoignage de Mme Galindo Camayo selon lequel elle avait embauché du personnel de sécurité privé pour la protéger pendant son séjour en Colombie, la SPR a déclaré que Mme Galindo Camayo connaissait suffisamment les menaces ou les dangers auxquels elle était confrontée dans ce pays pour engager du personnel de sécurité privé pour l’accompagner pendant son séjour. Selon la SPR, cela indique que Mme Galindo Camayo a reconnu les dangers associés aux voyages en Colombie. Cependant, la SPR n’explique jamais quelle était la pertinence juridique de ce point dans le cadre de l’analyse de l’article 108. Une interprétation de l’article 108 à la lumière de son texte, de son contexte et de son objet aurait été utile à cet égard.

c)    La SPR a noté que la protection des réfugiés ne dure que tant que les raisons de craindre d’être persécuté dans le pays de nationalité persistent. Elle a admis que la simple obtention d’un passeport colombien ne peut pas, en soi, constituer une preuve de l’intention d’une personne de l’utiliser. Cependant, l’utilisation répétée par Mme Galindo Camayo de son passeport colombien pour visiter la Colombie et d’autres pays était une indication qu’elle avait l’intention de voyager sous la protection du gouvernement colombien et qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection que lui offrait son passeport colombien. Cependant, elle n’explique pas comment elle a fait le saut de la simple possession d’un passeport colombien à la conclusion que Mme Galindo Camayo avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du gouvernement colombien. Le raisonnement de la SPR laisse entendre qu’elle a une compréhension non divulguée et non expliquée de la signification du terme « intention » et, par extension, une interprétation non divulguée et non expliquée de l’article 108 de la LIPR.

d)    Enfin, en ce qui concerne le fait de se réclamer effectivement de nouveau de la protection du pays de nationalité, la SPR a estimé que les années de voyage de Mme Galindo Camayo dans des pays tiers avec des passeports colombiens (où elle pouvait demander l’aide du gouvernement colombien en cas de problème), et ses voyages répétés en Colombie pour des raisons qui n’étaient ni nécessaires ni impérieuses, démontraient qu’elle s’était effectivement réclamée de nouveau de la protection de la Colombie. Elle a ainsi déterminé sans fournir d’explication ce qui relève ou non de l’article 108 et, plus précisément, la signification des éléments d’intention, de volonté et du fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité.

b)    L’importance de l’état des connaissances d’une personne protégée en ce qui concerne les conséquences de ses actes sur l’immigration

[61]      La clé de l’évaluation selon la norme de la décision raisonnable de la décision de la SPR est de savoir si elle pouvait invoquer la preuve du manque de connaissance subjective du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays de nationalité et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État. Sur ce point, il existe une jurisprudence des Cours fédérales qui limite la prise de décisions de la SPR dans ce domaine.

[62]      On se souviendra que le premier élément du critère de la perte de l’asile concerne le caractère volontaire des actions de la personne. La SPR a conclu que Mme Galindo Camayo n’a pas agi volontairement lorsqu’elle a obtenu et renouvelé ses passeports colombiens, mais qu’elle a agi volontairement lorsqu’elle a utilisé ces passeports pour retourner en Colombie. Cette dernière conclusion n’a fait l’objet d’aucune contestation. La question pour la SPR était donc de savoir si Mme Galindo Camayo avait l’intention, par ses actions, de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie.

[63]      Comme je l’ai mentionné précédemment, il existe une présomption selon laquelle les réfugiés qui acquièrent des passeports délivrés par leur pays de nationalité et les utilisent pour se rendre dans ce pays ou dans un pays tiers ont eu l’intention de se réclamer de la protection de leur pays de nationalité. En effet, le passeport permet à son titulaire de voyager sous la protection du pays qui l’a délivré. Cette présomption est encore plus forte lorsque les réfugiés retournent dans leur pays de nationalité, car non seulement ils se placent sous la protection diplomatique pendant leur voyage, mais ils confient également leur sécurité aux autorités gouvernementales à leur arrivée.

[64]      Comme l’a fait remarquer la Cour fédérale dans le jugement Ortiz Garcia c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1346, au paragraphe 8, « [u]ne nouvelle réclamation de la protection de l’État tend habituellement à indiquer une absence de risque ou une absence de crainte subjective de persécution. En l’absence de motifs impérieux, les gens n’abandonnent pas des refuges pour retourner dans des endroits où leur sécurité personnelle est menacée ».

[65]      La jurisprudence contraignante de la Cour fédérale indique toutefois que la présomption est réfutable. Il incombe au réfugié de produire une preuve suffisante pour réfuter la présomption selon laquelle il s’est réclamé de nouveau de la protection de son pays d’origine (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Nilam, 2015 CF 1154, au paragraphe 26; Li c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 459, au paragraphe 42).

[66]      La SPR aurait donc dû procéder à une évaluation individualisée de tous les éléments de preuve dont elle disposait, y compris les éléments de preuve produits par la réfugiée quant à son intention subjective, pour déterminer si la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité a été réfutée en l’espèce.

[67]      Mme Galindo Camayo a témoigné qu’elle ne savait pas que l’utilisation de son passeport colombien pour voyager en Colombie et ailleurs pouvait entraîner des conséquences sur son statut d’immigration au Canada. La SPR a rejeté cette allégation, non pas parce que Mme Galindo Camayo n’était pas crédible, mais parce qu’elle a estimé que l’ignorance de la loi ne constituait pas un argument valable. La SPR a noté que Mme Galindo Camayo était une personne instruite et avertie qui aurait pu demander des renseignements sur les exigences qu’elle devait respecter pour conserver son statut au Canada. En toute déférence, là n’est pas la question.

[68]      Si elle avait agi raisonnablement, à ce stade de son analyse, la SPR aurait dû examiner non pas ce que Mme Galindo Camayo aurait dû savoir, mais plutôt la question de savoir si elle avait subjectivement l’intention, par ses actions, de se réclamer de la protection de la Colombie. N’ayant pas conclu que le témoignage de Mme Galindo Camayo sur ce point manquait de crédibilité, la SPR est réputée avoir accepté son allégation selon laquelle elle ne savait pas que l’utilisation de son passeport colombien pour retourner en Colombie et voyager ailleurs pourrait faire en sorte que l’on considère qu’elle s’était réclamée de nouveau de la protection de la Colombie, et que ce n’était pas son intention.

[69]      Le ministre soutient que les dispositions sur la perte de l’asile de la LIPR seraient dénuées de tout sens s’il suffisait à une personne faisant face à une demande de perte de l’asile sur constat de déclarer simplement qu’elle ne savait pas que ses actions pouvaient mettre en danger son statut au Canada. Non seulement la Cour fédérale a explicitement rejeté cet argument, mais elle a également exagéré la question.

[70]      Le manque de connaissance réelle d’une personne quant aux conséquences de ses actes sur l’immigration ne peut pas être déterminant en ce qui concerne la question de l’intention. Il s’agit toutefois d’une considération factuelle clé, et la SPR doit soit la soupeser avec tous les autres éléments de preuve, soit expliquer correctement pourquoi la loi exclut sa prise en compte.

[71]      Pour qu’elle puisse prendre une décision raisonnable, la SPR devait tenir compte de l’état de la connaissance réelle et de l’intention de Mme Galindo Camayo avant de conclure qu’elle avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Colombie. Je suis d’accord avec la Cour fédérale pour dire que, sans cette analyse, la conclusion de la SPR sur le fait de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité n’était pas un résultat défendable compte tenu des contraintes factuelles et juridiques, et qu’elle était donc déraisonnable (Cerna c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1074, aux paragraphes 18 et 19; Mayell c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 139, aux paragraphes 17 à 19).

[72]      La SPR a également confondu la question du caractère volontaire avec celle de l’intention de se réclamer de nouveau de la protection du pays de nationalité, ce qui a conduit, en partie, à une décision déraisonnable. Une grande partie de l’analyse de la SPR sur la question de l’intention est consacrée à l’examen des motifs invoqués par Mme Galindo Camayo pour expliquer pourquoi elle était retournée en Colombie. Je suis d’accord avec Mme Galindo Camayo que la question de savoir si une personne avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité n’a rien à voir avec la question de savoir si le motif du voyage était nécessaire ou justifié (décision de la Cour fédérale, au paragraphe 31).

c)    L’importance du fait que Mme Galindo Camayo a pris des mesures pour se protéger en Colombie

[73]      La clé de l’évaluation selon la norme de la décision raisonnable de la décision de la SPR est de savoir si elle pouvait s’appuyer sur la preuve que Mme Galindo Camayo avait pris des mesures pour se protéger contre son agent de persécution pendant qu’elle était en Colombie pour réfuter la présomption selon laquelle elle s’était réclamée de nouveau de la protection de ce pays.

[74]      Selon Mme Galindo Camayo, sa famille a fait appel aux services d’agents de sécurité professionnels pour la protéger lors de chacun de ses voyages en Colombie, et des éléments de preuve documentaire provenant d’entreprises de sécurité ont été fournis pour étayer son témoignage à cet égard.

[75]      La SPR semble avoir accepté le témoignage de Mme Galindo Camayo sur ce point. Elle a toutefois estimé que, même si elle n’était peut-être pas pleinement consciente des raisons pour lesquelles sa famille avait fui la Colombie, Mme Galindo Camayo connaissait suffisamment les dangers liés à un voyage en Colombie pour engager du personnel de sécurité privé pour l’accompagner pendant son séjour.

[76]      Étant donné que la discussion concernant le recours de Mme Galindo Camayo à du personnel de sécurité privé a lieu dans la section des motifs de la SPR traitant de l’intention, il semble que la SPR ait compris que cet élément de preuve appuyait sa conclusion qu’en se rendant en Colombie, Mme Galindo Camayo avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays.

[77]      Je suis d’accord avec Mme Galindo Camayo pour dire qu’il s’agit d’une conclusion déraisonnable : les éléments de preuve relatifs à son recours à du personnel de sécurité privé lorsqu’elle était en Colombie ne témoignent pas de son intention de confier sa protection à la Colombie, mais plutôt de l’effet contraire. Il s’agit d’une preuve de la peur subjective permanente de Mme Galindo Camayo face à la situation en Colombie, et de son manque de confiance dans la capacité de l’État à la protéger.

[78]      Encore une fois, le témoignage de Mme Galindo Camayo sur ce point n’était pas nécessairement déterminant quant à la question de l’intention, et il était loisible à la SPR de le rejeter. Toutefois, elle devait au moins l’examiner correctement et, si elle estimait qu’il n’était pas probant ou convaincant, en expliquer les raisons. Le fait qu’elle ne l’a pas fait en l’espèce est une raison supplémentaire pour conclure que la décision de la SPR était déraisonnable.

[79]      Avant de conclure cette partie des motifs, je tiens à souligner que la SPR semble avoir considéré que l’utilisation par Mme Galindo Camayo de son passeport pour se rendre en Colombie satisfaisait aux trois éléments du critère relatif au fait de se réclamer de nouveau de la protection de son pays de nationalité (volontairement, intentionnellement et effectivement). Cela ressort du paragraphe 22 de ses motifs, où elle a estimé que l’utilisation par Mme Galindo Camayo de son passeport colombien pour voyager était volontaire. De même, au paragraphe 31 de ses motifs, la SPR a conclu que l’utilisation par Mme Galindo Camayo de son passeport colombien démontrait son intention de voyager sous la protection de la Colombie, et au paragraphe 34 de ses motifs, où la SPR a conclu que l’utilisation par Mme Galindo Camayo de son passeport colombien pour voyager en Colombie et ailleurs était une preuve du fait de se réclamer effectivement de nouveau de la protection du pays de nationalité. Cette approche laissait peu de place à Mme Galindo Camayo pour démontrer que, bien qu’elle avait utilisé son passeport colombien pour voyager, elle n’avait pas l’intention de se réclamer de la protection de ce pays.

VI.   Quelques remarques finales

[80]      Cette affaire représente la première occasion que notre Cour a eue de traiter un cas de perte de l’asile depuis que la Cour suprême a rendu l’arrêt Vavilov. À ce titre, la SPR pourrait bénéficier de nos conseils dans ce domaine. Il serait également malheureux que nous renvoyions cette affaire pour réexamen et que la SPR répète certaines des erreurs commises en l’espèce, ce qui pourrait conduire au « va-et-vient interminable de contrôles judiciaires et de nouveaux examens » contre lequel la Cour suprême a fourni une mise en garde dans l’arrêt Vavilov précité, au paragraphe 142.

[81]      Il convient toutefois de mentionner qu’en fournissant ces orientations, la Cour ne recommande ni ne suggère aucune issue dans un sens ou dans l’autre en ce qui concerne la demande de constat de perte de l’asile concernant Mme Galindo Camayo. Il incombe à la SPR de déterminer le bien-fondé du nouvel examen.

[82]      Comme nous l’avons mentionné précédemment, les motifs de la SPR concernant le nouvel examen ne doivent pas nécessairement comporter un examen microscopique de tout ce qui pourrait être dit sur la question. Il suffit d’une explication motivée concernant les éléments de preuve pertinents et les questions clés, y compris les principaux arguments présentés par les parties (Sexsmith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 111, [2021] 2 R.C.F. F-6, au paragraphe 36).

[83]      En outre, comme la Cour fédérale l’a observé en l’espèce, l’issue de chaque procédure relative à une demande de constat de perte d’asile dépendra largement des faits. Je souscris également à l’argument de l’intervenant, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, selon lequel le critère de perte de l’asile sur constat ne devrait pas être appliqué de manière mécanique ou par cœur. Tout au long de l’analyse, l’accent doit être mis sur la question de savoir si le comportement du réfugié, ainsi que les déductions qui peuvent en être tirées, peut indiquer de manière fiable que le réfugié avait l’intention de renoncer à la protection du pays d’asile.

[84]      Ainsi, lorsqu’elle traite des cas relatifs à une demande de constat de perte d’asile, la SPR doit tenir compte des facteurs suivants, au minimum, qui peuvent aider à réfuter la présomption selon laquelle une personne s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité. Aucun facteur individuel ne sera nécessairement déterminant, et tous les éléments de preuve relatifs à ces facteurs doivent être examinés et équilibrés afin de déterminer si les actions de la personne sont telles qu’elles ont permis de réfuter la présomption selon laquelle elle s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité.

•      Les dispositions du paragraphe 108(1) de la LIPR, qui imposent une contrainte à la SPR pour qu’elle parvienne à une décision raisonnable (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 115 à 124);

•      Les dispositions des conventions internationales telles que la Convention sur les réfugiés et les directives telles que le Guide sur les réfugiés, en tant que droit international, constituent une contrainte importante pour les décideurs administratifs tels que la SPR. La législation est réputée s’appliquer conformément aux obligations internationales du Canada, et l’organe législatif est « présumé respecter les valeurs et les principes du droit international coutumier et conventionnel » (Vavilov CSC, précité, au paragraphe 114, renvoyant aux arrêts R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, au paragraphe 53; R. c. Appulonappa, 2015 CSC 59, [2015] 3 R.C.S. 754, au paragraphe 40; voir également la LIPR, alinéa 3(3)f)).

•      La gravité des conséquences qu’aura pour la personne concernée la décision de mettre fin à l’octroi de l’asile. Lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de la personne visée, les motifs fournis à cette dernière doivent refléter ces enjeux (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 133 à 135);

•      Les observations des parties. Les principes de la justification et de la transparence exigent que les motifs du décideur administratif tiennent valablement compte des questions et des préoccupations centrales soulevées par les parties (Vavilov CSC, précité, aux paragraphes 127 et 128);

•      L’état des connaissances de la personne en ce qui concerne les dispositions relatives à la perte de l’asile. La preuve qu’une personne est retournée dans son pays d’origine en sachant parfaitement que cela pouvait mettre en péril son statut de réfugié peut avoir une signification différente de la preuve qu’une personne n’est pas consciente des conséquences potentielles de ses actions;

•      Les attributs personnels de la personne tels que son âge, son éducation et son niveau de connaissance;

•      L’identité de l’agent persécuteur. En d’autres termes, la personne craint-elle le gouvernement de son pays de nationalité ou affirme-t-elle craindre un acteur non étatique? La preuve qu’une personne qui affirme craindre le gouvernement du pays dont elle a la nationalité révèle néanmoins sa localisation à ce même gouvernement en demandant un passeport ou en entrant dans le pays peut être interprétée différemment de la preuve concernant les personnes qui demandent un passeport et qui craignent des acteurs non étatiques. Dans cette dernière situation, le fait de demander un passeport ou d’entrer dans le pays n’expose pas nécessairement la personne à son agent de persécution. Cela peut être particulièrement le cas lorsque la personne n’a fait que demander un passeport : la demande d’un passeport peut avoir peu d’influence sur le risque encouru par une victime de violence familiale, par exemple, ou sur son degré de peur subjective;

•      La question de savoir si l’obtention d’un passeport du pays d’origine est faite volontairement;

•      La question de savoir si la personne a effectivement utilisé le passeport pour voyager. Si oui, y a-t-il eu des voyages dans le pays de nationalité de la personne ou dans des pays tiers? Le voyage dans le pays de nationalité de la personne peut, dans certains cas, être considéré comme ayant une signification différente de celle du voyage dans un pays tiers;

•      Quelle était la raison du voyage? La SPR peut considérer que le voyage dans le pays de nationalité pour une raison impérieuse, comme la maladie grave d’un membre de la famille, n’a pas la même signification que le voyage dans ce même pays pour une raison plus frivole, comme des vacances ou une visite à des amis;

•      La fréquence et la durée des voyages;

•      Ce que la personne a fait pendant son séjour dans le pays en question;

•      La question de savoir si la personne a pris des précautions pendant son séjour dans le pays dont elle a la nationalité. La preuve qu’une personne a pris des mesures pour dissimuler son retour, comme le fait de rester séquestrée dans une maison ou un hôtel pendant toute la durée de la visite ou d’embaucher du personnel de sécurité privé pendant qu’elle se trouve dans le pays d’origine, peut être considérée différemment de la preuve que la personne s’est déplacée librement et ouvertement pendant qu’elle se trouvait dans son pays de nationalité;

•      La question de savoir si les actions de la personne démontrent qu’elle n’a plus de crainte subjective de persécution dans le pays de sa nationalité, de sorte que la protection supplétive n’est plus nécessaire; et

•      Tout autre facteur s’appliquant à la question de savoir si la personne en cause a réfuté la présomption selon laquelle elle s’est réclamée de nouveau de la protection de son pays de nationalité dans un cas donné.

VII.  Conclusion

[85]      Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. Je répondrais aux questions certifiées et, dans le cas des deuxième et troisième questions, les questions telles que reformulées, comme suit :

1)  Lorsqu’une personne est reconnue comme ayant qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger du fait qu’elle est inscrite comme personne à charge dans une demande d’asile présentée dans un bureau intérieur et instruite par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), mais que la décision de la SPR ne confirme pas que la personne à charge a fait l’objet d’un examen des risques individuel ou personnalisé, cette personne a-t-elle qualité de réfugié au sens de la Convention au titre du paragraphe 95(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et, par conséquent, peut-elle perdre l’asile au titre du paragraphe 108(2) de la LIPR?

Il n’est plus nécessaire de répondre à cette question.

2)  Est-il raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve du manque de connaissance subjective (ou de simple connaissance) du réfugié quant au fait que l’utilisation d’un passeport confère une protection diplomatique pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert un passeport délivré par son pays d’origine et voyage muni de celui-ci a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

La réponse est « Oui ».

3)  Est-il raisonnable de la part de la Section de la protection des réfugiés d’invoquer la preuve qu’un réfugié a pris des mesures pour se protéger de son agent de persécution (ou de celui du membre de sa famille qui est le demandeur d’asile principal) pour réfuter la présomption selon laquelle un réfugié qui acquiert (ou renouvelle) un passeport délivré par son pays d’origine et l’utilise pour retourner dans ce pays a eu l’intention de se réclamer de la protection de cet État?

La réponse est « Oui ».

 

Le juge Stratas, J.C.A. : Je suis d’accord.

            La juge Rivoalen, J.C.A. : Je suis d’accord.

 

ANNEXE

L’alinéa 3(3)f) de la LIPR

Objet en matière d’immigration

3 (1) […]

Interprétation et mise en œuvre

(3) L’interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

[…]

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

Le sous-alinéa 25(1.2)c)(i) de la LIPR

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

25 (1) […]

Exceptions

(1.2) Le ministre ne peut étudier la demande de l’étranger faite au titre du paragraphe (1) dans les cas suivants :

[…]

c) sous réserve du paragraphe (1.21), moins de douze mois se sont écoulés depuis, selon le cas :

(i) le rejet de la demande d’asile ou le prononcé de son désistement — après que des éléments de preuve testimoniale de fond aient été entendus — ou de son retrait par la Section de la protection des réfugiés, en l’absence d’appel et de demande d’autorisation de contrôle judiciaire, […]

L’article 40.1 de la LIPR

Perte de l’asile — étranger

40.1 (1) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant la perte de l’asile d’un étranger emporte son interdiction de territoire.

Perte de l’asile — résident permanent

(2) La décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile d’un résident permanent emporte son interdiction de territoire.

L’alinéa 46(1)c.1) de la LIPR

Résident permanent

46 (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants :

[…]

c.1) la décision prise, en dernier ressort, au titre du paragraphe 108(2) entraînant, sur constat des faits mentionnés à l’un des alinéas 108(1)a) à d), la perte de l’asile; […]

Le paragraphe 48(2) de la LIPR

Mesure de renvoi

48 (1) […]

Conséquence

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être exécutée dès que possible.

Le paragraphe 63(3) de la LIPR

Droit d’appel : visa

63 (1) […]

Droit d’appel : mesure de renvoi

(3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise en vertu du paragraphe 44(2) ou prise à l’enquête.

L’alinéa 101(1)b) de la LIPR

Irrecevabilité

101 (1) La demande est irrecevable dans les cas suivants :

[…]

b) rejet antérieur de la demande d’asile par la Commission; […]

Les paragraphes 108(1), 108(2) et 108(3) de la LIPR

Rejet

108 (1) Est rejetée la demande d’asile et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de personne à protéger dans tel des cas suivants :

a) il se réclame de nouveau et volontairement de la protection du pays dont il a la nationalité;

b) il recouvre volontairement sa nationalité;

c) il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays de sa nouvelle nationalité;

d) il retourne volontairement s’établir dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison duquel il a demandé l’asile au Canada;

e) les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent plus.

Perte de l’asile

(2) L’asile visé au paragraphe 95(1) est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés au paragraphe (1).

Effet de la décision

(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.

Le paragraphe 110(2) de la LIPR

Appel

110 (1) […]

Restriction

(2) Ne sont pas susceptibles d’appel :

a) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile d’un étranger désigné;

b) le prononcé de désistement ou de retrait de la demande d’asile;

c) la décision de la Section de la protection des réfugiés rejetant la demande d’asile en faisant état de l’absence de minimum de fondement de la demande d’asile ou du fait que celle-ci est manifestement infondée;

d) sous réserve des règlements, la décision de la Section de la protection des réfugiés ayant trait à la demande d’asile qui, à la fois :

(i) est faite par un étranger arrivé, directement ou indirectement, d’un pays qui est — au moment de la demande — désigné par règlement pris en vertu du paragraphe 102(1) et partie à un accord visé à l’alinéa 102(2)d),

(ii) n’est pas irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e) par application des règlements pris au titre de l’alinéa 102(1)c);

d.1) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile du ressortissant d’un pays qui faisait l’objet de la désignation visée au paragraphe 109.1(1) à la date de la décision;

e) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande du ministre visant la perte de l’asile;

f) la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande du ministre visant l’annulation d’une décision ayant accueilli la demande d’asile.

L’alinéa 112(2)b.1) de la LIPR

Demande de protection

112 (1) […]

Exception

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

[…]

b.1) sous réserve du paragraphe (2.1), moins de douze mois ou, dans le cas d’un ressortissant d’un pays qui fait l’objet de la désignation visée au paragraphe 109.1(1), moins de trente-six mois se sont écoulés depuis, selon le cas :

(i) le rejet de sa demande d’asile — sauf s’il s’agit d’un rejet prévu au paragraphe 109(3) ou d’un rejet pour un motif prévu aux sections E ou F de l’article premier de la Convention — ou le prononcé de son désistement ou de son retrait par la Section de la protection des réfugiés, en l’absence d’appel et de demande d’autorisation de contrôle judiciaire,

(ii) dans tout autre cas, la dernière des éventualités ci-après à survenir :

(A) le rejet de la demande d’asile — sauf s’il s’agit d’un rejet prévu au paragraphe 109(3) ou d’un rejet pour un motif prévu aux sections E ou F de l’article premier de la Convention — ou le prononcé de son désistement ou de son retrait par la Section de la protection des réfugiés ou, en cas de pluralité de rejets ou de prononcés, le plus récent à survenir,

(B) son rejet — sauf s’il s’agit d’un rejet pour un motif prévu aux sections E ou F de l’article premier de la Convention — ou le prononcé de son désistement ou de son retrait par la Section d’appel des réfugiés ou, en cas de pluralité de rejets ou de prononcés, le plus récent à survenir,

(C) le refus de l’autorisation de contrôle judiciaire ou le rejet de la demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale à l’égard de la demande d’asile — sauf s’il s’agit d’un rejet de cette demande prévu au paragraphe 109(3) ou d’un rejet de celle-ci pour un motif prévu aux sections E ou F de l’article premier de la Convention; […]

 

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